Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES BD DU 31 AOÛT 2009
Notre petite sélection de la semaine? : ? L’Or et le sang T.1 : L’Appel du large ? par Fabien Bedouel, Merwan, Maurin Defrance et Fabien Nury, ? Buzz-moi ? par Aurélia Aurita et ? Miss Pas Touche T.4 : Jusqu’à ce que la mort nous sépare ? par Kerascoët et Hubert.
- ? L’Or et le sang T.1 : L’Appel du large ? par Fabien Bedouel, Merwan, Maurin Defrance et Fabien Nury – Éditions 12 bis (13 Euros)
Décidément, les 12 bis aiment beaucoup les bandes dessinées historiques… ; et on ne va pas s’en plaindre ! Les expériences qu’ils ont déjà menées dans ce genre (qui était pourtant tombé un peu en désuétude, depuis quelques années) sont pratiquement toutes des réussites : que ça soient « Ils étaient dix » d’Éric Stalner, « Robin » de Héloret et Pierre Boisserie ou « Les Passagers du vent » de François Bourgeon. Toutes prouvent qu’ils risquent bien de redonner, à cette branche éditoriale, les lettres de noblesse qu’elle avait perdu. Et « L’Or et le sang », sur la Guerre du Rif au début années 1920 (le premier conflit de décolonisation moderne), n’est pas en reste ! Un jeune truand corse, acoquiné avec la mafia marseillaise, et un aristocrate, fils d’un riche industriel, se croisent dans les tranchées de 14-18. Sous la mitraille allemande, ils se réfugient dans un trou d’obus et le Corse raconte l’histoire d’Arudj, un pirate turc devenu roi d’Alger. Persuadés qu’ils vont mourir, ils font un pacte : s’ils s’en sortent, eux aussi deviendront les princes de la Méditerranée ! Le scénariste de « Il était une fois en France » ou de « Je suis légion » nous propose une grande et belle aventure épique (prévue en quatre tomes), en partant du récit mouvementé et dépaysant concocté par son ami Maurin Defrance. Si les références littéraires à Henri de Monfreid ou à Rudyard Kipling sont évidentes, le récit est mené de main de maître et on ne s’ennuie pas une seconde en suivant le destin de ces deux hommes qui ont tout quitté pour partir à la « grande » aventure… Et tout ça à cause d’un hérisson alcoolique… Après, le style graphique de Merwan Chabane (en duo avec Fabien Bédouel, l’un de ses amis animateurs qui réalise le story-bord avec des crayonnés très poussés et qui exécute ensuite les dernières retouches une fois que Merwan a encré et colorié) peut surprendre, et son trait moderne peut désorienter les aficionados du dessin classique ; d’autant plus que la narration, elle, reste assez linéaire : ce qui est plutôt rassurant pour cette frange du lectorat ! Quoi qu’il en soit, le résultat est original et mérite vraiment le détour… Surtout que la suite devrait arriver rapidement, vu la technique de travail des auteurs qui leur permet d’aller plus vite que s’ils travaillaient tout seul dans leurs coins.
- ? Buzz-moi ? par Aurélia Aurita – Éditions Les Impressions nouvelles (15 Euros)
Avant le tourbillon médiatique généré par la publication de son « Fraise et chocolat », paru en mars 2006 chez le même éditeur, Aurélia Aurita n’avait publié que quelques planches dans Fluide Glacial et dans PLG, ainsi qu’un recueil d’histoires courtes (« Angora », publié par Stéréoscomic puis par le Neuvième Monde, en 2003) où elle narrait les doutes et malaises d’une jeune femme à la recherche d’un amour définitif. Elle poussa donc plus loin l’introspection et les frontières de l’autobiographie avec ces deux petits albums contenant des confidences plus que privées : puisqu’elle y raconte l’amour qu’elle porte à Frédéric Boilet, auteur de bandes dessinées vivant à l’époque au Japon. Ces tranches de vie souvent impudiques, mais toujours malicieuses, drôles, tendres et pleines de charme, ont obligé le lecteur à se retrouver en position de voyeur, partageant, sans tabous, leur plaisir à faire l’amour : une frénésie sexuelle vraiment touchante, jouissive et même éducative ! Seulement voilà , le buzz suscité par ces deux petits albums a eu ses revers et c’est ce que nous raconte ici la jeune femme en détaillant ses angoisses avant de passer à la télévision ou d’être interviewée par les journalistes : presse branchée aux pratiques douteuses, éditeurs passionnés mais intéressés, séances de dédicaces avec les fans (lecteur, mon amour !!!), tout le monde passe sur la sellette, l’« auteure » tentant toutefois de faire résonner sa personnalité le plus justement possible ! Au bout des règlements de comptes, ce qui pourrait n’être qu’une autobiographie de plus en BD se révèle être de vrais moments intimes, pleinement partagés, grâce à une narration efficace, des dialogues souvent drôles, et un trait sensuel. Car, à l’instar des meilleurs représentants de la « nouvelle BD » (les Trondheim, Sfar, Blain et autres Blutch), Aurélia Aurita sait raconter une histoire en bandes dessinée ; même si ce n’est, du moins pour le moment, « que » son histoire…
- ? Miss Pas Touche T.4 : Jusqu’à ce que la mort nous sépare ? par Kerascoët et Hubert – Éditions Dargaud (10,40 Euros)
Voici la fin de ce deuxième délicieux diptyque qui met en scène une jeune provinciale, vierge de son état, qui s’est infiltrée dans une maison close de la capitale (à l’origine pour y découvrir les meurtriers de sa sœur). En mélangeant toujours aussi habilement les poncifs de l’enquête policière, de la chronique sociale et du feuilleton populaire, le scénariste Hubert (également connu pour son excellent travail de coloriste) aborde, cette fois-ci, un sujet qui était alors tabou dans cette France des années 1930 qu’il nous décrit si bien : l’homosexualité. Reprenant conscience, en guenille, après avoir complètement perdu les pédales lors de la soirée d’inauguration du nouveau Pompadour, notre naïve héroïne revient dans ce somptueux lupanar parisien où elle s’était spécialisée dans le « fouettage », dominant ses clients tout en préservant sa virginité. Comme elle ne peut pas compter sur sa mère, une harpie alcoolisée, la jeune candide y débarque pour demander de l’aide à la dernière amie qui lui reste, ayant été abandonnée par un joli blondinet de la haute qui venait de la demander en mariage. L’ennui, c’est que la veille, elle a fendu le crâne du riche propriétaire du luxueux bordel avec un candélabre, alors que ce dernier essayait de la maîtriser… Le scénario est toujours aussi sophistiqué car il privilégie l’ambiance de l’époque et ses paramètres sociaux plutôt complexes, et le couple qui se dissimule sous le pseudonyme de Kerascoët (Marie Pommeguy et Sébastien Cosset) se démarque de plus en plus de leurs influences premières, en imposant un style graphique léger qui participe à l’entière lisibilité de l’ensemble : une vraie réussite !
Gilles RATIER