Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« King’s Game » par Nobuaki Kanazawa et Hitori Renda
Après « Judge », « Doubt », « L’ÃŽle de Hôzuki » et « Le Berceau des esprits », il est facile de constater que les thrillers psychologiques, avec un enchaînement de décès, est une des spécialités des éditions Ki-oon. « King’s Game » s’inscrit dans ce même registre. Ce pseudo huis clos est un phénomène au Japon. Tout débute par un roman publié sur un portail de littérature en ligne. Depuis 2009, ce sont plus de 30 millions de lecteurs qui se sont pressés pour dévorer chaque chapitre. Un vrai succès qui ne se dément pas. Un film dérivé du roman est sorti en 2010 et, bien sûr, un manga en cinq volumes dont la version française est publiée en ce début 2013.
Tout commence par un simple SMS envoyé à toute la classe de seconde B : « Toute votre classe participe à un King’s Game. Les ordres du roi sont absolus et doivent être exécutés sous 24 heures. Attention, aucun abandon ne sera toléré. » L’ordre est simple et trivial : « L’élève N°4, Hirofumi Inoue, et l’élève N°19, Minako Naoko, doivent s’embrasser ». Si cette première demande peut être prise comme une plaisanterie, le second ordre est un peu plus répugnant : « L’éleve N°18, Hideki Toyoda, doit lécher le pied de l’élève N°5, Yûko Imoto ». C’est finalement le troisième ordre qui fera tout basculer : « L’élève N°18, Hideki Toyoda, doit toucher la poitrine de l’élève N°3, Satomi Ishii ». Hideki est bien évidemment ravi de la tournure que prend le jeu ; mais Satomi ne partageant pas son point de vue, ne se rend pas en cours ce jour-là . La sanction tombe à minuit, comme l’ordre n’a pas été exécuté, les deux élèves seront pendus. À ce moment-là , plus personne ne trouve ce jeu amusant, surtout lorsque la réalité sera corroboré par l’annonce par SMS. Le lendemain matin, à la première heure de cours, le professeur annonce le décès des deux étudiant. Un suicide selon l’école, mais aucun des 30 élèves restant n’est dupe. Ce jeu doit être pris très au sérieux et un tueur se cache, peut-être, au milieu de cette classe. Les ordres suivants seront de plus en plus pervers, des élèves doivent coucher ensemble, un autre doit se pendre ou encore s’immoler par le feu. Bref, quelqu’un a décidé d’éliminer, petit à petit, cette classe, tout en jouant avec les nerfs et la sensibilité de ses élèves.
Dans la vraie vie, une telle situation ne pourrait se produire ! C’est la réflexion que le lecteur pourrait avoir. Pourtant, les jeux mortels en milieux scolaires sont une réalité. Ils prennent ici un aspect technologique, en se propageant par SMS. Mais c’est également criminel avec la mise à mort programmée des élèves qui n’exécutent pas les ordres. La direction de l’établissement et la police ne prenant pas les deux premiers morts au sérieux, les élèves deviennent plus méfiants entre eux. Certains paniquent, ce qui rajoute un côté dramatique à l’histoire. C’est un peu le lot des jeunes : ne pas se sentir compris par les adultes. Ils ne savent pas vers qui se tourner du fait de leur inexpérience. Abandonnés, ils doivent trouver un moyen de se sortir de cette situation et, finalement, démasquer le « Roi ». Et si ce n’était pas un élève de la classe, où le chercher. Avec seulement cinq tomes, cette série ne va pas s’éterniser inutilement. Le suspens est là , et l’histoire semble prometteuse.
C’est le premier manga professionnel d’Hitori Renda. Ce jeune dessinateur a un style semi-réaliste des plus classique. On est dans le shônen pur jus. Les passages dramatiques, comiques ou de vie quotidienne sont très bien mis en valeur et concorde avec le scénario. La lecture n’en est que plus agréable et cela accentue le côté cru de l’histoire. Le graphisme ne risque pas de vous faire faire des cauchemars nocturnes, mais le scénario pourrait bien torturer l’esprit du lecteur. Les ordres du « Roi » étant sans limites, on finit par se demander si c’est réellement un dépravé qui s’amuse de ces enfants ou une puissance occulte qui agit de manière complètement disproportionnée.
Les ordres permettent de créer de mini-histoires au sein du récit. Ce qui donne un côté un peu répétitif au scénario. On finit par se demander pourquoi aucune personne extérieure à cette classe ne paraît réellement impliquée dans cette tragédie. Comme je l’expliquais précédemment, c’est peut-être pour montrer la solitude de cette jeunesse face à l’incompréhension des adultes. Néanmoins, ce n’est pas flagrant et ce point aurait mérité d’être un peu plus développé. Surtout qu’aucun autre élève ne semble se préoccuper de la chose, comme si aucune autre classe n’existait dans cet établissement.
« King’s Game » est loin d’être le plus violent des thrillers, que ce soit graphiquement ou psychologiquement. Le lecteur se fait pourtant embarquer grâce à la tension qui progresse au fil du récit. : le point culminant arrivant bien évidemment vers la dernière page. Si le scénariste Nobuaki Kanazawa arrive à garder cette trame pour les trois tomes suivants, il devrait finaliser l’histoire en apothéose.
Gwenaël JACQUET
« King’s Game » par Nobuaki Kanazawa et Hitori Renda
Éditions Ki-oon (7,65 €) – ISBN : 978-2-35592-490-3
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