Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Tentant de relancer les fumetti de Sergio Bonelli en Europe francophone avec « Encre de Chine », une collection brochée au petit format proche de l’original, les éditions Clair de lune ont déjà publié trois aventures mythiques de « Tex Willer ».
Deux sont dues aux Espagnols José Ortiz (aux dessins) et Antonio Segura (aux scénarios), tandis que l’autre est somptueusement mise en images par le Romain Corrado Mastantuono et écrite par Claudio Nizzi, l’un des scénaristes les plus prolifiques de la série (1).
Et cet éditeur continue de gâter les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en proposant, dès aujourd’hui, un nouvel épisode de 224 pages en noir et blanc de ce célèbre western transalpin : « Sang sur le Colorado ». L’étonnant dessinateur italien Ivo Milazzo (voir son travail sur « Ken Parker », une autre histoire de cow-boys et d’indiens dont il faudra bien que l’on vous parle un de ces jours) assurant magistralement la partie graphique, le récit étant toujours signé par Claudio Nizzi !
Cette aventure de ce justicier ami des Indiens, qui se déroule cette fois-ci à Silver Creeek dans la région minière du Colorado, est parue, à l’origine, en juillet 1999, dans la collection annuelle Speciale Tex. Cette dernière, qui existe depuis 1988 (proposant actuellement vingt-deux titres différents), a déjà invité différents dessinateurs aussi célèbres que talentueux : tels Guido Buzzelli (verra-t-on un jour la traduction de ce premier annuel intitulé « Tex il grande ! » ?) , Alberto Giolitti, Aurelio Galleppini (qui n’est autre que le créateur graphique de la série), Sergio Zaniboni, VÃctor De La Fuente (2), José Ortiz, Giovanni Ticci, Aldo Capitanio, Roberto Raviola (Magnus), Jordi Bernet (2), Goran Parlov (3), Alfonso Font (2), Ivo Milazzo, Colin Wilson (2), Joe Kubert (4), Bruno Brindisi, Manfred Sommer, Roberto De Angelis, Carlo Ambrosini (3), Giancarlo Alessandrini (3), Corrado Mastantuono et Lucio Filippucci (tous ces noms étant cités par ordre d’apparition dans cette collection).
Mais la série régulière (certainement la plus appréciée par les lecteurs autochtones) regorge aussi de petits joyaux : c’est le cas de certains épisodes dus aux créateurs (le scénariste Gian Luigi Bonelli (5), le père de l’éditeur actuel qui scénarisera également cette série sous le pseudonyme de Guido Nolitta, et le dessinateur Aurelio Galleppini surnommé Galep (6)) ; même si les premières histoires sont assez banales (Tex y est présenté comme une sorte de justicier solitaire tirant sur tout ce qui bouge), leurs thématiques s’étoffent très vite…
Pour l’anecdote, sachez qu’en 1939, l’éditeur Mondadori rachète L’Audace  , mais l’hebdomadaire cesse de paraître l’année suivante pour revenir six mois plus tard, publié par les éditions IDEA de Milan dont la directrice, Tea Berlasi n’est autre que l’épouse de Gian Luigi Bonelli. C’est cet hebdomadaire qui va servir de support à la propre entreprise de ce dernier. Ce n’est pourtant qu’en septembre 1948 qu’il se décide à lancer de nouveaux personnages pour alimenter ses éditions (par le biais de la Daim Press, société qui deviendra ensuite la propriété de son fils), dont deux héros créés simultanément avec Aurelio Galleppini : « Occhio Cupo », un corsaire masqué à la Errol Flynn que Galep met superbement en images en consacrant une journée complète à chaque planche , et une aventure de cow-boy (modelé sur Gary Cooper) que le dessinateur bâcle en une soirée ; ce dernier devait s’appeler Tex Killer mais, au dernier moment, son nom est transformé en Willer afin d’éviter tout problème avec la censure. Au bout de quelques mois, il n’y a pas photo : les petits recueils au format « a strisce » (7) d’Occhio Cupo s’arrêtent alors que ceux de Collana del Tex (où « Tex » est omniprésent) rencontrent un succès grandissant : ils paraîtront, d’ailleurs, sous cette forme, jusqu’en 1967 !
Si cette bande dessinée est rééditée de 1952 à 1960 dans Tex Quindicinale Albo d’oro, la première série des Tex Gigante (de 1954 à 1958), cent dix pages au format 20 x 26 cm, apparaît : dix-neuf numéros qui deviendront mythiques pour les collectionneurs transalpins ! A noter que « Tex » est ensuite publié, à partir d’octobre 1958, avec son format actuel (16 x 21 cm), dans la deuxième série de Tex Gigante, laquelle va bientôt atteindre son 583ème numéro : et comme elle est continuellement rééditée, les lecteurs italiens peuvent en constituer l’intégrale à tout moment… ,
A la lecture de « Tex », on sent bien que Gian Luigi Bonelli s’est investi à fond dans ce personnage, s’identifiant certainement à lui : ses rares interviews révèlent en effet un homme plutôt dur et intransigeant, un peu comme le taciturne « Tex ». Par ailleurs, en évitant le manichéisme habituel de la plupart des films et des bandes dessinées du genre, il a su décrire finement la mentalité indienne, tout en bravant certains tabous sociétaux : il a quand même marié Tex à une Indienne…, en 1950 ! Et même si le trait d’Aurelio Galleppini est quelques fois laborieux, le réalisme de son dessin permet de créer une vraie ambiance à des centaines de lieues de celle que l’on trouve dans l’adaptation cinématographique intitulée « Tex Willer et le seigneur des abysses » : un film long-métrage sorti sur les écrans en 1985 et réalisé par Ducio Tessari (avec Guiliano Gemma dans le rôle de Tex et Will Berger dans celui de son fidèle ami Kit Carson). Et pourtant, ce western-spaghetti, dans lequel papa Bonelli joue le rôle d’un vieux sorcier indien, s’inspire d’un épisode dessiné par Aurelio Galleppini (publié en France dans Rodéo en 1970)… ,
Alors que Galep laisse la place à Mario Uggeri, puis à Francesco Gamba, Virgilio Muzzi, Erio Nicolò, Guglielmo Letteri, Giovanni Ticci, Ferdinando Fusco, Vincenzo Monti, Fabio Civitelli, Jesús Blasco, Claudio Villa, Raffaele Della Monica, Carlo Raffaele Marcello, Raul et Gianluca Cestaro, Mario Milano, Pasquale Del Vecchio, Dante Spada, Marco Bianchini et Marco Santucci, Alessandro Piccinelli…, Bonelli lance aussi les Maxi Tex, en décembre 1991 : publication occasionnelle regroupant de longues aventures mises en images par Miguel Angel Repetto, par Roberto Diso, par Ugolino Cossu et surtout par José Ortiz (les deux épisodes traduits chez Clair de lune faisant partie du lot), écrites par le prolifique Claudio Nizzi, par Gianfranco Manfredi ou encore par Giancarlo Berardi, le complice d’Ivo Milazzo sur « Ken Parker ».
Enfin, depuis 1994, il existe une autre collection annuelle (« Tex Alamanacco ») dessinée par Renzo Calegari, Andrea Venturi, Alarico Gattia, Stefano Andreucci, Rossano Rossi, Ernesto Garcia Seijas, Franco Devescovi…, et scénarisée par Claudio Nizzi, Mauro Boselli ou Pasquale Ruju (le tout sous de très belles couvertures signées Claudio Villa).
S’il fait rapidement irruption dans l’édition francophone, dès novembre 1948, « Tex » n’apparaît pas tout de suite chez LUG (le principal traducteur des publications Bonelli en France), mais à la Librairie Moderne de la S.A.G.É. (future Sagédition), de 1948 à 1950, sous le nom de « Texas Boy »,
dans un magazine éponyme, puis dans Youmbo Magazine. Ensuite, la SER de Pierre Mouchot reprend à son compte la publication de « Tex » en France. L’histoire publiée dans Youmbo Magazine se terminant en queue de poisson, le dessinateur Chott maquille sa suite dans les n°69 à 75 de « Big Bill le casseur ». Par la suite, il renomme notre héros « Old Boy », en 1951, dans un petit format de même appellation, puis dans Humo ou Rancho, en 1953.
Ceci avant qu’« Aigle de nuit » (patronyme que lui a attribué la tribu des Navajo dont il est devenu chef suprême à titre honoraire) finisse enfin par atterrir chez LUG, en 1952, sous son titre d’origine : tout d’abord dans les n°2 à 8 des récits complets Supplément à Plutos, puis dans Tex (un mensuel grand format qui dura 35 numéros d’avril 1952 à février 1955), et dans Rodéo (à partir de son n°43 de mars 1955), passant alors à un format encore plus petit.
Tex sera également publié furtivement, comme bande complémentaire, dans Spécial Rancho (n°11 et 12 de juin et août 1958), Spécial Kiwi (n°7 de juin 1961) et Yuma (du n° 49 de novembre 1966 au n°73 de novembre 1968) ; la plupart des épisodes étant réédités, à partir de 1962, dans Spécial Rodéo, en alternance avec des inédits. Enfin, « Tex » sera la bande principale de Mustang, à partir du n° 71 de février 1982, mais ce ne seront aussi que des rééditions. A noter qu’il y eut également une tentative de publier « Tex » au format original (en 1974, le temps de 4 numéros) et sous la forme d’un album broché, en 1984 : « L’Idole de cristal » (reprenant le contenu du n°100 de « Tex » réalisé par Gian Luigi Bonelli et Aurelio Galleppini).
Finalement, ce sont plusieurs générations de lecteurs qui se sont passionnées pour les aventures de ce membre officiel des Texas Rangers, tour à tour détective ou agent secret, qui parcourt les prairies du Far West en compagnie de son fils Kit (né de son mariage avec Lilith la Navajo, décédée dans des circonstances dramatiques), du vieux râleur Kit Carson et du farouche guerrier indien Tiger Jack. Son terrain d’action, pour combattre l’injustice et défendre les opprimés, ne se limitant pas aux Etats-Unis d’Amérique, la toile de fond de ses aventures, qui mélange les thèmes classiques du western à des éléments empruntés à l’horreur ou au fantastique, est souvent exotique ; notamment dans les histoires où il affronte son « ennemi numéro un » : le diabolique Méphisto, maître de la magie noire, et son fils Yama…
Hélas, depuis quelques années, les fumettis ont vraiment du mal à s’imposer à France : outre l’arrêt des petits formats (et des rares albums) édités par Semic en 2004, les autres tentatives se sont toutes révélées peu rentables, que ce soit la collection « 2H1/2 » de Glénat ou les « Dylan Dog » chez EP ; seul l’excellent western fantastique « Esprit du vent » de Gianfranco Manfredi et Pasquale Frisenda, continue d’être publié, contre vents et marées, par Mosquito. Pourtant, les ventes mondiales de « Tex » dépassent les 500 millions d’exemplaires ; sans parler de l’Italie où 600 000 exemplaires de la série sont vendus chaque mois ! Et cette figure légendaire de la bande dessinée européenne est aussi très populaire en Espagne, en Norvège, en Finlande, en Turquie, au Brésil et dans de nombreux autres pays. Espérons que, cette fois-ci, les fans francophones de « Tex » se mobiliseront pour que la collection « Encre de Chine » de Clair de Lune puisse perdurer et nous proposer les nombreux épisodes encore inédits dans notre pays.
Gilles RATIER
(1) Les autres éventuels scénaristes de la série régulière de « Tex » sont Decio Canzio, Tito Faraci et Michele Medda
(2) Ces épisodes ont déjà été traduits par les éditions Semic entre 2000 et 2003, dans des albums grands formats aujourd’hui très recherchés.
(3) « L’Ultime frontiera » de Goran Parlov et Claudio Nizzi (qui date de 1997), « Il prezzo della vendetta » de Carlo Ambrosini et Claudio Nizzi (2005), « Canyon dorado » de Giancarlo Alessandrini et Claudio Nizzi (2006) et « Seminoles » de Lucio Filippucci et Gino D’Antonio (2008) sont annoncés, respectivement, pour août 2009, octobre 2009, janvier 2010 et mars 2010 chez Clair de Lune !
(4) Cette histoire a été publiée en langue française sous la forme de quatre albums cartonnés et mis en couleurs pour l’occasion chez Erko, de 2002 à 2004. Les éditions Semic (alors en difficulté et regardant à deux fois à la dépense) ayant déclaré forfait devant l’importance des droits réclamés par la S.A.F. (Strip Art Features) qui gérait alors (et qui gère toujours) les intérêts Bonelli en France.
(5) Gian (diminutif de Giovanni) Luigi Bonelli (1908-2001) a écrit un grand nombre de scénarios, entre 1930 et 1960, illustrés par les meilleurs artistes italiens de l’époque : Kurt Caesar, Rino Albertarelli, Walter Molino, Antonio Canale, Raffaele Paparella, Antonio Canale, Vittorio Cossio, Paolo Piffarerio, Franco Donatelli, Franco Caprioli, Leone Cimpellin, Renzo Calegari, Gino D’Antonio, Dino Battaglia, Franco Bignotti…
(6) Aurelio Galleppini (1917-1994) débute en 1936 et sa signature, Galep, figure dès 1940 dans des magazines comme Topolino, L’Avventuroso et Intrepido ou dans des récits complets comme Albi dell’Intrepido, ceci avant qu’il se consacre, presque exclusivement, à « Tex ». Une partie de ses premiers travaux a été traduite en français dans Robinson, Spirou, Zorro…, ou dans Les Sélections Prouesses qui francisèrent son nom en G. Aurèle !
(7) Alors qu’aujourd’hui on parle plutôt de « format paysage » (pour un document plus large que haut) et de « format portrait » (pour un document plus haut que large), dans l’édition, on utilise aussi très souvent les termes de « format à l’italienne » et de « format à la française ». Saviez-vous que ces appellations proviennent des formats imposés par les magazines de bandes dessinées de l’après-guerre publiées dans un format inspiré par celui italien de « a strisce » (c’est-à -dire en bande) où étaient publiés de nombreux récits complets d’origine italienne dont « Tex » était l’une des premières et des principales vedettes : d’où le fameux « format à l’italienne », puisque, à l’époque, il y avait le format journal dit à la française.
(8) Pour en savoir plus sur « Tex », vous pouvez toujours essayer de dénicher Le Collectionneur de bandes dessinées n° 66 et Hop ! n°50, de commander l’ouvrage « Tex en France » de Dominique Yvon (38 euros, chez l’auteur : 211 rue Honoré de Balzac, 37700 Saint Pierre des Corps), ou de consulter certains sites recommandables comme http://www.pimpf.org, http://www.fantasmak.com ou https://en.sergiobonelli.it/.
Bonjour,
J’aurais bien aimé que vous précisiez mon blog http://texwiller.over-blog.com pour en savoir plus sur Tex. Mais comme je débute, il n’est pas fortement diffusé.
Je vous remercie si vous pouvez m’aider à le diffuser.
Parrallèlement, puis-je publier votre article sur mon blog si vous êtes d’accord ? (source + nom auteur).
Bien bédéphilement,
Camilo Prieto
Bonjour,
Vous pouvez publier le chapô et renvoyer le lien sur bdzoom, mais pas publier l’article dans son intégralité
Je souhaite savoir où me procurer le dvd du film « Le seigneur des abyss « avec Tex Willer.Merci.Je veux aussi me procurerls numéros où l est opposé à Méphisto.
Merci.
Beaucoup d’articles intéressant sur ce site ! dommage qu’il n’y ai pas la possibilité de les télécharger en pdf, ça serait un grand plus.
Bonjour,
Merci pour la qualité de vos articles que j’ai toujours plaisir à lire.
Juste un petit mot pour vous dire que le site « manuellamoura.club.fr » ne répond plus et qu’il y a une erreur sur le lien vers le site des éditions Bonelli. Le bonne url est la suivante :
https://en.sergiobonelli.it/
Bonne continuation
Olivier
Merci Olivier pour vos félicitations et vos informations.
Nous allons ressourcer le lien sur Bonelli !
Bien cordialement
La rédaction