Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Bye bye my Brother » par Yoshihiro Yanagawa
Casterman, avec son label Sakka, publie un titre que personne n’attendait. Peu conventionnel, il s’agit d’un volume unique, réalisé par un auteur jusqu’ici inconnu en France, avec des personnages de chats anthropomorphes.
« Bye bye my Brother » raconte l’histoire de Nido, un chat doué pour la boxe. Il gagne tous ses combats, jusqu’à ce qu’un évènement tragique mette fin à sa carrière. Blessé à la jambe par un coup de couteau malvenu, il tombe petit à petit dans la décrépitude. Il reprend son travail de jeunesse : vendre, pour une somme dérisoire, de vieux journaux qu’il ramasse dans les poubelles. S’il continue comme ça, il risque de passer rapidement de vie à trépas. Il faut dire que la vie de ce chat n’a pas été de tout repos. Abandonné par ses parents qui ne s’entendaient plus, il est obligé de vivre dans la rue avec son jeune frère qu’il verra mourir sous ses yeux. Il trouvera son salut dans la boxe parce que certaines personnes croient en lui et veulent l’épauler. Pourtant Nido est un solitaire taciturne, il n’arrive pas à se relever de la perte de son frère et sa vie lui semble bien morne. Pourtant, il arrive à se lier d’amitié avec un jeune, lui aussi passionné de boxe. Il lui rappelle son frère défunt et surtout un lien va unir leurs destins.
Yoshihiro Yanagawa est totalement inconnu en France. Pourtant, il a plus de 25 ans de métier derrière lui. Ancien assistant de Tsukasa Hojo (« City Hunter »), il est plus habitué à mettre en scène des séries de 5 à 10 volumes ayant pour cadre le Japon médiéval (« Saite Magoichi », « Nemuri Kyoshiro »…) ou contemporains (« Hurricane Trimmer »…). C’est la première fois qu’il réalise une Å“uvre aussi personnelle où les protagonistes sont tous représentés sous forme de chats anthropomorphes.
Ce manga à une longue histoire derrière lui, l’auteur nous la raconte dans la postface. Durant six longues pages de textes, il revient sur ses problèmes personnels et sur ce qui l’a poussé à écrire et à dessiner un tel récit. On comprend mieux le pessimisme ambiant et le caractère froid et détaché de certains personnages. Le drame qui se joue sur le papier est également le reflet de l’état d’esprit de l’auteur, dans cette période sombre de sa vie. Le scénario est néanmoins assez simple et les situations vraiment téléphonées ; mais le fait d’avoir ces chats comme protagonistes aide à s’attacher à chaque petit détail de leur vie. Le dessin est réellement superbe, on sent que Yanagawa n’est pas un débutant. Les mouvements et les positions des corps sont justes. Les décors sont détaillés et placés au bon endroit. Le cadrage et la continuité visuelle de l’histoire sont parfaitement maîtrisés, le lecteur prend un réel plaisir à lire ce petit brin de vie somme toute banal, mais foncièrement tragique. Bien évidemment, les têtes de chats sont une réussite totale. Les visages sont aussi diversifiés que ceux des humains. Yanagawa ne se contente pas de mettre des oreilles et un museau, il utilise les caractéristiques des différentes races de félins pour humaniser encore plus ses personnages. Les expressions sont toutes aussi bien trouvées et l’adage comme quoi un dessin vaut mieux qu’un long discours prend ici tout son sens.
L’édition française de « Bye bye my Brother » est soignée, comme c’est souvent le cas chez Casterman. L’impression est propre et rend hommage aux lavis d’origine. Contrairement à d’autres mangas, l’auteur n’utilise pas des trames mécaniques pour représenter les ombres et les détails. Les gris sont minutieusement appliqués au pinceau, pratique rare et qui rapproche un peu plus cette histoire d’un style européen. Les onomatopées et autres signes de rue ou enseignes sont tous traduits et bien intégrés. Un gros travail éditorial à été consenti pour ce titre, c’est indéniable. Seuls bémols, l’expression favorite, en version française, de Nido est : « Pas glop ». Les plus anciens auront immanquablement fait le parallèle avec Pifou, ce petit chien dont c’était l’unique expression dans les pages de Pif Gadget. Bien évidemment, rien de tel dans l’édition japonaise.
Yoshihiro Yanagawa excelle dans l’art de personnifier les chats à l’instar de Guarnido (« Blacksad ») ou même de Calvo (« Moustache et Trottinette »). Son trait fin et dynamique est un réel plaisir pour les yeux. Dommage que cette Å“uvre, si personnelle, contraste avec le reste de son travail beaucoup plus conventionnel. Il mériterait de revenir vers cette représentation animalière pour nous conter encore plus d’histoires où au final, c’est la nature humaine qui est le point central du récit.
Gwenaël JACQUET
« Bye bye my Brother » par Yoshihiro Yanagawa
Éditions Casterman (7,95 €) – ISBN : 9782203062382
BYE BYE, NIINI. ~NEKO TO KIKANSHA~ © 2011 Yoshihiro YANAGAWA / Shogakukan
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