Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La vie de Steve Jobs » par C&R Institute
Nul besoin de présenter Steve Jobs, ce patron visionnaire, médiatisé tel un rock star de son vivant, mais également et, peut être encore plus, depuis son décès. En France, même si cela est en train d’évoluer favorablement, le genre biographique est encore peu représenté en bande dessinée, peu d’ouvrages illustrant la vie de personnages historiques. Au Japon, en revanche, le manga biographique est chose assez commune. Par exemple, en 2001, Carlos Gones, le PDG de Nissan a eu l’honneur de voir son autobiographie publiée en manga dans le magazine Superior. En France, c’est Tonkam qui édite ce manga qui retrace la vie mouvementée du patron d’Apple.
Les fans de la pomme ont depuis longtemps accès à de nombreux livres retraçant la vie de Steve Jobs. Jusqu’à une date récente, la plupart de ses biographies étaient officieuses. C’est juste après son décès, le 5 octobre 2011, que paraît, enfin, le livre officiel de Walter Isaacson retraçant les 56 ans de vie de ce personnage hors norme. Se sachant atteint d’un cancer incurable, Steve Jobs avait souhaité raconter ses mémoires tout en permettant également l’interview de ses nombreux amis, et même certains ennemis, afin de faire publier un livre ne travestissant pas la réalité. Personnellement, je ne suis pas fan du style de Walter Isaacson, il mélange beaucoup de choses, se focalise sur certains détails déjà connus et peu flatteurs, tout en introduisant quelques anecdotes qui n’avaient jamais été confirmées auparavant. Comme précisé dans la partie références en début d’ouvrage, ce n’est pas cette biographie officielle qui a servi de base à la création de ce manga. Pourtant, tout est raconté selon le même schéma et, donc, semble très proche de la réalité. Le vrai fan n’apprendra pourtant rien qu’il ne sait déjà . La plupart des faits sont survolés, mais les auteurs ont cherché, avant tout, à couvrir au maximum les moments marquants de la vie de Steve Jobs. Ce qui est une vraie gageure, sur un peu moins de 200 pages en petit format. Si je dis « les auteurs », c’est que ce manga a été réalisé par une équipe plus habituée à la création publicitaire et aux travaux de commande qu’a une vision d’artiste. On est loin de l’habituel studio dirigé par un mangaka reconnu et exigeant. Ici, les différences de style entre chaque chapitre sont notables, que ce soit dans le scénario comme dans le dessin. Ce point n’est pourtant pas un souci majeur, le lecteur ne s’attend pas à une représentation réaliste de la vie de cet homme. Le souci vient plutôt de certaines erreurs anatomiques, flagrantes, qui laissent présager un travail bâclé. Des têtes trop grosses et difformes, des lieux inexistants et mal détaillés, des personnages secondaires de style très différents… Il aurait suffi de peu de chose pour que ces erreurs grossières soient corrigées.
Steve Jobs a eu une vie atypique. C’est un enfant adopté, exigeant,il a su s’entourer tout au long de son existence des plus grands créateurs que ce soit au niveau informatique ou cinématographique. Son parcours est jalonné de haut et de bas. Il a toujours su tirer les performances de ses équipes vers le haut, que ce soit chez Apple, chez Next ou chez Pixar. Le livre retrace tout ça : la création de son premier projet avec son ami Steve Wozniak, la blue box, un appareil qui servait à téléphoner sans frais.La naissance d’Apple Computer, du Macintosh, son éviction de cette société qu’il a lui-même créée, l’entreprise informatique Next qui n’a jamais vraiment décollée, le rachat de Pixar, sa transformation en studio de création d’animation a succès, ses colères mémorables, le retour à la tête d’Apple, la création de l’iMac, de l’iPod, de l’iPhone, l’iPad et finalement son cancer. Rien n’est épargné et le personnage est assez fidèle à la représentation faite dans ses biographies non illustrées.
Bien évidemment, un livre sur Steve Jobs vise avant tout les fans d’Apple ou de Pixar, voire les deux combinés. Du coup, il se devait d’être bien présenté et à l’image de cet homme. Sur le fond, c’est un très beau livre : couverture cartonnée avec aplat noir rehaussé d’une illustration en dorure argentée. Ce qui semble bien éloigné des standards de dépouillement qui ont guidé la vie bouddhiste de Steve Jobs. Mais ne nous trompons pas, ce livre n’est pas destiné à plaire à Steve Jobs ou à sa famille, il s’adresse à un lectorat amateur de mangas ou de bandes dessinées en général et souhaitant connaître un peu mieux ce mentor, sans avoir à ingurgiter des pavés de textes. C’est un excellent résumé, bien présenté et respectueux de l’œuvre et de la vie d’une personne qui, indéniablement, a changé la face du monde grâce à son souci du détail et sa vision novatrice de l’informatique.
Gwenaël JACQUET
« La vie de Steve Jobs » par C&R Institute
Éditions Tonkam (15,50 €) – ISBN : 978-2-7595-0985-0