Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Les Sept ours nains » T4 (« Mais qui veut la peau des ours nains ? ») par Émile Bravo
Émile Bravo poursuit avec brio son exploration et sa re – création des contes de fées du patrimoine, en compagnie de ses personnages fétiches, les fameux sept ours nains, qui ne s’appellent ni Grincheux, ni Prof, ni Timide, ni Atchoum. Ils n’ont pas de noms mais pourtant, au fil des albums, ils se sont taillé une jolie réputation.
Lorsque nous les retrouvons dans leur « paisible chaumière » sise dans un décor champêtre, nos ours sont tranquillement installés devant … la télé, leurs yeux ronds rivés à l’écran, en train de regarder l’histoire du terrible Barbe-Bleue. Et ils vivent cela intensément, et ils ont peur ! La télé dans les contes de fées ? Les spécialistes du conte diront que la télé est un élément perturbateur. Ils n’ont pas tort.
Cette boîte magique perturbe tellement nos ours qu’ils perdent toute confiance en eux, se replient sur eux-mêmes et n’osent plus sortir. Car, pensent-ils, le monde extérieur est plein de méchants. Ils l’ont bien vu à la télé. Donc, c’est vrai.
Pourtant, ils vont être mis dehors et de belle façon, ces ours téléphages, devenant par un enchaînement de circonstances que nous vous laissons découvrir des SDF. Finie la télé, vive la vie d’artistes !
On sent à la lecture de cet album délicieux tout le plaisir qu’Émile Bravo a pris en le faisant. Il s’amuse avec les codes, les détourne intelligemment, cisèle des dialogues pleins de drôleries et imagine quelques situations piquantes (notamment la rencontre entre deux monstres sacrés, Blanche-Neige et Peau d’Âne. Il convoque les personnages célèbres des contes, qu’il actualise par leur accoutrement ou leur manière de parler. Cela donne du ressort et du relief au récit.
L’on retrouvera, par ordre d’apparition à l’image, Barbe-Bleue, sa femme et la sœur Anne qui ne voit rien venir ; une Blanche-Neige inattendue en femme de ménage, très loin de l’univers Disney, avec bigoudis, blouse à fleurs et chaussons ; la Peau d’Âne qui ne pense qu’à faire des gâteaux ; un prince puant déguisé en ours grand ; un âne, un chien, un chat et un cop, quatuor de musiciens de Brême ; le diable en personne et sur le départ ; le loup et l’un des trois petit cochon ; Blanche-Neige sans bigoudis et le père de Peau d’Âne (le portrait craché de Jean Marais). Beau casting ! C’est ce qui est bien dans la bande dessinée, on peut s’offrir toutes les stars !
Émile Bravo nous montre ici, encore une fois, l’étendue de son talent et sa capacité à emporter ses lecteurs dans les univers qu’il crée. Il répond aussi de façon magistrale à une question essentielle : pourquoi ne trouve-t-on plus guère d’ours dans les bois ?
À découvrir ou à relire les autres aventures des sept ours nains :
« Boucle d’or et les sept ours nains, » 2004
« La Faim des Sept ours nains », 2005
« La Belle aux ours nains », 2009
Catherine GENTILE
 « Mais qui veut la peau des ours nains ? » par Émile Bravo
Éditions du Seuil jeunesse (12 €) – ISBN 978 2 02 102082 3