DAAN JIPPES

Daan Jippes , célèbre dessinateur hollandais, au style proche de celui de Franquin et de Tillieux, est totalement méconnu dans nos contrées.

Pourtant, ce créateur de bandes dessinées, né Daniel Jan Jippes, le 14 octobre 1945, à Amsterdam et dont une partie du parcours professionnel s’est déroulée dans l’animation (au sein des productions Disney), est curieusement très présent dans l’actualité du 9ème art francophone de cette rentrée 2008 :

- Les éditions Glénat viennent de traduire sa dernière série qui consiste en l’adaptation d’un classique de la littérature policière néerlandaise et qu’il signe du pseudonyme de Danier : « Havank », bande dessinée créée en 2005 dans le magazine Algemeen Dagblad et publiée en album peu de temps après chez Uitgeverlj. Un deuxième épisode est déjà paru aux Pays-Bas (« De Schaduw op de Tast ») et est toujours autant truffé de jeux de mots difficilement traduisibles : la tâche ne sera donc pas plus facile pour les adaptateurs (Vanessa Sutour et Paul Herman) !

- Daan Jippes a dessiné un épisode de « Spirou », scénarisé par Yann, pour fêter les septante ans du personnage (et du journal), qui a finalement été refusé par la nouvelle rédaction. Prévu en cinq pages, il a quand même été publié, condensé en deux planches par Yann lui-même, dans le n°4 de l’excellente revue CaseMate (qui est désormais bien au chaud dans une toute nouvelle structure, la maison d’édition Pommes Presse, avec Frédéric Vidal comme directeur de la publication ; ce dernier en profite d’ailleurs pour démentir les rumeurs malveillantes qui ont enterré un peu trop vite son beau magazine).

- et le responsable de Picsou Magazine (Pascal Pierrey) commence à publier, depuis le n°440 (septembre 2008) de son célèbre et très agréable mensuel (j’allais écrire : canard !), quelques-uns des « Donald Duck » et des « Castors juniors » que Daan Jippes finalisait pour les éditions Egmont, et ceci dès 1990, en partant des story-boards inédits ébauchés par Carl Barks, au début des années 1970.

Voilà donc de quoi justifier, largement, un article dans notre coin du patrimoine ! Et pourtant, avant cette arrivée en masse sur le territoire francophone, on n’avait qu’entendu parler subrepticement de Daan Jippes, lors de la traduction de son « Tea for Two », publié en 1982, chez Glénat ; et il s’agissait d’une aventure dessinée en 1972 pour Pep (l’album parut chez Oberon, l’année suivante) : « Bernard Voorzichtig » (« Bernard Prudence » en français), l’histoire d’un jeune héritier d’une plantation de thé en Inde écrite par Martin Lodjewik.

Et les plus observateurs auront également reconnu sa signature comme scénariste de la version bande dessinée du « Roi Lion II : l’honneur de la tribu », réalisée avec Andrea Nicolucci et Sara Storino aux dessins, et traduite chez Disney France (diffusion Dargaud), en 1999.

Ce dessinateur que certains n’hésitent pas à qualifier de caméléon (voir : http://planbd.blogspot.com/2008/04/le-dessinateur-camlon.html) est pourtant très recherché en raison de son aptitude à restituer différents styles graphiques, ne serait-ce que pour ses couvertures et histoires de « Picsou » ou de « Donald Duck » à la manière de Carl Barks, pour ses détournements autorisés par Albert d’Uderzo d’« Astérix » (couvertures de l’hebdomadaire Pep, en 1969, ou son projet, hélas inabouti, de 32 pages écrites par Dick Matena, en 1981, pour les Pays-Bas), pour son travail anonyme sur « Germain et nous » de Frédéric Jannin, ou encore pour son encrage remarquable d’une planche de « Gaston » crayonnée par André Franquin :
http://franquin.org/forum/viewtopic.php?p=38805&highlight=#38805.

Après avoir participé à un magazine scolaire, en 1963, Daan Jippes débute sa carrière chez Oberon (devenu depuis VNU, l’un des principaux éditeurs de bandes dessinées des Pays-Bas), en produisant des lay-out : « Hipper », sa première bande dessinée, n’est parue qu’en 1967, dans le magazine Revu. Entre 1968 et 1974, il réalise des illustrations et des récits complets pour le magazine Pep où il s’amuse à imiter différents styles, tels ceux de Morris, de Floyd Gottfredson ou de Jack Davis.

C’est à partir de 1972 que Daan Jippes commence à travailler pour Disney, au sein du service des produits dérivés, réalisant ainsi quantité de couvertures, puis de récits complets, pour le magazine néerlandais Donald Duck ou pour De Flintstones (« Les Pierrafeu »).

En 1975, il est nommé directeur artistique de la production néerlandaise de Disney comics. Fort de cette longue expérience, en 1980, il émigre aux Etats-Unis pour tenter sa chance dans l’animation : il participe alors à quelques films disneyiens comme « Taram et le Chaudron magique » (1984), « Bernard et Bianca au pays des kangourous » (1990), « Le Prince et le Pauvre » (1990), « La Belle et la Bête » (1991), « Aladdin » (1992), « Le roi Lion II : l’honneur de la tribu » , « Pocahontas II » ou « Mulan » (1998), « Mickey : il était une fois Noël » (1999), ainsi qu’à « Balto » (1995) comme storyboardeur et superviseur au studio Amblimation de Steven Spielberg. En 1981, il reprend sporadiquement les planches dominicales de « Mickey Mouse », réalise divers travaux publicitaires, puis travaille à nouveau sur « Donald Duck » (de 1986 à 1987), produisant aussi des couvertures pour les comic books Disney édités par Gladstone Publishing, entre 1985 et 1990. En 1988, il réalise également l’adaptation en bande dessinée du long-métrage « Qui veut la peau de Roger Rabbit ».

De 1999 à 2000, revenu aux Pays-Bas, il travaille sur Peekeldam, projet avorté d’un Disneyland version néerlandaise, puis devient directeur artistique du Jan Kruis Studio, lequel continue à produire la série humoristique « Jan, Jans en de Kinderen » (« Jean, Jeanne et les enfants ») pour le magazine féminin Libelle. Enfin, en 2001, il se voit décerner le Stripschapprijs, l’un des plus prestigieux prix de la bande dessinée néerlandaise, pour l’ensemble de son Å“uvre !

Beau parcours, non ? Surtout pour quelqu’un qui n’a jamais eu les honneurs de la presse spécialisée BD francophone et que les amateurs sont rares à connaître !

Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN aux manettes

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