Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 14 JUILLET 2008
? Mortemer ? par Alberti et Mangin, ? Le tour en caravane : première étape ? par Boudier, et ? Le trône d’argile T.3 : Henry, roi de France et d’Angleterre ? par Theo, Jarry et Richemond.
? Mortemer ? par Mario Alberti et Valérie Mangin – Editions Soleil (12,90 Euros)
La nouvelle collection « Hanté », dirigée par Christophe Bec, démarre plutôt bien ! Ce label, axé sur les lieux les plus effrayants du monde, fait la part belle à des auteurs venus d’horizons différents mais qui partagent ce goût pour les fantômes et les maisons hantés. Rien d’étonnant, donc, d’y retrouver la scénariste Valérie Mangin qui mêle, avec talent, Histoire (avec un grand H) et fantastique depuis quelques années (« Le fléau des dieux », « Le dernier Troyen », « Petit Miracle », « Luxley », « KGB »…). Elle a choisi l’abbaye de Mortemer (l’un des sites les plus hantés de France !!!) pour développer son intrigue digne des EC Comics des années 1950 : le fils unique de parents retrouvés morts, un soir de Noël, dans le lac de ce domaine effrayant et romantique à la fois, décide d’utiliser les mystères du lieu pour en faire une attraction touristique. Ce héros cynique installe donc à Mortemer une sorte de fête foraine afin de rendre son héritage rentable… Non seulement le scénario, très documenté et très bien agencé, tient tout à fait la route et se révèle passionnant malgré son côté grand-guignolesque (qui est certainement voulu), mais le dessin envoûtant de l’Italien Mario Alberti (« Nathan Never », « Morgana », « Redhand »…) explose littéralement, collant parfaitement à cette ambiance de terreur, tout en rendant très crédibles ces décors fantomatiques.
? Le tour en caravane : première étape ? par Germain Boudier- Editions Futuropolis (16 Euros)
Germain Boudier est certainement un grand de demain ! Son premier album (« Le Serin est un pigeon comme un autre », paru en 2005 à La Boîte à Bulles et réédité sous une autre forme, pour l’occasion, par ce courageux éditeur) nous avait déjà attiré par sa lisibilité et son atmosphère polar plutôt bien rendue. Ici, marchant sur les traces d’un Pascal Rabaté, il a entrepris de nous montrer cette France profonde que les bobos chers aux Dupuy/Berberian ne doivent pas connaître, à travers les mésaventures d’une bande de copains au volant de l’un des véhicules publicitaires du Tour de France. Entre le dernier p’tit verre pour la route et ceux que nos héros distribuent aux spectateurs de la Grande Boucle pour promouvoir la ville de Surseines (« La ville officielle de la petite reine ! »), nous sommes loin des exploits sportifs et des affaires de dopage : et c’est tant mieux ! Manifestement, Germain Boudier préfère ce qui se passe en coulisses et la « Première étape » de son « Tour en caravane » n’est qu’un prétexte à un superbe road-movie : une belle histoire d’hommes simples, des banlieusards passionnés de cyclisme, certes assez pathétiques, mais jamais méprisables…
? Le trône d’argile T.3 : Henry, roi de France et d’Angleterre ? par Theo, Nicolas Jarry et France Richemond – Editions Delcourt (12,90 Euros)
Voici l’occasion de saluer comme elle le mérite la récente collection « Histoire & histoires » des éditions Delcourt qui a déjà six séries historiques à son catalogue : il n’y a rien à jeter, un véritable sans faute ! On est loin de ces nombreux albums, simples resucées de succès d’une époque révolue, qui vous tombaient des mains au bout de deux pages et qui ont tué le genre dans les années 1990. Ce passionnant « Trône d’argile » est, sans soute, le plus beau fleuron de ce label dirigé par Grégoire Seguin : l’alchimie scénaristique entre Nicolas Jarry (d’habitude plus ancré dans la fantasy avec «Les chroniques de Magon» ou «Les brumes d’Asceltis») et l’érudite historienne France Richemond, est une évidence, tellement la narration est fluide et passionnante, tout en nous donnant une grande leçon d’Histoire en nous éclairant, avec intelligence et finesse, sur la guerre de Cent ans : une période bien méconnue mais qui se révèle riche en intrigues, alliances, complots, vengeances et romances. Tous ces affrontements sanglants entre Armagnacs et Bourguignons, alors que le roi d’Angleterre, Henry V, est plus que jamais décidé à s’emparer du trône de France, sont formidablement illuminés par le dessin minutieux et flamboyant (et de plus en plus maîtrisé) de l’italien Théo Caneschi, lequel signe désormais de son seul prénom : voilà une série qu’on devrait prescrire obligatoirement dans toutes les écoles, ceci afin de faire aimer l’histoire aux jeunes générations !
Gilles RATIER
Juste une précision sur le billet consacré au « Tour en caravane ».
Le livre paru en juillet 2008 aux éditions La Boîte à Bulles est une nouvelle aventure de Serin « La saison du Serin » et non une réédition du « Serin est un pigeon comme un autre » paru en 2005.
Cordialement.
Ma passion pour la BD date depuis mon enfance, et mes gouts vont presque exclusivement aux BD Belges des années 50/60.
Pourtant il m’arrive de tomber en admiration devant des publications modernes. Ce fut le cas pour la série « le trône d’argile »
Tous les qualificatifs sont permit pour la décrire, tant au niveau du scénario que du graphisme.
Je commençerai par le scénario, il s’inspire fortement de celui de Maurice Druon pour « les rois maudits ».
Druon raconte le début de cet appocalypse que fut la guerre de cent ans tandis que « le trône d’argile » raconte dans le même style ce qui sera bientôt la fin de cette horrible guerre et la fin du systéme féodal arrivé à bout de souffle.
M. Druon avait explqué qu’il s’était sérieusement documenté pour ecrire son roman et que lorsque la documentation faisait défaut il avait imaginé en essayant de coller au plus prés de la réalité historique.
Les scénariste de cette BD ont utilisé la même technique, un peu comme un paleonthologue qui reconstitue le squelette complet d’un dinosaure alors qu’il manque des os.
Le résultat est stupéfiant, cela se lit avec plaisir et on penêtre totalement dans cette époque de cauchemar.
Nous sommes quelques années après la terrible défaite de azincourt * qui fut pour la France et l’europe occidentale chrétienne un événement aux repercussions auusi terrible que l’attentat de Sarajevo en 1914.
La France ( mais peut-on employer ce terme) est ravagée par la guerre civile que se livrent les grandes familles du royaume, Armagnacs et Bourguignons sans parler des bandes de « routiers » qui écume le royaume en pillant, violent, massacrant et brulant.
Et pour couronner le tout il y a Henry V, ce terrible monarque Anglais , l’homme fort de cette période qui rêve de cîndre les deux couronnes pour sa dynastie, face à un dauphin sans envergure.
Mais comme on connait l’histoire on sait que le salut viendra par une jeune bergére de Lorraine.
Si le scénario est remarquable le dessin l’est tout autant.
Je me contenterai de faire référence aux magnifuiques couvertures des albums et en particulier celle du troisième.
On y voit au premier plan, le roi Henry V fiérement dressé sur son destrier, à la tête de ses chevaliers, des nobles seigneurs qui ont oublié depuis longtemps leur honneur chevaleresque pour se se transformer en tueurs et en pillards qui ne laissent derriere eux que la mort et la désolation comme en témoigne ce château fort en feu.
Cette belle couverture résume à elle seule l’horreur de cette époque et la beauté du dessin de Théo.
En lisant avec plaisir cette saga, le dessin me rappelait quelque chose.
Comme tout peindre ou musicien, tout dessinateur de BD a ses références culturelles.
C’est à la page 53 du 4émé tome que la mémoire m’est revenue.
J’avais dix ans et j’étais tombé par hasard sur un illustré dont j’ai oublié le nom (Gilles Ratier, la mémoire vivante de la BD pourrai savoir)
Il y avait une série sur le Moyen-age qui s’appelait « le chevalier de Chantecler » c’était dessiné par un trés grand monsieur du nom de « Calvo ».
Les personnages étaient tourmentés et les fôrets avaient quelque chose d’effrayant.
Il n’est pas possible que le dessinateur « Théo » n’ai été inflencé par le graphisme de maître « Calvo ».
Calvo pour le dessin, Druon pour le scénario pouvait-on rêver plus belles références pour ce qui est déjà un chef d’oeuvre de la BD
Jacques guilerm janvier 2012
Merci de vos commentaires ! Pour répondre à votre question, je vous renvoie à notre « Coin du patrimoine » sur Calvo :
J’y précise : « Citons aussi ses somptueux travaux pour Junior : les illustrations pour les romans « Hurleloup, l’épervier des mers » (1940) ou « Aventuriers des mers » de Martial Cendres (1941) et la bande dessinée « Le Chevalier Chantecler », parue de décembre 1940 à juillet 1941, qui fut reprise en album au format à l’italienne, aux éditions Giraud-Rivoire, sous le titre « Le Chevalier de feu », en 1948. »
IL s’agit donc du magazine Junior !
Bien cordialement
Gilles Ratier
Bonjour
Merci de me répondre et félicitation pour votre riche article sur Calvo.
Et surtout félicitation pour tous vos articles, ils sont toujours remarquables et trés bien documentés, continuez dans cette voie. La BD est un art à part entiére et il est utile de la mettre en valeur.
Encore merci de la part d’un fidéle lecteur de votre site.
Bien cordialement
Jacques Guillerm