Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...À l’occasion des 50 ans de Spider-Man ! – 2ème partie : Les débuts de Spider-Man à Marvel
Dans la première partie de cet article(1), nous avons évoqué l’origine du « Spiderman » avorté de Simon & Kirby, en collaboration avec C.C. Beck et Jack Oleck, développé à partir de 1953, et qui se transformera curieusement en… « The Fly » (la Mouche) à partir de 1959 chez MLJ… Fin 1961, suite au succès des « Fantastic Four », Jack Kirby propose de nouvelles idées de personnages au directeur de publications / scénariste Stan Lee chez Atlas-Marvel, la maison d’édition de Martin Goodman. Jack apporte plusieurs projets, dont celui de « Spiderman ». Pour illustrer son propos, il amène un logo pour une série potentielle : celui dessiné par Joe Simon, 8 ans plus tôt. Stan Lee est intéressé.
Retour chez Marvel fin 1961, où Spiderman semble enfin vouloir sortir des limbes…
Après une réunion de travail avec Stan, durant laquelle ce dernier coupe le patronyme du héros d’un trait d’union décisif et donne sa direction éditoriale, Kirby crayonne donc un début de premier épisode, reprenant le design des costumes de Night Fighter / The Fly.
Selon les rumeurs, 6 pages (dont 5 encrées par Steve Ditko) existeraient. Ces planches sont aujourd’hui invisibles(2).
Seule la Splash Page montrerait la version Kirby de « Spider-Man », les 5 autres décrivant l’existence paisible du jeune Peter Parker, élevé par son Oncle Ben et sa Tante May, et sa visite chez un voisin scientifique… Stan y apporte sa patte : on reconnait le canevas habituel du héros teen-ager et orphelin, à l’instar du « Rawhide Kid » de Lee et Kirby de 1960 (avec également un Oncle Ben tué par des bandits). Parker, victime d’une expérience scientifique, s’incarne dans la peau d’un surhomme adulte, grâce à une bague magique…
Stan Lee a confié l’encrage à Ditko. Lorsque ce dernier reçoit les planches, il reconnaît le concept de The Fly et s’en avise avec Lee. Stan, inquiet, décide d’abandonner cette version et de modifier le personnage.
On a rappelé que Timely (l’ancêtre de Marvel) avait déjà eu des problèmes en 1941 avec MLJ, à cause de la ressemblance de Captain America et du Shield… Pas question de chercher des histoires !
L’éditeur Martin Goodman donne des ordres : Kirby doit interrompre son histoire et le projet est confié à Steve Ditko, qui réalise un premier épisode de 11 pages avec les idées qui peuvent être sauvées, inventant pour l’occasion un nouveau costume au personnage.
Nombreux sont les changements. L’oncle Ben est désormais un paisible retraité de la classe moyenne, et non un policier à la retraite, proche du Général « Thunderbolt Ross » de Hulk, comme dans la version de Kirby…
Ce côté « père castrateur» sera d’ailleurs laissé à Jonah J. Jameson, le directeur du Daily Bugle employant Parker…
Concernant Spider-Man, un masque couvre désormais complètement le visage et l’identité de Peter Parker ; et cela pour plusieurs raisons.
D’abord pour lui donner un look proche de celui des monstres Atlas des autres magazines de la compagnie (Tales to Astonish, Journey Into Mystery, Tales of Suspense…) et le différencier autant que possible d’un super-héros : une chasse gardée du concurrent National-DC qui s’avère être – suite à un coup du sort – le distributeur des revues de Goodman.
Ensuite, pour cacher la jeunesse de son alter ego… Car le teen-ager ne se métamorphose plus en adulte : Stan Lee souhaite avoir un héros proche de ses lecteurs. Exit donc la bague magique…
Dès la première histoire, Ditko s’identifie complètement à Peter Parker, l’alter ego de Spider-Man, insufflant à la série une personnalité et un style réaliste et tourmenté inédit. Les lecteurs en raffolent et se reconnaîtront dans les drames du quotidien vécus par le timide étudiant…
Et un logo très proche de celui de Joe Simon ornera finalement la splash page de l’épisode, à la grande surprise de celui-ci, lorsqu’il découvrira le fin mot de l’affaire, quelques décennies plus tard !
Mais dans quelle publication sortir ce nouveau personnage ? Le fait qu’il échoit à Ditko le place, logiquement, dans Amazing Adult Fantasy, une revue de petites histoires SF/Fantastique qu’anime le dessinateur depuis son n°7 (et faisant suite au Amazing Adventures de Kirby). Atlas-Marvel est en effet limité à 8 magazines par son distributeur (Independent News, la succursale de National-DC). Il faut rester prudent… Pour l’occasion, le magazine est rebaptisé Amazing Fantasy, toujours avec un logo de Sol Brodsky calqué sur celui de Fantastic Four (et celui de la série télé « Twilight Zone »).
Spider-Man paraît donc dans Amazing Fantasy n°15, en juin 1962 (avec une date de couverture d’août)…
Steve Ditko, au silence légendaire, donnera, des années plus tard, sa version sur les origines réelles de Spider-Man et l’implication de Kirby.
Kirby se sent spolié, mais obtempère… En lot de consolation, il redessinera la couverture du magazine ; la version de Ditko n’étant pas jugée assez dynamique.
Et, recyclage toujours, le costume original de Spider-Man sera partiellement réutilisé par Jack pour son Ant-Man, dans sa première apparition costumée de Tales to Astonish 35 (date de couverture septembre 1962, après une apparition en civil dans la petite histoire «The Man in the Ant Hill » au n°27 de janvier 1962)…
Les risques pris par Goodman avec Spider-Man sont plus que limités, car, sur la base des résultats des ventes d’Amazing Adult Fantasy 13, il a d’ores et déjà décidé de supprimer la revue.
Il n’aime pas vraiment ce Spider-Man dessiné par Ditko… et préfère ressortir Two-Gun Kid(avec un n°60 dessiné par Kirby).
Mais, quelques mois après sa sortie, les ventes d’Amazing Fantasy n°15 s’avèrent très bonnes…
Confiants en leur personnage, Stan Lee et Steve Ditko avaient prévu les sommaires des trois numéros suivants : trois épisodes de 14 pages, à raison d’un par numéro.
Les pages ayant été payées, il est donc convenu de les utiliser.
Sur les recommandations de Stan, Goodman lance, du bout des lèvres, Amazing Spider-Man n°1, en janvier 1963 (date de couverture : mars), en supprimant une autre de ses revues, dans ce perpétuel jeu de chaises musicales…
Dans Amazing Spider-Man n°1, Lee utilise les deux histoires de l’Homme-Araignée prévues pour Amazing Fantasy : la première (« Freak Public Menace ») de 14 pages + celle des Fantastic Four avec le Chameleon, réduite pour l’occasion à 10 pages, en remontant les planches à raison de 9 cases par page (contrairement aux 6-7 habituelles de Ditko).
Pour Amazing Spider-Man n°2, la troisième histoire inventaire de 14 pages (« Duel to the Death with the Vulture ») est utilisée et Ditko & Lee produisent un court épisode (celui du Tinker) pour compléter le numéro.
Ce n’est qu’avec le troisième numéro de la revue que Spider-Man aura des aventures conçues sur 20 pages par Lee et – surtout – par Ditko, qui assure l’essentiel de l’écriture, le découpage, le dessin et l’encrage… : des histoires nouvelles et parfaitement adaptées au magazine.
Quant à Kirby, il interviendra sporadiquement sur la série, retouchant de-ci de-là les maladresses de Ditko (la splash du n°11, les couvertures des n°10, 11 et 35) et dessinant de façon un peu hésitante d’ailleurs (avec sa tendance à ne dessiner que des surhommes) plusieurs histoires courtes, probablement prévues pour Strange Tales et qui paraîtront dans Strange Tales Annual 2 de 1963 et Amazing Spider-Mann°8 de janvier 1964, l’occasion pour Spider-Man d’affronter la Torche humaine…
… L’une d’elles, sortie dans Fantastic Four Annual 1, raconte sur 6 pages (encrées par Ditko) le même scénario de rencontre entre Spider-Man et les Fantastic Four que le début de la petite histoire d’Amazing Spider-Man n°1 : un fait très curieux, quand on connait le dégoût de Kirby pour la recopie (même pour le très faible prix à la planche auquel il était payé).
Nous reviendrons sur ces faits mystérieux dans le prochain article.
L’Araignée « fait mouche ». Amazing Spider-Man devient la deuxième vente de l’éditeur, après Fantastic Four... Et le reste appartient à l’histoire officielle…
Cependant, tout n’est pas si simple à Marvel !
À suivre, la semaine prochaine…
Jean DEPELLEY
Mise en page : Gilles Ratier, aide technique : Gwenaël Jacquet
(1) Voir : À l’occasion des 50 ans du personnage : l’origine de Spider-Man ! – 1ère partie.
(2) : Ces planches ont disparu, volées dans les entrepôts Marvel au cours des années 80. D’après certaines rumeurs, elles seraient aujourd’hui cachées dans la collection d’un ex-éditeur de Marvel…