Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Blood Lad » T1 par Yûki Kodama
Oubliez tout ce que vous savez sur les mythes accompagnant les monstres en tous genres. Balayez Twilight et les autres histoires de vampire romantico-gothiques dont nous abreuve la littérature et le cinéma depuis des décennies. « Blood Lad » est un manga à l’humour totalement décalé. Monstres, rivalité de gang, baston, fan service et humour : voilà des ingrédients simples de ce qui est pourtant, avant tout, une histoire de vampire.
« Blood Lad » se joue des stéréotypes éculés du vampire suceur de sang et terrifié par un crucifix ou une gousse d’ail. Dés la première page, l’auteur emprunte un ton noir pour mieux surprendre le lecteur à la page suivante. Son héros n’en est pas vraiment un. Staz a beau être un descendant d’une longue lignée de vampires, il n’a rien de commun avec ses aïeux. C’est un Otaku fini. Il ne se passionne que pour la culture japonaise. À tel point qu’il possède un immeuble pour lui et sa collection : jeux vidéo, figurines, mangas, etc. Ses goûts vestimentaires sont à l’opposé des clichés du vampire romantique drapé de noir avec une longue cape renforçant son côté mystérieux. Staz arbore juste un jean, un T-shirt ou une chemise avec motifs, un blouson de cuir et des grosses bagues aux doigts. Le stéréotype du looser qu’il n’est pourtant pas puisque c’est un caïd. Il règne sur son territoire sans faillir. Lorsqu’un prétendant au trône vient le défier, il le réduit à néant, en moins de deux. Sous son air détaché d’Otaku, se cache un être surpuissant. Il est tellement fort que les combats ne s’éternisent pas, contrairement à la plupart des mangas de baston. L’humour est omniprésent et le détournement de la culture geek est un let-motiv évident.
Le manga commence avec l’arrivée d’une étrangère dans le monde des démons. Fuyumi Yanagi est une jeune fille vivant une vie paisible sur terre, dans le monde des humains. Notre héros étant accroc à la culture humaine, il ne peut que tenter de se rapprocher d’elle, afin de pouvoir enfin partager sa passion. Interrompu par un autre intrus voulant accaparer son territoire, il est obligé de le détruire avant de revenir promptement vers Fuyumi. Malheureusement, une des plantes carnivores de l’envahisseur s’est détachée et a dévoré la jeune fille. Elle est dorénavant morte et le triangle qu’elle arbore sur sa tête tente de le prouver. Dépité, Staz lui jure de tout faire pour la ressusciter. Proposition surprenant pour un vampire… Ne serait-il pas amoureux ?
C’est une évidence, cette série utilise des codes que les lecteurs de mangas et les fans de jeu vidéo connaissent bien ; et le tout, écrit avec humour, fait que l’on ne s’ennuie pas un instant. Les références a la culture Geek sont nombreuses : étagère remplie de mangas, de figurines ou de jeux vidéo. Les personnages sont attachants même s’ils sont, eux aussi, complètement stéréotypés. Les hommes sont forts, les femmes ont une poitrine opulente et l’héroïne est forcément naïve. Même les animaux sont « mignons ». Le plus intéressant, c’est de repérer tous les jeux de mots ainsi que toutes les allusions à d’autres séries ou jeux japonais. Le livre en est rempli et il est évident que l’auteur dévoile ses propres goûts avec le personnage principal.
Le dessin, même s’il reste classique, est très agréable pour un premier manga : dépouillé et clair, il n’y a pas d’aplats noirs comme on pourrait s’y attendre avec une histoire se passant dans un monde démoniaque. Les décors, quant à eux, sont vraiment réduits à leur plus simple expression. On sent que Yûki Kodama a mis tous ses efforts sur le côté vestimentaire. Tout en paraissant banals, ils sont adaptés au style des protagonistes. Le héros change même de vêtement à plusieurs occasions, ce qui ne gêne absolument pas la compréhension : on le reconnaît facilement avec ses dents pointues. La mise en page est sympa, sans être trop travaillée, et sert parfaitement l’histoire. Tout cela reste dans la lignée de bien des mangas classiques, mais avec une touche humoristique et un ton décalé en plus.
« Blood Lad » est un manga de fan pour les fans. Il faut aimer cet univers pour comprendre certaines subtilités. Pourtant, cette histoire est accessible à un large public. Avec seulement cinq volumes, c’est une série courte qui se lie assez rapidement. Bientôt un classique puisqu’une adaptation en animé semble être prévue d’ici cet été.
Gwenaël JACQUET
« Blood Lad » T1 par Yûki Kodama
Édition Kurokawa (7,65€) – ISBN : 2351426924