Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Near Death – Mort imminente » T1 (« Nettoyage de bilan ») par Simone Guglielmini et Jay Faerber
Avec « Near Death », Jay Faerber a créé une nuance supplémentaire intéressante au sein de la mythologie du tueur à gages. Un concept qu’il voulait utiliser depuis longtemps et dont même le grand Ed Brubaker est jaloux, ce dernier avouant qu’il aurait adoré inventer cette série : pas mal !
On comprend Brubaker (et on imagine combien il se serait régalé en explorant l’idée de Faerber), car c’est vrai que « Near Death » est une sacré bonne série, et l’idée de Faerber est simple mais redoutablement efficace, ayant un grand potentiel pour donner lieu à de multiples et passionnantes déclinaisons narratives. Allons-y. Il s’appelle Markham. Pas vraiment une fillette, plutôt du genre dur à cuire, sans pitié, flinguant froidement quiconque a un contrat sur sa tête. Pas le genre non plus à se poser des questions sur le bien-fondé de ses actes : on commande, il abat, sans une once de scrupule. Mais un événement va bouleverser la donne. Grièvement blessé, Markham se réfugie chez son amie et médecin Sutton qui va l’opérer au pied levé. Une opération durant laquelle il va vivre une expérience de mort imminente, « allant de l’autre côté » avant de revenir parmi les vivants. Cette courte expérience va résolument changer Markham. En effet, durant ce voyage dans l’au-delà , il va se retrouver face à toutes ses victimes, et celles-ci entendent bien lui rappeler ses méfaits. Maintenant qu’il est « revenu de la mort », cette vision continue de le hanter.
Markham est traumatisé par cette rencontre fortuite avec ses victimes et par l’idée de devoir se confronter ad eternam à ceux qu’il a tués après sa mort. Il veut « rééquilibrer son bilan », comme il dit. Dès lors, il ne va plus honorer de contrats ni tuer de gens, décidant au contraire de protéger ceux qu’on veut éliminer. Bien sûr, cela va engendrer quelques problèmes avec sa hiérarchie, qui plus est lorsque Markham va descendre Brewster – l’un de ses collègues – pour empêcher celui-ci d’assassiner un témoin protégé par les Fédéraux. Pour chaque vie qu’il a prise, Markham veut en sauver une. Le chemin de la rédemption risque d’être long et particulièrement dangereux, car les huiles pour qui travaillait Markham ne sont pas prêtes de le laisser tranquille ni de passer l’éponge sur ses nouveaux bons sentiments…
Dans un style sombre et nerveux, Faerber et Guglielmini nous offrent ici un bon polar, original et abrupt. Ce premier album constitue le cycle de base de la série, introduisant le postulat de l’auteur et développant les premières tentatives de rédemption de Markham. L’une des grandes réussites de la série tient justement dans l’invention de l’auteur quant aux diverses manières dont le héros arrive à sauver des vies sans faire usage de son arme à feu, n’instaurant pas un système mais préférant trouver des nuances intéressantes et inattendues pour chaque cas de figure. Faerber ajoute à cela un jeu de chat et de souris assez malin avec le lieutenant Cahill, une flic dont le coéquipier a été descendu par Markham quelques années auparavant, ainsi que des discussions existentielles avec Sutton qui permettent d’étayer la psychologie du « héros » et de jeter un regard sans concession sur sa facette amorale.
Le style de Guglielmini convient parfaitement à cette Å“uvre, rappelant celui de Sean Phillips, brut, sombre et réaliste, où le pinceau et l’encre sont rois. On dévore l’album d’une traite, pris par l’histoire et très curieux de savoir ce qu’il va advenir de Markham. Les personnages sont bien campés, les situations intéressantes, l’évolution du récit passionnante. On est même un peu frustré lorsqu’arrive la fin de l’album, avide d’en lire encore plus ! Mais pour cela il faudra encore attendre un peu, car cette série est très récente, débutée seulement en septembre 2011. Patience… Pour moi, « Near Death » est la meilleure série éditée jusqu’à présent chez Atlantic BD. Et notons qu’après avoir publié des albums dont le grammage du papier était bien trop faible, cette jeune maison d’édition a rectifié le tir et nous propose désormais des ouvrages aux pages enfin plus épaisses. Bref, amateurs de bons polars, n’hésitez pas ! « Near Death » saura vous intriguer et vous rendre accros.
Cecil McKINLEY
« Near Death – Mort imminente » T1 (« Nettoyage de bilan ») par Simone Guglielmini et Jay Faerber
Éditions Atlantic BD (12,95€) – ISBN : 979-10-90171-11-4