« Strangers in Paradise » T16 (« Tattoo ») par Terry Moore

Je vous l’avais récemment annoncé, le 16ème tome de « Strangers in Paradise » sort ce 26 avril en librairie. Chouette chouette chouette ! Pour l’occasion, Monsieur Terry Moore en personne viendra nous rendre visite en France ; un événement, puisque sa dernière venue date déjà d’il y a une petite dizaine d’années. Que des bonnes nouvelles, donc !

Avant d’aborder ce nouvel opus de Moore, je vais vous parler un peu de sa venue prochaine en France. L’homme est rare et discret, et ne viendra que pour une date, au festival « Colères du Présent » (sous-titré « Salon du Livre d’expression populaire et de critique sociale ») qui en est déjà à sa 11ème édition. Il ne fera pas d’autres déplacements lors de son séjour, donc si vous voulez le rencontrer il vous faudra aller jusqu’au Pas-de-Calais. Mais l’occasion de rencontre Terry Moore est si rare que ça vaut le coup ! Qui plus est lorsqu’on sait que les éditions Kymera ont aussi convié Sir Bryan Talbot à venir dédicacer sur leur stand. Du beau monde ! « Colères du Présent » se tiendra mardi 1er mai 2012 dans le Quartier des Arts d’Arras (place de la Vacquerie et place du théâtre), de 10h00 à 19h00. Tous les renseignements sont disponibles sur leur site : http://www.coleresdupresent.com/). Mais passons maintenant au tome 16 de « Strangers in Paradise ».

J’ai déjà – et à de nombreuses reprises – tout dit sur « Strangers in Paradise » dans cette chronique. « Strangers in Paradise », c’est un peu comme une vieille amie qu’on connaît par cœur mais qui réussit à nous surprendre à chaque nouvelle rencontre : on sait ce qu’on va y trouver, et pourtant on ne cesse de redécouvrir ses différentes facettes, son esprit, son talent, son humour, son humanité. Et chaque nouvelle lecture nous offre son lot d’émotions vraies, de plaisirs purs, nous rappelant combien ses personnages nous ont manqué. Nous sommes bientôt à la fin de la série, le dénouement est proche, et l’on aurait pu craindre que Moore s’enlise dans la longueur, prisonnier de la logique mise en place dans cette œuvre. Il n’en est rien, au contraire. Terry Moore continue d’explorer sa petite nébuleuse avec toujours autant d’invention, de naturel, de talent, de drôlerie et de ressenti poignant. Cette comédie tragique, à la fois exubérante et intimiste, douce et violente, triste et enjouée, n’en finit plus de se déployer de la plus belle des manières, sans artifices ni ficelles, dans une véracité de ton qui ne peut que nous toucher. Loin de s’enfermer dans un système, Moore décline avec subtilité l’enchevêtrement des différents parcours de ses personnages qui se télescopent plus ou moins volontairement.

« Tattoo » s’ouvre sur la gueule de bois de Katchoo et David qui semblent avoir profité de tous les excès offerts par Las Vegas, des plus anodins aux plus affligeants… Je n’en dirai pas plus pour ne rien éventer, mais le destin de ce duo continue à se faire et se défaire selon les liens et les impossibilités qui traversent leur histoire, relation aussi platonique que concrète. C’est une période de flou et de mise au point, et ni l’un ni l’autre ne ressortiront « indemnes » de la situation. David et Katchoo sont venus à Vegas pour voir Casey, toujours aussi foldingue et optimiste malgré ses petits pincements au cÅ“ur. De retour de Vegas, Katchoo va faire plus ample connaissance avec la galeriste qui l’expose et veut devenir son mécène, présageant d’un avenir artistique enfin viable. Freddie, quant à lui, continue sur sa folle lancée de looser sympathique, lourd au possible mais toujours aussi attachant et insupportable. Francine s’apprête à déménager à Houston avec son mari, même si un petit tatouage sur le sein de la belle va attirer les foudres de l’époux quelque peu soupe au lait. Leur couple est-il si évident et soudé que ça ? Francine ne se trompe-t-elle pas de chemin ? C’est la sempiternelle question qui revient pour chacun des personnages tout au long de la série, l’un des thèmes principaux de l’œuvre.

 

J’ai dévoré ce nouveau tome avec toujours le même plaisir, saisi par l’émotion et riant de bon cÅ“ur aux situations incongrues et autres dialogues ébouriffants instaurés par l’auteur. Terry Moore a un tel humour ! Ainsi, les deux pages où il se met dans la tête du chat de la mère de Katchoo est à mourir de rire. Oui, même Maggie a droit de cité, Moore imbriquant dans son récit le ressenti et les pensées de tous les protagonistes sans que cela devienne trop foisonnant ou brouillon. Au contraire, cette Å“uvre chorale tient toutes ses promesses de bout en bout, dans une richesse impressionnante de ramifications infinies – à l’image de la vie elle-même. Moore y mélange toujours autant les divers procédés narratifs qu’il affectionne, de la bande dessinée à la prose, de l’illustration aux partitions de musique. Lorsqu’on est fan de « Strangers in Paradise » et qu’on suit cette série depuis le début, on se sent faire partie d’une famille, d’un cercle d’amis, et on lit ce comic comme si on retrouvait les siens. C’est une sensation très agréable, touchante, et la rencontre avec Katchoo et Francine s’avère indélébile. Une fois n’est pas coutume, je ne peux que conseiller à quiconque de découvrir ou redécouvrir cette Å“uvre décidément pas comme les autres et qui tiendra une place à part dans votre bibliothèque, j’en suis sûr… Encore bravo et merci, Monsieur Moore.

Cecil McKINLEY

« Strangers in Paradise » T16 (« Tattoo ») par Terry Moore Éditions Kymera (16,50€) – ISBN : 978-2-916527-19-2

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