Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Spécial Warren Ellis chez Glénat
Après Alan Moore, Warren Ellis est certainement le scénariste britannique le plus convoité par les éditeurs français. Après Semic, Panini, Delcourt, Milady et même… Le Lombard (! je n’en reviens toujours pas !), c’est aujourd’hui Glénat qui profite du lancement de sa collection Comics pour accueillir deux œuvres de ce prolifique auteur. Avec « Ignition City » et le premier tome d’« Anna Mercury », ce sont d’autres créations made in Avatar Press qui sont maintenant disponibles chez nous, et c’est tant mieux, surtout si vous aimez les jolies rouquines.
« Anna Mercury » T1 (« Sur le fil du rasoir »)
On commence avec notre première dame rousse, une certaine Anna Mercury qui – c’est le moins qu’on puisse dire – n’a pas froid aux yeux… Agent du gouvernement britannique, elle est une sorte d’arme de solution massive qui semble ne rien craindre et affronte tout danger avec un aplomb qui laisse sans voix. Une sacrée nana avec qui on a intérêt d’avoir de bons rapports ! Vêtue de sa combinaison en latex noir moulant (merci pour le plaisir anatomique), affublée de flingues et d’un postiche si impressionnant qu’il rendrait Medusa verte de jalousie, elle s’élance, saute, flingue, rebondit, parcourt les dimensions et accomplit des acrobaties salvatrices comme d’autres iraient promener le chien. En créant ce personnage, on sent qu’Ellis s’est fait plaisir. J’ai déjà parlé de ce côté féminin d’Ellis – qu’on retrouve aussi chez Moore – et que beaucoup refusent de voir, craignant que cela atteigne la superbe du Monsieur. Mais dans pratiquement toutes ses œuvres, les femmes y jouent un rôle déterminant, et elles ne se laissent certainement pas faire par les mââââles, quitte à se montrer aussi bourrins qu’eux pour se faire respecter et – mieux – leur prendre le pouvoir. Relisez « Transmetropolitan » avec les « horribles assistantes » de Spider, « The Authority » avec la fameuse Jenny Sparks, ou bien « FreakAngels » et ses adolescentes plus que déterminées et parfois manipulatrices. Dans la nébuleuse Ellis, Anna Mercury fait figure de bulldozer raffiné, de fine bombe atomique. En effet, même si elle rue dans les brancards comme personne, elle a ce je ne sais quoi qui ne lui enlève jamais une certaine classe, sorte d’Emma Peel surdéveloppée.
Dans l’univers d’« Anna Mercury », notre Terre n’est pas si isolée que ça. La Constellation, c’est « neuf mondes à moitié finis en orbite invisible autour de la Terre », selon les propres mots du chef des services secrets britanniques. Une sacrée découverte. Car si ces mondes en sont à différents stades d’évolution, avec des géographies et des populations très diverses, ce sont autant de dangers potentiels qui nous guettent maintenant que la brèche peut s’ouvrir entre les dimensions. Pour le compte du gouvernement et sous l’égide d’un big boss entouré d’une belle équipe scientifique, Anna part donc en mission pour déjouer les menaces éventuelles ou déjà en activité sur ces mondes invisibles. La première mission à laquelle nous avons affaire consiste à détruire un canon géant qui menace la ville de Sheol. La cité qui brandit cette arme géante se nomme New Ataraxia et semble prête à tout pour éliminer sa concurrente. Sombre histoire où technologie et barbarie vont de pair sans scrupules. Au milieu de tout ce b…azar, Anna voyage à travers les dimensions et flingue en jurant comme un charretier sans jamais perdre de sa classe. Les aventures écrites par Ellis sont très plaisantes à lire et on accompagne cette héroïne survitaminée avec une certaine fascination.
Esthétiquement, « Anna Mercury » recèle quelques petits trésors. Tout d’abord, le style de Facundo Percio, d’un abord plutôt classique, se révèle souvent passionnant, avec d’intéressantes nuances lorgnant entre Quitely et Jae Lee. La chevelure gigantesque de l’héroïne donne l’occasion à l’artiste de nous offrir quelques beaux morceaux de bravoure stylistique. Et puis Glénat n’a pas rechigné – comme certains – à nous proposer un nombre conséquent de couvertures régulières ou variant qui nous permettent d’admirer de magnifiques dessins de Paul Duffield et Juan José Ryp (toujours aussi fou et génial), mais aussi d’un dessinateur que je ne connaissais pas et pour qui j’ai eu un vrai coup de cœur : Felipe Massafera. Ses peintures très « pulp » sont de véritables petits bijoux faisant écho à toute une iconographie SF-polar-espionnage où la pin-up a oublié d’être lisse. Glamour et inquiétante, Anna Mercury y est magnifiée dans de sublimes jeux de lumières colorées. « Anna Mercury » est un excellent divertissement dont on attend bien sûr la suite…
Après Anna Mercury, voici venir notre seconde héroïne aux cheveux de feu. Moins sculpturale et expansive qu’Anna, Mary Raven, derrière sa petite moue et ses cheveux bien attachés, s’avèrera néanmoins tout aussi redoutable. Décidément, sale temps pour les mecs… à part si l’on est seulement lecteur et fan de Rita Hayworth, ou de Kim Novak. Et puisqu’on en est à parler cinéma, avez-vous vu « Bad Day at Black Rock » (« Un homme est passé » en VF) ? Ce chef-d’œuvre de John Sturges, daté de 1954 et dans lequel Spencer Tracy – impeccable, magnifique – tient le rôle principal, raconte comment un petit bled paumé dans le désert américain voit un jour descendre du train un homme tout habillé de noir et à qui il manque un bras. Cela faisait quatre ans que personne n’était descendu à Black Rock, et la venue de cet étranger intrigue les habitants – pour la plupart des cow-boys alcooliques, paumés, violents. Petit à petit, la tension va monter car l’étranger pose de drôles de questions qui (nous l’apprendrons petit à petit) ont un rapport étroit avec le sort que certains Américains de souche ont réservé aux Nippo-Américains, entre lynchage, torture et camps de concentration (voir à ce sujet l’album « Des dieux et des hommes T3 : Une petite ville en Amérique » de Dionnet et Zezelj). Nous sommes en 1945, et le personnage joué par Spencer Tracy va finir par débusquer ceux qui ont lynché durant la seconde guerre mondiale, maintenant planqués dans le silence lâche de leur bled suintant le mensonge et les secrets bien gardés, mettant les criminels à l’abri. « Bad Day at Black Rock » est un chef-d’œuvre car au-delà du sujet, de la qualité de la mise en scène et des acteurs, il échappe à toute catégorie. Nous sommes clairement dans une ambiance et un contexte de western, mais c’est bien un thriller psychologique qui s’installe, avec de faux airs de polar, alors qu’il traite d’un sujet historique et éthique. Pourquoi je vous parle de tout ça ? Eh bien parce que je mettrais ma main au feu (aïe, ça brûle, arrêtez) qu’Ellis a plus ou moins consciemment été influencé par ce film dans la création d’« Ignition City ». Ou alors c’est un hommage à peine déguisé…
Dans cette uchronie (la seconde guerre mondiale a été interrompue par l’arrivée de martiens qui ont apporté la technologie permettant aux hommes d’aller dans l’espace), la SF s’ancre dans l’histoire tout en flirtant avec le polar, l’espionnage, avant de plonger dans une ambiance résolument western dès lors que l’héroïne aura débarqué à Ignition City, bourgade ressemblant à une casse de vaisseaux spatiaux au beau milieu d’une île peuplée d’alcooliques et de paumés à la gâchette facile. Lieu de trafics, mais aussi de criminels. Mary Raven le sait bien, puisqu’elle vient ici après que son père y soit décédé dans d’étranges circonstances… pas très naturelles. Ignition City est aussi désolée, désertique, silencieuse et dégénérée que Black Rock, avec son lot de secrets assassins. Et tout comme dans le film de Sturges, ce n’est pas dans une suite d’actions spectaculaires et de courses poursuites que se déroule le récit, mais bien au « saloon ». Le plus clair du temps, l’action d’« Ignition City » consiste en diverses conversations bien arrosées, et les femmes ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de parler dru en s’enquillant quelques verres de whisky plus ou moins cul sec. De ces conversations va monter la tension, et le secret de la mort du père de Mary va inexorablement remonter à la surface. Tout ça risque de dégénérer. Enfin, à l’instar du film de Sturges, il est question en sous-jacence des horreurs cachées de la guerre, de l’Histoire avec un grand H comme Horreur.
Le rapprochement explicite que je fais entre « Bad Day at Black Rock » et « Ignition City » n’enlève en rien l’intérêt, l’originalité et les qualités intrinsèques de cette œuvre d’Ellis, bien sûr. Ce serait même plutôt un plaisir supplémentaire que d’y voir ces connections. Cette suite de huis clos jalonnée par des sorties en extérieur anxiogènes engendre une tension allant crescendo tout en maintenant habilement les zones de flou. Graphiquement, je suis plutôt partagé sur le dessin de Gianluca Pagliarani. J’adore ses paysages de métaux oxydés, ses visions de décharge technologique aux formes très intéressantes, mais j’avoue moins aimer son dessin des visages humains que je trouve assez sommaire et maladroit. C’est d’autant plus dommage que son talent pour les décors est plus qu’évident, qui plus est joliment mis en couleurs. Par contre on sent bien que le dessinateur est très intéressé par les fesses de son héroïne qu’il dessine toujours avec une volupté sage qui ne trompera personne. Elle est bien sympathique, cette Mary Raven, avec ses airs de ne pas y toucher. Et elle saura à coup sûr vous embarquer dans sa quête personnelle qu’Ellis exprime avec nuance et sentiment. Finalement, la faune d’Ignition City est constituée d’êtres plus ou moins brisés par la vie et les événements, quelque peu à la dérive, et cet aspect intime et psychologique n’est pas la moindre qualité de cette œuvre qu’on aurait voulue plus longue ; dernier raccord avec le film de Sturges qui était étonnamment court. Cerise sur le gâteau, outre les couvertures panoramiques sont proposées aussi celles réalisées par Felipe Massafera, l’excellent dessinateur dont je vous parlais plus haut. Là aussi, il nous offre de belles peintures qu’on ne se lasse pas d’admirer.
Cecil McKINLEY
« Anna Mercury » T1 (« Sur le fil du rasoir ») par Facundo Percio et Warren Ellis Éditions Glénat (14,95€) – ISBN : 978-2-7234-8826-6
« Ignition City » par Gianluca Pagliarani et Warren Ellis Éditions Glénat (14,95€) – ISBN : 978-2-7234-8829-7