Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Marsupilami » T25 (« Sur la piste du Marsupilami ») par Batem et Colman
Le marsupilami ne figure dans aucune table de classification zoologique, bien que son nom pourrait laisser croire qu’il appartient à la famille des marsupiaux. Donc il n’existe pas.
Pourtant, il est beaucoup plus connu que la sarigue (petit mammifère), la tipule ou la notonecte (insectes). Alors, il existe, foi de générations de lecteurs de bande dessinée !
Cet animal extraordinaire possède une fourrure jaune tachetée de noir. Il vit avec ses congénères dans la mystérieuse forêt de Palombie, quelque part en Amérique du sud, dans d’étranges nids suspendus. Il est doté d’une très longue queue souple multi usages. Il ne parle pas mais pousse un cri célèbre, « Houba Hop !», qu’il module selon ses humeurs, et qui intrigue les courageux explorateurs s’aventurant en Palombie.
La genèse : au commencement, il y a Monsieur Franquin, occupé à dessiner un nouvel épisode de sa série « Spirou et Fantasio ». Nous sommes en 1951 et la publication de « Spirou et les héritiers » commence dans « Le Journal de Spirou ». Les deux cousins, Fantasio et Zantafio, doivent subir trois épreuves avant de toucher leur héritage et Franquin, qui n’a pas encore d’idées noires, sèche. Mais la lecture assidue de revues scientifiques lui donne l’idée d’imaginer un animal pacifique, amical et mythique, vivant dans une forêt reculée, que certains disent avec vu ou entendu.
Le marsupilami est né dans le rire, comme l’explique la femme de Franquin, Liliane : «Je n’oublierai jamais le jour où il a conçu le marsupilami ! C’était un matin, on a ri comme des bossus pendant des heures. A chaque instant, il inventait quelque chose de nouveau, chaque phrase était une surenchère de la précédente. «Oh ! Il ferait ça … et puis ça aussi …» On était pliés de rire… »
Un trio de choc : Franquin, très attaché à l’animal, qui n’était au départ qu’un personnage très secondaire, lui fait vivre douze autres aventures, aux côtés de Spirou et Fantasio. Elles paraissent entre 1953 et 1968, date à laquelle Franquin quitte la série, qui sera reprise dès lors par plusieurs scénaristes et dessinateurs.
Mais il ne veut pas se séparer de SON marsupilami. Il le garde en réserve dans sa forêt palombienne, pour le réutiliser par la suite dans de nouvelles aventures. Suivent alors d’autres projets avec « Gaston Lagaffe » et les fameuses « Idées noires » et le marsupilami ne revient pas sur les planches.
Marsupilami, le retour : en 1986, les éditions Marsu Productions voient le jour, et Franquin leur cède son personnage pour développer des albums dans lesquels le marsupilami aura la vedette. En 1987, Franquin choisit un jeune dessinateur belge né au Congo, Luc Colin alias Batem, pour l’assister au dessin des premiers albums du nouveau Marsupilami. Les deux hommes s’entendent bien et Franquin transmet à Batem son savoir et son savoir faire ainsi que des responsabilités grandissantes. Il s’entoure également de scénaristes talentueux, comme Greg, Yann, Fauche, ou Dugomier.
Entre 1987 et 1997, onze albums du Marsupilami voient le jour, de « La Queue du Marsupilami », dessiné par Franquin et Batem et scénarisé par Greg, jusqu’à « Houba Banana » (dessin Batem ; scénario Fauche et Adam ; mise en scène Franquin). Au cours de ces dix années, Franquin confie progressivement l’ensemble du dessin à Batem, se contentant de superviser l’ensemble. Franquin disparaît le 5 janvier 1997, victime d’un infarctus. Le tome 12 : « Trafic à Jolywood », publié en juillet 1998, le premier sans Monsieur Franquin, est entièrement dessiné et écrit par Batem, qui est un peu orphelin.
Le Marsupilami au cinéma : on connaît le goût d’Alain Chabat pour la bande dessinée. Il la lit depuis qu’il est enfant et il en lit toujours. Il a lui-même publié quelques albums dans les années soixante-dix. Il s’est emparé d’Astérix pour réaliser « Mission Cléopâtre » en 2001. Le 4 avril prochain, « même en Palombie », on pourra découvrir son quatrième  film « Sur la piste du Marsupilami », qui n’est pas adapté d’un album existant, puisqu’Alain Chabat en a écrit le scénario original avec Jeremy Doner.
Et la bande dessinée …
Parallèlement au film, sort donc chez Marsu Productions  le 25eme album du Marsupilami, riche de 64 pages, adapté par Colman du scénario d’Alain Chabat, dessiné par Batem et Colman.
L’album s’ouvre sur un prologue où l’on retrouve le marsupilami, tout content d’avoir trouvé dans un trou de rocher une orchidée solitaire qu’il emporte avec lui avec un « houba » joyeux.
Où l’on fait ensuite la connaissance de Pablito qui gagne sa vie comme faux vétérinaire ou faux indien Paya dans la forêt et, de Dan Geraldo, un reporter fatigué en quête du scoop qui relancera l’audience de son émission. Où l’on découvre aussi un dictateur, fan total de Céline Dion, qui n’hésite pas à coller en prison le reporter fraîchement arrivé, puis un vieux botaniste qui joue à l’apprenti sorcier. Ces personnages vont vivre une aventure sans temps mort au cœur de la forêt où vivent les mystérieux Payas , « les Payas ? comme ‘’paillasson’’ mais sans le ‘’son’’ ». Ils y croiseront quelques piranhas et, bien sûr, notre marsupilami, qui montre une nouvelle facette de sa personnalité, eh oui, l’animal est antimilitariste et il le crie très fort : « Houbagrôôôôùo ! »
Un album qui se lit avec plaisir et qui tient la route et l’aventure. Batem est en forme, tout comme son dessin, solide, vivant et dynamique. Les pages 38 et 39, où l’on découvre les marsupilamis dans leur environnement, sont belles et drôles, notamment lorsqu’ils communiquent entre eux. Nous nous laissons la surprise de découvrir leurs dialogues …
Catherine GENTILE
Marsupilami T25 (« Sur la piste du Marsupilami ») par Batem et Colman
Éditions Marsu Productions – ISBN 978 2 35426 071 7  11,90 €