Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Le paradis retrouvé ou Pim Pam Poum à lîle Bongo
Dès qu’il pense à « Pim Pam Poum » (The Katzenjammer Kids), l’amateur français ou belge de bandes dessinées
pense à l’île Bongo, non pas qu’il ignore l’existence d’autres épisodes des tribu?lations de cette famille
dont les première et deuxième années d journal de « Mickey » avaient donné un échan?tillon,
mais ce n’étaient là que pré?misses, l’essentiel se situant ail?leurs, plus précisément à l’île Bongo où la famille devait se fixer définitivement sans que la dispari?tion de Knerr lui donne jamais l’occasion de reprendre son erran?ce maritime.
Ce sont donc les mé?saventures de la famille Pim Pam Poum à l’île Bongo et l’île elle-même qui vont faire
l’objet de cet article.
Ce séjour à l’île Bongo n’est pas le premier qu’y effectua la famille, comme
en témoigne l’ardeur du capitaine à y revenir malgré les efforts de la tante
Pim, en effet en 1927-1928, nos cinq personnages y avaient déjà séjourné,
il semble qu’à cette époque, reprenant la tradition de Dirks, Knerr ait fait
porter son effort sur les rapports de la famille avec la communauté
noire de l’île : le roi et sa cour, ses ministres, des rois d’îles
voiÂsines, des ambassadeurs, des digniÂtaires, etc. se mêlant quotidienneÂment
(pardon, hebdomadairement !) Ã la vie de la famille et subissant les farces
 sans cesse renouvelées de Pam et Poum ; or, si le retour définitif à l’île
débute dans la mêmeatmosphère, à la cour du roi, très vite la famille
se replie sur elle-même et se met à vivre en circuit fermé, les arrivées
successives de Lena et Miss Ross puis d’Adolphe ne faisant que
renforcer cette tenÂdance en complétant ce petit uniÂvers privé, et,
alors qu’auparavant les éléments extérieurs à la famille jouaient
un rôle considérable (l’éÂquipage du bateau et son commanÂdant,
le peau-rouge, le vieil ermite, etc.), maintenant tout va surtout se passer
dans les limites de ce cercle familial agrandi où pénétreront parfois
le roi Bongo, quelques amis de l’astronome ou du capitaine, ou
les nombreux vendeurs farfelus qui séviront parfois sur l’île, tout ceci
 restant d’ailleurs très limité.
Examinons donc cette île Bongo : si l’on fait abstraction de Pam
et Poum, c’est un véritable Paradis terrestre retrouvé : elle est
tout d’abord coupée du reste du monde par sa nature même
d’île et surtout elle jouit d’un éternel été car on ne doit
guère tenir compte des rares petits nuages noirs qui amèÂnent
d’exceptionnelles averses. Ah ! le ciel éternellement bleu
de l’île Bongo ! Ah ! l’ombre de ses palÂmiers, l’or rougeâtre
de son sable et la sérénité de ses après-midi ! Ce caractère
édénique est encore accentué par la familiarité qui existe
entre animaux et êtres huÂmains ; l’île pullule d’animaux
sauÂvages en général fort débonnaires : singes, autruches,
kangourous (mêÂme si c’est une hérésie zoologique en Afrique),
éléphants, hippopotaÂmes, chèvres, zèbres, etc. ; l’animal le
plus féroce paraissant être le chat sauvage aux griffes
ravageuÂses, quant au crocodile, une sauÂcisse l’apprivoise,
la panthère se contente parfois d’un biberon, tanÂdis
que l’hippopotame est sensible au chou et les singes
aux bananes, les éléphants et les autruches sont apprivoisés,
seule la chèvre, irasÂcible et brutale, semble à redouter ;
 tout ce monde fait plus ou moins bon ménage, on échange
parfois un coup de dents, de griffes ou de cornes,
les singes ont la poigne un peu trop vigoureuse, mais,
dans l’ensemble tout est idyllique et relaÂtivement
aimable, c’est bien l’Eden tant regretté des hommes.
Â
Ajoutons encore que l’auteur a doté ses héros
de l’éternelle jeunesse, ou du moins les a
fixés pour toujours à un âge déterminé sur
lequel les ans n’auront pas de prise : jeuÂnesse
 éternelle pour Pam, Poum, Lena et Adolphe,
âge adulte à difÂférents degrés pour les autres ;
ils ne vieilliront pas, au contraire de la famille
Bumstead (Blondie), ni n’évolueront pas avec
leur entouÂrage comme Maggie et Jiggs (Illico). Enfin,
outre que ses moyens de locomotion se limitent
à la traction animale et à la bicyclette, ce petit
monde vit dans un perÂpétuel farniente ; certes
les femÂmes et surtout tante Pim travaillent,
mais c’est dans l’ordre des choÂses : elle tient
la maison et fait la cuisine (la pâtisserie surtout),
les autres se livrent aux joies de lonÂgues
siestes, de non moins longues parties de pêche,
du golf, des carÂtes, du canotage, quand
ce n’est pas de quelque beuverie ; seuleÂment ce
Paradis est troublé par les démons, en l’espèce
Pam et Poum renforcés plus tard par Adolphe,
ce sont avant tout des trouble-fête, leur génie
de la farce, de la mystification, leur esprit
invenÂtif toujours à l’affût d’un tour Ã
jouer, leur insatiable désir d’emÂpoisonner
la vie des autres les renÂdent insupportables :
plus de sieste ou de pêche sans pétard ou
ciment ou glu ou crocodile ou autre
joyeuseté du même genre; quelledébauche
d’accessoires et d’outils : de la glu,
élément fondamental, à l’hélicoptère,
tout sera bon : marÂteau, scie, clous,
planches, rouÂlettes, tuyau de poêle,
cage à oiÂseaux, bougies, fauteuils,
fusées, essaims d’abeilles, etc.,
sans parler des déguisements dont le
plus réussi est certainement celui de Poum
en petit fille qui aguiche Adolphe et le
berne, ou de Pam et Poum en singe et hibou
suivi de celui d’un singe en hibou et d’un hibou
en singe ; que de déÂfroques, que de peaux
d’animaux, que d’animaux empaillés aussi,
à croire que l’île n’est qu’un vaste musée zoologique
ou un vaste maÂgasin de taxidermiste !
(A suivre)
EDOUARD FRANCOIS
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