MAESTER ET LES DEDICACES

Nous publions aujourd’hui dans cette rubrique, deux textes de Maëster, l’auteur de Marie-Thérèse des batignoles (Audie- Fluide glacial).Le premier décrit sa nouvelle façon de dédicacer (un jeu !) et le second rappelle aux fans la condition des auteurs dans les festivals.




 


1 – Le premier texte annonce les règles du jeu -dédicaces proposé aux (trop) nombreux fans à la recherche d’une dédicace de Maëster ! L’auteur nous indiquait par ailleurs que l’ensemble des personnes présentes s’est prété de bonne grâce à cette nouvelle façon de faire et que la séance de dédicaces s’est déroulée dans des conditions optimales.


Voici le texte :


Lettre ouverte  à mes fans en délire !


 


Afin d’éviter le plus possible les files d’attente interminables pour les dédicaces, les “professionnels” qui les squattent et se relayent, les campeurs qui, n’écoutant que leur courage (certes) n’hésitent pas à assiéger les stands dès leur ouverture,


afin aussi de rendre à la dédicace son aspect ludique, festif, et d’offrir à chacun la possibilité d’avoir son petit dessin, et non plus seulement aux mêmes afficionados sympathiques qui en font collection,


je vous propose aujourd’hui                     


 UN JEU !


(ouaiiis, youpi)


 


Je propose de distribuer aux gens présents à l’heure de mon arrivée sur le stand (heure qui sera clairement communiquée à l’avance) des tickets numérotés (un seul ticket par personne) parmi lesquels seront tirés au hasard une vingtaine de tickets « gagnants » (vingt étant grosso modo le nombre de dédicaces que je peux faire dans une après midi).


Ces numéros gagnants seront assurés d’avoir leur dessin, dans un ordre de passage suivant le tirage au sort.


 Plus la peine de venir attendre le dessinateur trois ou quatre heures avant son arrivée officielle.


 Plus la peine de se battre pour conserver son tour dans la file d’attente.


 Plus de risque d’attendre des heures pour voir le dessinateur épuisé s’écrouler sous la table ou partir juste devant vous, vous ayant fait perdre une journée pour rien.


 Plus la peine d’attendre si vous n’avez pas été désigné par le sort, vous pouvez ainsi partir à la découverte d’autres auteurs.


 Chacun, le chasseur de dédicace, le fan de la première heure, le badaud curieux, le lecteur occasionnel, aura la même chance devant le Hasard, seul dieu juste qui peut reconnaître les siens.


 Plus de stress, ni pour vous (vous savez très vite que vous aurez ou non un dessin), ni pour moi (qui sais ainsi exactement combien je ferai de dessins, et quel temps je peux prendre pour chacun), ni pour les sympathiques hôtesses qui n’auront plus à gérer les files de fans en délire, parfois prêts à tout, voire à l’agressivité.


 Bien sûr, je suis conscient qu’il y aura des déçus, mais il y en a toujours, et de plus en plus. Je ne peux malheureusement pas satisfaire tout le monde (les héros ne sont plus ce qu’ils étaient…).


Au moins les déçus ne se seront-ils pas bercés pendant des heures du fol espoir d’avoir un dessin « à l’arraché », à force de courage et de patience.


 Rappelons-nous que la dédicace est un don, pas un dû.


(soyez digne d’un don, pas dingue d’un dû)


 Ami-calmant

Maëster


 


2 – Le second texte de Maëster, intitulé « Manifeste » recherche à sensibiliser le public des festivals (et particulièrement celui d’Angoulême) sur la conditions des auteurs « dédicaceurs » (Non, mais !).


Voici ce texte :


PETIT RAPPEL COMPLETEMENT DES FAITS A L’ATTENTION DES LECTEUSES ET LECTEURS


Depuis quelques années, on peut remarquer que la dédicace ressemble de moins en moins à cet exercice ludique auquel l’auteur se livre de bonne grâce pour remercier ses lecteurs les plus fervents en leur montrant comment “qu’y dessine bien grave”.


Pour le public, cela s’apparente de plus en plus à un chemin de croix, ou à une journée de soldes chez Tati virant parfois à l’émeute.


Pour des fous furieux, chez qui la quantité finit par primer sur la qualité, cela tourne à la chasse au trésor où tous les coups sont permis.


Pour quelques spéculateurs peu scrupuleux, c’est apparemment la promesse d’une manne facile.


Pour les organisateurs de festival, c’est une « attraction » incontournable d’autant plus intéressante que les auteurs s’y livrent de bonne grâce, bénévolement, pour le seul plaisir de l’Art (et un aspect promotionnel qu’on ne manque pas de mettre en avant, mais qui est beaucoup moins important qu’on ne le dit).


Et pour les auteurs, une obligation plus ou moins déguisée (mais toujours bénévole), ceux qui la refusent se voyant taxer d’hypertrophie narcissique de la tête et des chevilles.


La dédicace est devenue au fil des ans « l’attraction » principale de tout festival qui se respecte, et la contradiction vient de ce que ce qui est offert par les auteurs devient aujourd’hui le plus souvent payant pour le public, qui s’acquitte d’un droit d’entrée parfois plus que conséquent.


Dès lors, il devient très difficile d’expliquer que le droit d’entrée n’est pas forcément un « droit à la dédicace », et que celle-ci reste à la discrétion de l’auteur.


Rappelons-le une fois de plus, l’auteur n’est pas payé pour le temps qu’il passe à dédicacer, il n’est pas même défrayé, il est tout juste (au mieux) « invité », c’est à dire transporté, logé et nourri pendant la durée de sa présence. Autant dire que son intérêt est tout autre que bassement matériel. Son intérêt reste de rencontrer ses lecteurs, de retrouver ses collègues, de faire la promotion de la Bande Dessinée en général, bien plus que la promotion de ses propres oeuvres.



C’est donc lui, et lui seul, qui peut décider des conditions de la dédicace.


 Le Festival d’Angoulême a cru bon de mettre en exergue de son programme l’avertissement suivant :


« Le Festival laisse totalement libres les éditeurs de leur choix et appréciation concernant les dédicaces, que ce soit avec album ou feuille libre. Le Festival n’intervient nullement, et en aucun cas, dans l’organisation et décisions des maisons d’éditions sur la politique des dédicaces. »


Qu’il ne soit fait nulle part mention des auteurs en dit long sur le mépris dans lequel ils sont tenus parfois, et l’ignorance d’une réalité première incontournable ; ce sont bien les auteurs, à ma connaissance et à mon sens, qui sont les principaux intéressés dans le bon déroulement des dédicaces, puisqu’ils en sont les principaux prestataires bénévoles (je me répète) et qu’ils sont, eux, directement face au public (qui a payé son billet et entend bien s’y retrouver d’une façon ou d’une autre, ce qui est légitime).


Il aura fallu la fronde d’un certain nombre de signatures et la mobilisation de la Maison des Auteurs l’an passé pour que l’on rediscute d’une décision d’augmenter les tarifs d’entrée du festival, décision prise sans aucune concertation des principaux partenaires. Car enfin, imaginons un festival de Bande Dessinée sans auteur et sans dédicace ; y verrait-on comme aujourd’hui le public s’y précipiter aussi nombreux, aussi friand, aussi enthousiaste ? D’ailleurs, devant les dérives et les problèmes que soulève la dédicace, il faudra bien réfléchir un jour à d’autres formes de rencontre entre les auteurs et leurs lecteurs.


Que le Festival d’Angoulême n’intervienne nullement dans l’organisation et les décisions sur la politique des dédicaces est la moindre des choses, compte tenu du peu de cas qu’il fait de l’accueil des auteurs et du peu d’écoute qu’il a de ceux-ci. 


Maëster, auteur dédicaceur par amour.


 


 


 

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