COMIC BOOK HEBDO n°29 (07/06/2008).

Cette semaine, Comics et Cinéma 1/2

 


Hello, mes petits fous de comics… Le 2ème Carrefour Européen du 9e Art et de l’Image va ouvrir ses portes le 26 juin prochain à Aubenas, et proposera une nouvelle fois des conférences, des projections de films, des expositions et des jeux vidéo qui rendront compte des liens qui relient la bande dessinée aux autres arts visuels. Après une conférence sur le « nouvel âge d’or des comics » et une exposition rétrospective sur Sandman l’année dernière, les comics seront bien entendu encore représentés cette année avec une exposition sur les super-héros de comic books au cinéma, et les amateurs de jeux vidéo pourront s’exciter comme des dingues en jouant à Spider-Man.


Votre chronique favorite et chérie va se pencher deux semaines durant sur différentes facettes qui unissent les comics avec le cinéma, par le biais d’exemples précis. Cette semaine, nous reviendrons sur The Fountain de Darren Aronofsky et Kent Williams (œuvre emblématique s’il en fut quant au sujet qui nous intéresse aujourd’hui), mais aussi Stardust de Neil Gaiman et Charles Vess.


La semaine prochaine, je chroniquerai deux comics très cinéphiliques : Matrix et Vendredi 13.


 


Cliquez, cliquez, cliquez sur le p’tit appareil photo en haut à droite de cet article pour voir les autres visuels illustrant cet article.



 


 


 


-THE FOUNTAIN.


Un petit mot sur l’histoire, quand même, pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas. The Fountain est une histoire d’amour absolue qui se déroule sur 931 ans (et non mille ans comme on l’a lu partout : je pense justement que si la quête du héros n’arrive pas jusqu’à ce millénaire hautement symbolique, c’est en parfaite adéquation avec l’esprit de l’œuvre : accepter l’arrêt d’une quête pour se retrouver dans l’ordre cosmique des choses). À travers ce long laps de temps, nous allons retrouver trois existences d’un même homme s’entremêlant dans une chronologie brillamment scindée et réinventée par Aronofsky en trois périodes.


 


À l’heure déjà bien avancée où Hollywood continue de transposer à satiété les plus grands mythes des super-héros et de certains personnages issus d’autres comics modernes à grands coups d’effets spéciaux et de liberté mercantile quant à l’histoire originale, The Fountain reste un album (paru en 2006 chez Emmanuel Proust éditions) qui vient à point nommer pour redonner de la substance et de la beauté à un dialogue qui n’était souvent plus qu’une caricature de la transmission artistique entre cinéma et bande dessinée. En effet, cette oeuvre a quelque chose d’unique, parmi la cohorte ; sa nature, sa création et son existence échappent  à l’attendu : elle n’est pas l’adaptation d’un film en bande dessinée, ni la bande dessinée dont il va être tiré un film, ni même le story-board somptueux d’un film… Elle est à la fois tout et rien de tout cela (même s’il est écrit en quatrième de couverture que cet album est la « bande dessinée du film »).


 


En 1999, le metteur en scène atypique Darren Aronofsky (Pi, Requiem for a Dream) met en chantier un projet ambitieux : The Fountain, un film traitant de la vie, de la mort et de l’amour à travers le temps dans un récit oscillant entre épopée historique, histoire d’amour et science-fiction. Mais en 2002, Hollywood abandonne officiellement le projet alors en pré-production, principalement à cause d’un budget trop élevé (Aronofsky avait néanmoins réussi à garder les droits de l’histoire, afin d’en faire le cas échéant une bande dessinée). Il est donc allé trouver Karen Berger chez DC Vertigo, et celle-ci lui a proposé de travailler avec Kent Williams (merci Karen, quel talent éditorial !). La rencontre est réussie, et The Fountain se concrétise petit à petit sous les crayons et les pinceaux de Williams, enfin ! Oui mais. Aronofsky est si obsédé par son histoire qu’il ne peut continuer à vivre sans la sortir de lui ; il doit l’enfanter à tout prix. Il se met donc à réécrire The Fountain pour le cinéma dans une nouvelle version plus viable, pariant avec Williams à qui aurait fini l’œuvre en premier : « match nul », comme il le dit dans sa postface de l’album.


 


Et c’est premièrement en cela que cet album est remarquable : The Fountain est une œuvre hybride par nature puisque sa réalisation s’est simultanément déroulée sur la planche de bande dessinée et sur la pellicule cinéma, et que l’une et l’autre de ces créations se sont nourries d’elles-mêmes, différentes et semblables. Ainsi, The Fountain échappe à tout tiroir, à toute étiquette de produit, en n’étant ni un livre ni un film mais une œuvre avant tout, une idée, une histoire (un concept ?), un sentiment, l’existence abstraite d’une œuvre, comme une entité en soi qui peut se concrétiser par différentes expressions artistiques, pouvant même amener à d’autres narrations : musicales (cela ferait un sublime opéra), littéraires, ou théâtrales. The Fountain ne serait donc pas adaptable, mais EXPRIMABLE… En voilà, une bien jolie idée…


 


Les connections entre la bande dessinée et le cinéma ne s’arrêtent pas là en ce qui concerne les deux créateurs de The Fountain. Premièrement, avant de s’atteler à ce projet, Darren Aronofsky –qui dit aimer énormément la bande dessinée- avait été pressenti pour réaliser le dernier Batman et l’adaptation des Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons. Deuxièmement, le fait que ce soit Hugh Jackman (le Wolverine des trois X-Men au cinéma) qui tienne finalement le rôle du héros de The Fountain est une passerelle vers Kent Williams : ce dernier –qui n’a fait que d’épisodiques apparitions dans le monde des super-héros- s’est néanmoins plusieurs fois penché avec un plaisir non dissimulé sur le personnage de Wolverine (dans le superbe Meltdown, ou dans le sauvage et expressionniste Killing). Troisièmement, Kent Williams travaille à présent sur des projets de longs métrages… La boucle est bouclée…


 


 


 


-STARDUST.


S’il n’est pas une bande dessinée, Stardust n’en reste pas moins un magnifique livre signé par deux grands auteurs de comic books, une pure merveille, un exemple de plus des ramifications qu’offre la bande dessinée lorsqu’elle se love à d’autres expressions artistiques. Écrite par Neil Gaiman et illustrée par Charles Vess, Stardust a déjà dix ans… En France, 2007 aura été une belle année anniversaire pour cette œuvre puisqu’après la sortie en salle au mois d’octobre dernier de son adaptation cinématographique (réalisée par Matthew Vaughn, avec Charlie Cox, Claire Danes, Robert de Niro, Michelle Pfeiffer…), Stardust a eu droit à une très belle édition papier chez Panini Comics en novembre.


Stardust, c’est « simplement » l’histoire d’amour entre un Terrien et une étoile. Rarement ce précepte historique d’amour entre êtres différents ou métamorphosés (qui a fondé la plupart des contes) n’avait été manié avec autant de malice et d’intensité que dans ce livre.


 


Le fait que Stardust ait fait l’objet d’une adaptation cinématographique n’est pas une surprise. Depuis très longtemps, Neil Gaiman est passionné par toutes les formes de créations artistiques, mélangeant avec bonheur les genres, les univers, faisant s’entrechoquer différents médiums dans des rencontres où sons, images, formes et mots se répondent. Correspondances et adaptations se succèdent…


En 2005, par exemple, il écrit le scénario de Mirrormask, premier film de Dave McKean, compagnon artistique de toujours et presque indissociable de Gaiman. Le livre pour enfants qu’il réalisa avec ce même compère (The Wolves in the Walls) a été adapté au théâtre en 2006 par le National Theatre of Scotland. Signalons aussi l’écriture d’un scénario pour la série Babylon V ou bien l’adaptation anglaise des dialogues de Princesse Mononoke d’Hayao Miyazaki. Il a aussi co-écrit le scénario du film Beowulf (de Zemeckis, sorti l’année dernière en France) et les adaptations de ses œuvres pour le grand écran (Stardust, mais aussi Coraline ). Gaiman a aussi réalisé un faux documentaire sur John Bolton, ne cessant de jeter des ponts entre les arts, et Stardust représente à la perfection ces possibles passages, étant elle-même une œuvre du passage entre réel et fiction, ciel et Terre, littérature, dessin et… cinéma.


 


Afin de faire une transition magistrale avec la suite de cette spéciale cinéma la semaine prochaine, n’oublions pas que Neil Gaiman a fait partie des scénaristes qui ont participé à l’aventure Matrix en comics… À la semaine prochaine, donc !


 


 


 


Cecil McKinley


 

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