Notre sélection, toujours aussi éclectique, de la semaine : “ Mai 68 : histoire d’un printemps ” par Alexandre Franc et Arnaud Bureau, “ Jojo T.17 : Confisqué ” par André Geerts, et “ Les carrés T.1 : Carré noir ” par Olivier Martin et Eric Adam.
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“ Mai 68 : histoire d’un printemps ” par Alexandre Franc et Arnaud Bureau
Editions Berg International (19,68 Euros)
Le quarantième anniversaire du mois de mai 1968 est l’occasion de nombreuses célébrations livresques, et les auteurs de bandes dessinées ne sont pas en reste : Tardi illustre un livre et un CD de sa compagne Dominique Grange (chez Casterman) et beaucoup de ses collègues ont participé au n° de Pilote en mai (le journal qui paraît quand ça lui plaît). « Mai 68 : histoire d’un printemps » contribue également à évoquer les mouvements révolutionnaires qui ont secoué la France Gaullienne de l’époque. Ce petit livre rouge vient de paraître au sein de la collection « Iceberg » (reprise par notre confrère Didier Pasamonik, lequel l’a transformée pour essayer d’obtenir un futur catalogue d’essais sous forme de bande dessinée) et a suscité notre vif intérêt. Outre le fait que la démarche qui consiste à utiliser les ressources du 9ème art pour faciliter la compréhension de notions assez complexes est assez peu exploitée en France, l’ouvrage nous a paru sérieux et bien documenté (le scénariste, dont c’est la première véritable BD, est historien de formation et a réalisé son mémoire de maîtrise d’histoire sur le sujet), sans jamais être pénible à lire pour le chaland qui bulle. Ceci grâce à une bonne maîtrise du rythme narratif (la pédagogie, l’humour et la fantaisie y faisant bon ménage) et un dessin ligne claire (tendance « nouveau roman graphique nord américain » à la Seth, à la Clowes ou à la McCloud) qui accentue la lisibilité de l’ensemble. Découpé en chapitres, contés par un narrateur principal et par quelques autres anciens qui se souviennent de leur participation aux principaux évènements avec le recul nécessaire, ce reportage dessiné, très respectueux de la chronologie des faits, se révèle, au final, un ouvrage que les amateurs d’Histoire et de politique pourront placer, sans complexe, en bonne place dans leur bibliothèque.
“ Jojo T.17 : Confisqué ” par André Geerts
Editions Dupuis (9,20 Euros)
On ne parle pas assez de ces séries destinées principalement à un jeune public mais qui peuvent être lues aussi bien par des enfants que par des adultes. D’ailleurs, ce qui fait la richesse de ces bandes dessinées pour enfants, c’est qu’elles s’adressent à tout le monde : elles n’excluent personne ! Et même si elles sont peu médiatisées, certaines sont de véritables petits joyaux du 9ème art… « Jojo », habile et émouvant mélange de « Boule et Bill » et de « Dennis la menace », est de celles-ci (à ce propos, à quand une belle intégrale, comme on sait si bien les faire chez Dupuis ?). Créé en 1983, dans l’hebdomadaire Spirou, ce gentil gavroche Belge se différencie des autres histoires enfantines à l’univers familial souvent trop stéréotypé : en effet, ce petit garçon est élevé par sa grand-mère, à la campagne, sans maman, et avec un papa seulement de passage. Le sensible André Geerts y a mis beaucoup de son histoire personnelle, tout en sachant émouvoir les plus jeunes en choisissant des mots et des formes qu’un enfant puisse comprendre, sans le considérer comme un sous-lecteur. On retrouve toute cette pudeur et cette délicatesse dans cette 17ème aventure où notre héros de 7 ans et demi court après la montre, à gousset, transmise de père en fils depuis 130 ans, qui lui a été offerte par son plombier de père. En effet, la relique familiale lui a été confisquée par le directeur de l’école et c’est le début de nombreuses péripéties aussi rocambolesques que cocasses…
“ Les carrés T.1 : Carré noir ” par Olivier Martin et Eric Adam
Editions Vents d’Ouest (9,40 Euros)
Encore un ex-flic reconverti en détective privé ? Certes, mais celui est quand même assez original puisqu’il est dépressif et cultivé : il est même spécialisé dans l’histoire de l’art ! Employé par le Musée d’Art Moderne Georges-Pompidou pour retrouver trois toiles célèbres de Malevitch, disparues pendant la Seconde Guerre mondiale, notre enquêteur passe, sans ambages, du bar parisien où il a l’habitude de prendre son café au « Café des Zamis », en pleine République de Centrafrique : le temps de rencontrer un ancien nazi assez content de lui… Le retour à la case départ, au sein de la communauté émigrée, lui permettra de résoudre son problème : il suffisait de fouiller un peu dans les poubelles d’autrui ! Eric Adam, dégagé de certaines de ses obligations éditoriales dans le groupe Glénat, en profite pour multiplier les scénarios efficaces et les collaborations de bon aloi : le choix d’Olivier Martin au dessin, entre classicisme et « nouvelle BD », aurait pu surprendre, mais l’ancien membre de l’atelier « La Boîte qui fait Beuh » d’Angers (avec Olivier Supiot, entre autres) s’éloigne du style historique hésitant qu’il avait adopté pour sa trilogie sur la piraterie (« Sang et encre » avec Eric Omond, chez Delcourt) pour une meilleure maîtrise graphique et narrative.
Gilles RATIER