Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 25 FEVRIER 2008
Notre sélection de la semaine : “ District 77 T.2 : Furiani Vendetta ” par Denys et Jean-Philippe Dugand, “ Il fera beau demain ” par François Duprat, et “ 110% ” par Tony Consiglio.
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des albums chroniqués.
“ District 77 T.2 : Furiani Vendetta ” par Denys et Jean-Philippe Dugand
Editions Lombard (10,40 Euros)
Nouvelle série de la « Troisième Vague » (l’une des rares collections survivantes dans le catalogue Lombard), ce polar glauque est une incontestable réussite graphique. En effet, le dessinateur, que l’on avait déjà remarqué lors de ses collaborations avec le scénariste Joël Callède (« Comptine d’Halloween » et « Dans la nuit »), contribue à la noirceur de l’ambiance, particulièrement violente et angoissante. Il confirme ainsi tout le bien que l’on pensait déjà de son style cinématographique qui s’adapte bien aux dialogues impulsifs et au rythme saccadé imposé par Jean-Philippe Dugand (un ancien des Requins Marteaux qui a également écrit le scénario du film « Atomik Circus », avec Vanessa Paradis et Benoît Poelvorde). Le réalisme du récit n’empêche pas les auteurs de lorgner, de temps en temps, vers le fantastique, à l’instar du cinéaste John Carpenter (leur principale référence), avec le personnage de Big Boss qui possède des pouvoirs vaudous ; car ce dernier, plongé dans un coma profond, vit dans d’autres corps. Pendant ce temps-là, un petit chef d’une bande de malfrats est bien décidé à prendre sa place à la tête de la pègre locale, alors que l’héroïne du premier tome (l’agent de police débutante Lily Lafayette) est mise à pied… : les seconds rôles, tous très bien vus, étant un autre intérêt de ce thriller haletant !
“ Il fera beau demain ” par François Duprat
Editions Carabas (12 Euros)
François Duprat n’est pas un inconnu dans le monde de la bande dessinée francophone : on lui doit, entre autres, quelques albums émouvants et poétiques, particulièrement destinés aux plus jeunes comme « Mon cousin dans la mort » et la série « Léo Cassebonbons » chez Petit à petit, ou encore le scénario de « L’année du dragon » qu’il a écrit pour Vanyda, chez Carabas, et qui s’adresse plus aux ados confirmés. Il nous revient, en tant qu’auteur complet, avec cette curieuse histoire de super-héros parisien, chômeur de surcroît, dont le seul pouvoir est d’arrêter la pluie. Enfin, disons plutôt que la pluie ne le mouille pas… Donc, à part narguer les gens en terrasse les jours de pluie et porter les courses des vieilles dames en les abritant, ce pouvoir se révèle finalement d’une utilité assez limitée. Il peut même devenir une calamité lorsqu’on tombe amoureux d’une fille qui aime danser sous la pluie… Avec un dessin assez classique, proche du style semi-humoristique que l’on retrouve fréquemment dans la bande dessinée franco-belge, cet auteur sensible nous propose un récit légèrement décalé qui fait un peu penser à certains films de réalisateurs français (comme Cédric Klapisch) : un livre sur l’envie de vivre qu’on aura envie de lire… et de conseiller !
“ 110% ” par Tony Consiglio
Editions çà et là (10,50 Euros)
Voici l’histoire de trois femmes au foyer, membres du club des « Personnes Un Peu Âgées Fans de 110% » : 110% étant une sorte de boys band ou de pseudo Chippendales à la diction approximative. L’une est le type même de la célibataire un peu grosse et discrète qui est la cible de tous les blagueurs sur son lieu de travail ; l’autre, plus âgée, est sous la coupe d’un mari violent et taciturne qui n’a jamais un geste tendre ou un mot gentil pour elle ; et la dernière, même si elle a une famille aimante et un boulot convenable, c’est la reine du club : celle qui fait passer sa passion avant tout le reste… Ces braves dames sont loin d’être jeunes, mignonnes ou sexy, mais elles sont pourtant attachantes, même si elles sont surtout ridicules et hypocrites. Comme le signale l’éditeur (qui, décidément, multiplie les bons choix en traduisant des romans graphiques étrangers, et particulièrement de langue anglaise, qui ne laissent pas indifférents) : « 110% me fait un peu penser à l’excellente émission Strip Tease, mais en fiction. On y retrouve ces personnages un peu paumés, parfois sympathiques, mais le plus souvent pathétiques. ». Leurs relations, on ne peut plus superficielles, vont d’ailleurs s’effondrer tout au long de ce récit parsemé de mensonges, de tricheries, et de déceptions. Graphiquement, le style de Tony Consiglio (un comparse d’Alex Robinson, l’excellent auteur de « De mal en pis ») est assez simple, proche de la caricature, usant souvent d’aplats noirs. Cependant, son découpage et sa mise en scène (qui utilise de nombreux gros plans) favorisent la lisibilité, alors que sa narration, assez complexe, est décapante et grave en même temps : voilà qui nous donne, au final, un livre drôle, malin et intelligent, sur la puissance de l’obsession et le culte de la personnalité.
Gilles RATIER