Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 28 JANVIER 2008
Notre sélection de la semaine : “ Martha Jane Cannary, les années 1852-1869” par Matthieu Blanchin et Christian Perrissin, “ Les funérailles de Luce ” par Benoît Springer, et “ Luc Orient : intégrale T.1 ” par Eddy Paape et Greg.
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“ Martha Jane Cannary, les années 1852-
Editions Futuropolis (22 Euros)
Décidément, les éditions Futuropolis semblent multiplier les biographies décalées en bandes dessinées ! Après le très intéressant hommage au chanteur argentin «Carlos Gardel» par ses compatriotes José Muñoz et Carlos Sampayo, voici les mémoires d’une femme hors du commun, dont tous les amateurs de western connaissent au moins le surnom : Calamity Jane. Pour imager sa vie, les auteurs se sont basés sur la maigre documentation à leur disposition, afin d’essayer d’inventer le moins possible, même si certaines circonstances sont retranscrites différemment, car, de leurs propres aveux, «il existe souvent un tel fossé entre la réalité et la légende… que tous les scénarios sont possibles». Le scénariste Christian Perrissin semble d’ailleurs se métamorphoser en un Jean-Michel Charlier moderne : il avait déjà repris avec talent l’un de ses personnages (sa version de «Barbe Rouge», dessinée par Marc Bourgne, aurait mérité un vrai succès public et critique) et s’était approprié, à l’instar du créateur de «Marc Dacier» et de «Tanguy et Laverdure», le genre aventures contemporaines (avec, entre autres, son excellent «El Niño») ; et voilà qu’il renouvelle, lui aussi, le genre western, tout comme l’avait fait Charlier avec son «Blueberry», en racontant en détail le destin de cette femme qui ne voulait pas vivre selon la loi des hommes, n’étant (comme le rappelle David B. dans sa préface) nulle part à sa place, au sens où ni son milieu, ni son sexe, ni sa famille ne lui correspondent. D’autant plus que sa narration limpide est ici particulièrement mise en valeur par le dessin intimiste et énergique à la fois de Mathieu Blanchin : superbe !
“ Les funérailles de Luce ” par Benoît Springer
Editions Vents d’Ouest (15 Euros)
Cette fable champêtre, axée sur la mort vue par une fillette de six ans, est certainement l’album de bandes dessinées le plus émouvant de ce début d’année. Dans un village de la province profonde, on découvre le temps de sept pages complètement muettes, Luce, une gamine chétive mais débrouillarde, en vacances chez son papy : un garagiste à la retraite. Elle l’accompagne souvent au marché où il va vendre sa production agricole. Tout serait au mieux, dans le meilleur des mondes, si la fillette ne croisait pas, presque partout, une autre petite fille drapée dans un crêpe noir, accompagnée d’un homme nu, que personne d’autre ne semble voir. Et surtout si le vieux Simon, un camarade de tiercé de son grand-père, n’avait pas décidé de mettre fin à ses jours… Dès lors, Luce commence à s’interroger sur la mort : sur la sienne et sur celle des siens. En entrant dans le rang des auteurs dits «complets» (c’est-à-dire scénariste et dessinateur en même temps), Benoît Springer s’impose d’emblée avec cette chronique initiatique simple et poignante, remplie de personnages affichant tous des caractères forgés par les épreuves de la vie. L’auteur en profite d’ailleurs pour porter un regard tendre sur le troisième âge, assénant un trait épais et chaleureux qui ne peut pas laisser insensible, et délaissant, pour l’occasion, le style plus réaliste des récits fantastiques qui avait fait, jusque-là, sa réputation (tels «Terres d’ombre» ou «Volunteer») : reconversion réussie !
“ Luc Orient : intégrale T.1 ” par Eddy Paape et Greg
Editions Le Lombard (17 Euros)
Et voici encore des intégrales de qualité ! A l’instar de leurs petits copains de chez Dupuis qui compilent avec intelligence leur fonds patrimonial, les éditions du Lombard nous proposent de (re)découvrir les trésors du journal Tintin. Ainsi, nous pouvons enfin nous replonger dans ce formidable démarquage franco-belge de «Flash Gordon» qu’était la série futuriste «Luc Orient» : elle a été créée en 1967, mais elle n’a pas vieilli d’un poil ! Dans les 4 premiers épisodes réunis dans ce tome inaugural, un trio de scientifiques terriens affronte les habitants cruels d’une lointaine galaxie à l’agonie : Terango. Les scénarios passionnants de cette épopée interplanétaire étaient signés de la main du prolifique et talentueux Greg, alors juste promu rédacteur en chef de l’hebdomadaire pour les 7 à 77 ans. Si ces histoires inspirées sont très variées, le dessin classique et réaliste d’Eddy Paape n’est pas en reste puisqu’il se fait de plus en plus inventif au fur et à mesure des récits, multipliant les cadrages déroutants et les mises en couleurs contrastées… Comme un bonheur n’arrive pas seul, le Lombard annonce le tome 2 pour avril ainsi qu’une monographie consacrée à ce dessinateur généreux ; sachez également que, par ailleurs, ce dynamique et vénérable éditeur belge a également eu la bonne idée de regrouper quelques aventures policières de «Rock Derby», un ancien boxeur devenu garagiste, où Greg prouve qu’il était aussi efficace sur le plan dessin que sur celui de la narration. Enfin, sachez que l’on devrait retrouver d’autres chefs-d’œuvre d’Eddy Paape (en particulier ses mythiques «Marc Dacier», «Jean Valhardi» et «André Lefort»), dès le début de 2009, grâce aux efforts du fils de Jean-Michel Charlier et de quelques autres… Nostalgie, quand tu nous tiens !
Gilles RATIER