Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 7 JANVIER 2008
Notre sélection du début de l’année 2008, accompagnée de tous nos voeux : “ Comédie d’amour ” par Colonel Moutarde et Brigitte Luciani, “ L’œil était dans la tombe ” par Christian De Metter, et “ Effleurés ” par Sylvain Limousi et Isabelle Bauthian.
“ Comédie d’amour ” par Colonel Moutarde et Brigitte Luciani
Editions Delcourt (13,95 Euros)
Alors que pour certains, l’album cartonné de 48 pages en couleurs est un carcan trop rigide, pour d’autres, c’est le terrain idéal pour jouer avec la narration ou le découpage, afin de détourner les codes de la bande dessinée. La brillante scénariste Brigitte Luciani et la dessinatrice au style glamour qui se dissimule sous le pseudonyme de Colonel Moutarde avaient déjà multiplié les pistes dans «L’espace d’un soir», histoire qui pouvait se lire aussi bien horizontalement que verticalement : les actions, concentrées dans un seul lieu et un seul temps, étant visualisées simultanément sur chaque page. Les deux complices renouvellent leur collaboration pour «Comédie d’amour», une très plaisante bluette fantasque, publiée par les éditions Delcourt, où elles continuent à alimenter le côté ludique de leurs expériences, en mettant en scène les relations compliquées qui existent entre le personnage principal et l’auteur. L’héroïne principale, comédienne en vue remarquée dans leur précédent récit, refuse de se soumettre à la fatalité sentimentale du récit, alors que le narrateur se moque de sa volonté à résister : jubilatoire !
“ L’œil était dans la tombe ” par Christian De Metter
Editions Casterman (14,95 Euros)
Un jeune et riche chef d’entreprise, comblé par la vie, va sortir de ses gonds, suite à un curieux chantage dont sa jolie femme, qui s’apprête à lui donner un enfant, est victime. Chantage d’autant plus étrange que cela concerne son père, à lui : le maître chanteur menaçant de révéler des photos compromettantes qui laissent supposer des agissements pédophiles. Ce géniteur écrasant, autant aimé que détesté, était un célèbre coureur automobile qui s’est suicidé en laissant à sa progéniture un copieux héritage. Or, ces révélations encombrantes sur son compte vont réveiller chez son fils un profond sentiment de culpabilité et va le faire déraper au point d’enchaîner des meurtres de plus en plus sanglants, crevant systématiquement les yeux de ses victimes. Révélant progressivement les tenants et les aboutissants d’une toile savamment tissée, Christian De Metter réussit, une nouvelle fois, à nous faire frissonner dès les premières pages de ce polar psychologique très réussi, tout en explorant les passerelles graphiques et narratives entre peinture et bande dessinée ! De plus en plus performant dans ses aptitudes à décrire les conflits intérieurs d’une galerie de protagonistes (épouse, amis, policiers) tous plus fascinants les uns que les autres, l’artiste intègre, dans l’épaisseur de son trait à
“ Effleurés ” par Sylvain Limousi et Isabelle Bauthian – Sortie le 18 janvier
Editions Dargaud (12,50 Euros)
Le roman sentimental, genre si prisé par les jeunes filles en fleurs, est encore une niche éditoriale assez peu exploitée en bandes dessinées. Les éditions Dargaud ont décidé de tenter de redorer le blason des histoires d’amour éculées via de jeunes auteurs, lesquels risquant d’apporter un ton neuf et d’intéresser un lectorat féminin difficile à conquérir. Et il faut bien reconnaître que les deux premiers autodidactes à qui elles ont donné leur chance (Sylvain Limousi au dessin «ligne claire mangalisée» et Isabelle Bauthian au style narratif direct et attachant) ont réussi haut la main leur examen de passage avec cet «Effleurés», un one-shot assez ambitieux. Un cadre supérieur bien propre sur lui vient de flasher sur une stagiaire baba cool, préposée, dans sa boîte, aux photocopies et au café. Leurs rendez-vous amoureux font très vite jaser les collègues et provoquent diverses prises de positions parmi les amis et dans la famille : ah, le regard de l’autre ! Même si les deux talentueux auteurs ont évidemment encore quelques progrès à faire, ce premier essai sensible et moderne est joliment transformé, le charme opérant en grande partie grâce à l’harmonie des traits et des dialogues.
Gilles RATIER