Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...COMIC BOOK HEBDO n°1 (16/11/2007).
Chaque semaine, la sélection de ce qui se fait de mieux en ce moment dans le monde des comics VF en librairie.
Bonjour Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs, veuillez prendre place je vous prie, c’est confortable et ça pétille…
Voilà, ça y est, it’s parti my kiki, votre chronique sur les parutions en français des meilleurs comic books du moment devient désormais hebdomadaire. Chaque vendredi, histoire de se préparer un week-end super-héroïque, « Comic Book Hebdo » viendra vous titiller les neurones afin de vous faire découvrir des ouvrages de grande qualité ou tout simplement incontournables.
Car, faut-il le rappeler (je crains qu’il le faille encore et toujours, malheureusement), l’univers du comic book devient de plus en plus adulte, de plus en plus créatif, de plus en plus engagé dans le monde contemporain, ce qui laisse rêveur quand on regarde la production européenne plutôt morne, prétentieuse et normative, cette même production qui continue dans l’ensemble à prendre l’univers du comic book pour celui – et seulement celui – des super-héros, et celui des super-héros pour une sous-culture n’arrivant pas à la cheville (énorme) de nos bandes dessinées du vieux continent. Visiblement ces gens disent mais jamais ne lisent. Car dans quelle BD actuelle parle-t-on d’un héros qui joue avec l’équilibre géopolitique du monde dans un contexte de grands troubles sociaux afin de boursicoter et de tirer des bénéfices financiers énormes sur le mensonge politique et la manipulation de la conscience collective ? Dans Civil War, chez Marvel. Dans quelles œuvres ne fait-on pas qu’accumuler des suites de cases uniformes sans comprendre ce que signifie le terme technique de « narration » ? Dans Promethea ou Desolation Jones, chez ABC et Wildstorm, par exemple.
Et qu’on ne me traite pas d’américanophile primaire, car le premier qui touche à Franquin, Nine, Bézian ou Kobayashi, je lui #@%£ le ¢◊Ω≈°? (bah pourquoi je m’énerve, moi..?), sans compter qu’il ne faudrait pas oublier que les Anglais jouent un grand rôle dans ce renouveau, ainsi que certains auteurs latins, so…
Je ne dis pas que tous les comic books sont géniaux et que toute la BD européenne est nulle, non, bien sûr, car ce serait aussi débile que d’argumenter avec ce pénible sentiment de supériorité culturelle européenne – et surtout française – qui sévit encore de nos jours. Il serait seulement bon de lire les œuvres, d’où qu’elles viennent, et de les apprécier pour leurs qualités intrinsèques. Un peu d’humilité, de respect, de curiosité et d’ouverture, que diable !
Et n’oubliez pas, chaque mois sur BDzoom, ma chronique « Super-Héros en Kiosque » passera au crible toutes les publications… en kiosque !
EN LIBRAIRIE
-X-MEN : 1965 (Panini Comics, L’Intégrale).
On commence par un incontournable de chez incontournable, à savoir le deuxième volume consacré à l’intégrale des premiers X-Men (le volume 1 reprenait les deux épisodes de 63 et ceux de l’année 64). Vous le savez sûrement, Panini a décidé d’éditer l’intégrale des aventures des fameux mutants de manière simultanée pour les anciens et les nouveaux X-Men (débutant respectivement par 1963, l’année de leur création, et 1975, année de la reprise de la série et de la naissance de la nouvelle équipe sous l’égide de Claremont et Cockrum).
Nous voici donc revenus en 1965. La série bimestrielle X-Men existe depuis septembre 1963, mais contrairement à Avengers (créée au même moment et qui devint mensuelle à peine un an après ses débuts), elle devra attendre la fin de cette année 65 pour paraître chaque mois. Avengers connut en effet à l’époque un succès bien plus important que cette série où apparaissaient des adolescents étranges. Les X-Men et les Vengeurs furent les deux premières équipes de super-héros à apparaître après les Quatre fantastiques (créés en 1961), dans un contexte où le succès des publications Marvel engendra les demandes toujours plus pressantes de lecteurs avides de nouveautés et de sensations fortes. Alors pourquoi un accueil si différent de la part du public pour ces deux séries d’égale qualité, surtout lorsqu’on voit à quel point les X-Men n’ont cessé depuis de prendre de l’importance dans le cœur des lecteurs jusqu’à devenir de véritables mythes alors que les Vengeurs ont jusqu’à récemment eu bien du mal à enthousiasmer les foules ?
Nul doute que l’allégorie sur le racisme et la peur de l’autre que cette série véhicula dès le début dû jouer pour beaucoup dans ce phénomène : la différence du surhumain n’était ici plus ressentie comme héroïque et chevaleresque, mais douloureuse et sujette à des questionnements fondamentaux. Inconnus des lecteurs (contrairement aux Vengeurs qui réunissaient des héros déjà populaires), étranges et inquiétants (leurs pouvoirs sont la conséquence de leurs gènes et non d’un événement extérieur, ce qui est beaucoup plus troublant et qui tranche alors avec la logique de Stan Lee à laquelle s’habituaient les fans), stigmatisant des problématiques d’ordre éthique et moral (dans le sens noble du terme) par leur nature de mutants au sein d’une humanité en proie aux fantasmes de la Guerre froide, les X-men ont désorienté le lectorat. Pour mieux le happer par la suite, malgré encore quelques difficultés qui ont poussé un moment Marvel à procéder à des rééditions bimestrielles avant de donner naissance à la nouvelle équipe des seventies… Ce sera bien Claremont qui amènera petit à petit l’équipe des mutants au succès qu’elle mérite.
Ce petit rappel étant fait, penchons-nous de plus près sur l’objet de toutes nos convoitises ; car il faut bien le dire, de nombreux fans – dont je fais partie – attendaient depuis bien longtemps une telle initiative éditoriale. Vive les Intégrales de Panini, joliment présentées, et surtout non censurées (les lecteurs élevés aux publications Lug comprendront) : un rêve pour beaucoup ! L’album nous propose les six numéros parus durant cette année 1965 (accompagnés de leur couverture), mais aussi – afin de constituer un volume qui ne soit pas trop mince à cause de ce rythme initial de parution – des épisodes annexes parus dans X-Men entre novembre 1967 et août 1968.
Les scénarios de 1965 sont encore empreints de ce délicieux enthousiasme alliant invention et audace à un rythme soutenu où l’humour et la tragédie cosmique ou quotidienne s’expriment librement : c’est bien l’inégalable Stan « The Man » Lee qui est aux manettes, les enfants ! Une époque bénie où la verve de Lee s’exprime à chaque planche, portée par l’excitation du succès grandissant et de tous les territoires encore inconnus à explorer… Drôle, baroque, grave, décalé, emphatique, délicat, le style de Stan Lee ne cesse d’étonner tant il réussit à allier l’invraisemblable au quotidien le plus reconnaissable. Ce sera là son génie, rendant toutes les productions Marvel si particulières, enclines à déclencher un fort sentiment d’identification chez les lecteurs.
En 65, Jack Kirby est toujours présent sur le titre, mais plus pour longtemps. C’est en effet l’année où le King délaisse peu à peu les dessins de la série pour ne plus en signer que les esquisses de mise en scène (il quittera X-Men au numéro 17 de février 66). Nous n’aurons donc droit dans cet album qu’aux épisodes #9 à #11 signés par le maître (et encré par Chic Stone), puis, après une aventure dessinée par le légendaire Alex Toth (eh oui !), ce sera Werner Roth qui reprendra le crayon, signant « Jay Gavin ». Oui, je sais, c’est une déception pour certains, et c’est vrai qu’on remarque une nette différence entre le style dynamique, entier, incroyable de Kirby et celui de Roth, plus mou, moins flamboyant. Rappelons qu’après la période de lancement d’Avengers, Kirby avait aussi rapidement passé le relais à Don Heck, au style lui aussi plus flou. Mais… à y regarder de plus près, pour d’autres raisons… Les dessins d’un Roth ou d’un Heck n’en demeurent pas moins de formidables témoignages du style de l’époque, et l’on ne peut qu’être ravi de voir tant de belle naïveté ou de kitch piquant dans ces planches terriblement séduisantes. En fait, c’est tout simplement passionnant, et pour tout dire complètement réjouissant. Car il n’y a pas que le style : il y a ce qui est dessiné. Et là, ça décoiffe !
Ce volume est pour tout fan des X-Men un ouvrage indispensable, car l’année 1965 est celle où Stan Lee introduit des personnages emblématiques et primordiaux pour l’histoire, l’esprit et l’avenir de la mythologie mutante. Jugez par vous-même : Ka-Zar, le Fléau, et les Sentinelles, pour ne citer qu’eux ! De grands moments, donc. Pour sa première apparition, Ka-Zar a la crinière courte, le vocabulaire restreint (doux euphémisme), et le caractère proche de celui d’un Namor de bonne humeur (c’est-à-dire farouche et orgueilleux, limite exécrable, mais pour la cause légitime d’un monde en danger). Zabu est déjà là, les ptérodactyles aussi, l’Antarctique est prêt à vibrer. Nous faisons aussi connaissance en détail avec le Fléau, le demi-frère du Professeur X, dans des moments d’une grande intensité dramatique et graphique (ouh c’que ça fait peur !) ; ces épisodes nous permettent de mieux connaître le passé de ces deux hommes hors du commun. Les Sentinelles, elles, bien que déjà redoutables, nous apparaissent bien pataudes à leurs débuts (proportions du corps, visages de marionnettes, allure générale), mais c’est un régal, justement ! Nous sommes bien à l’époque des Daleks et autres robots destructeurs kitch qui ont ravi toute une génération entre rire et frayeur. Quand on pense à ce que deviendront graphiquement ces futures machines de destruction et aux angoisses qu’elles nous donneront par la suite, ça rend tout chose (et on rigole moins, d’un seul coup, là, hein ?). Le présent album nous propose d’autres moments importants, comme la décision de Vif-Argent et de la Sorcière Rouge (ahhhh, Wanda…) de quitter la Confrérie des Mauvais Mutants de Magneto, ou bien l’apparition de l’Étranger, ce puissant être cosmique qui réapparaîtra dans de grandes sagas marveliennes… Et puis, j’allais oublier ! L’album s’ouvre sur un épisode où nos jeunes mutants vont devoir se frotter aux… Vengeurs ! Règlement de compte éditorial ?
Un petit mot tout de même sur les épisodes annexes que je vous ai annoncés plus haut et qui complètent cet album : ces épisodes courts de cinq pages – à suivre – reviennent sur les circonstances qui ont fait se rencontrer le Professeur X et Cyclope, sur les origines de ce dernier, l’explication de ses pouvoirs et son statut de premier X-Man bientôt rejoint par Iceberg. Espérons que Panini poursuivra l’édition de ces raretés en complément d’ouvrage, car elles sont historiques et ont continué à se pencher sur les origines des autres X-Men ! Écrites par Roy Thomas, Gary Friedrich, Arnold Drake, et dessinées par Werner Roth et George Tuska, elles permettent de plus aux jeunes lecteurs de mieux se familiariser avec les origines de ces héros.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire que je continue… Vous aurez compris que l’acquisition de cet album patrimonial vous est fortement conseillée !!!
-SPIDER-MAN 7: L’EMPIRE (Panini Comics, 100% Marvel).
« Bonsoir. Je suis Miller Janson et vous regardez le Daily Bugle. » nous dit un présentateur télé aussi mielleux qu’insupportable dans l’une des premières planches de Spider-Man : Reign. S’il fallait encore des preuves que cette œuvre est à la fois un hommage et un écho à la création mythique de Frank Miller pour le Chevalier Noir, nous voilà servis. Et en effet, Reign est bien à Spider-Man ce que The Dark Knight Returns est à Batman. Il n’y a pas que cette private joke qui en témoigne, puisque l’ensemble de l’œuvre se tourne résolument vers cet esprit : futur proche dans un contexte politique dictatorial, héros vieillissant revenant à la charge et obsédé par les démons de son passé, révolte sociale étouffée dans l’œuf, prépondérance des médias entièrement acquis au pouvoir en place, engagement de la jeunesse et des laissés pour compte, atmosphère lourde, suintante, noire… Il est réjouissant de voir que par ce genre d’initiative Marvel et DC se renvoient des petits coups de chapeau dans leur évolution spécifique et pourtant de plus en plus concordante, mais aussi de constater comme je le disais en introduction à cette chronique que l’univers du comic book devient de plus en plus passionnant, de plus en plus adulte, fou et responsable à la fois. Car il ne s’agit pas ici de n’être qu’un pendant ou une résultante de Dark Knight : c’est bien une évolution éditoriale forte qui génère de pareilles publications. Le temps passant, Joe Quesada restera comme l’un des rédacteurs en chef les plus importants de l’histoire de Marvel. Mais je m’éloigne.
Par-delà les séries régulières, les maxi-séries, les arcs, les cycles, il y a parfois des one shots ou des mini-séries qui permettent d’explorer l’univers d’un personnage en toute liberté. C’est exactement ce qui arrive avec la mini-série en quatre parties éditée ici. Le postulat de base de Reign est que la société a cédé sa liberté à l’Empire – une faction politique dure arrivée au pouvoir – en échange de sa protection civile. Une société nouvelle est née, où il n’y a plus de super-héros ni de super-vilains, plus d’insécurité (en apparence), mais aussi plus de pensée individuelle, plus d’action civique, plus une tête qui dépasse. Et il y a Peter Parker, vieux, usé, ridé, les cheveux blancs, le corps sec et ramolli, qui tente de garder un travail pour continuer à vivre. Seul, littéralement hanté par la mort de ses proches, Parker a laissé Spider-Man au vestiaire pour des aventures de naphtaline. Et puis quelque chose se passe. Et puis ça renaît. Et le retour est douloureux mais salutaire.
Mais au-delà du thème du héros qui revient, le réel sujet du livre est la transmission du savoir et de certaines valeurs humaines de la part des anciens envers les jeunes générations (et surtout envers la génération intermédiaire, celle adulte et la plus responsable du quotidien qui se construit dans la souffrance). La comptine enfantine est ainsi analysée pour argumenter et symboliser la nature du récit : « Les comptines. Faciles à retenir, sympas à chanter. Les adultes les apprennent aux enfants. Ça parle souvent d’animaux ou d’œufs géants. Et ça prépare les petits à ce qu’ils feront toute leur vie. Souffrir. (…) Les comptines ne sont pas pour les enfants. Leur but n’est pas de calmer les bébés ou d’apprendre des jeux et des mots. Ce sont des avertissements chantés par des vieillards trop peureux pour critiquer leurs souverains. Des appels aux enfants… dans l’espoir que leurs parents entendent. Humpty Dumpty se référait à Richard III. Georgie Porgie au second duc de Buckingham. Des siècles durant, les alertes de vieillards craintifs ont amusé les enfants. Écoutez bien, petits. Écoutez la comptine. » On est bien loin de « Hé, Homme-Sable, arrête tout de suite ou je te… Aaargh ! », non ? Je trouve que de traiter de sujets aussi importants au sein de comic books de super-héros est tout à fait remarquable, passionnant, intelligent, gonflé, surtout lorsque c’est fait avec finesse et profondeur. Kaare Andrews, l’auteur de Reign (il en signe à la fois le scénario et les dessins), a réussi une œuvre forte et juste qui réussit même à aborder la sexualité des personnes âgées avec une lucidité et une âpreté de mots tout à fait incroyables. Mais il n’y a pas que ça.
N’oublions pas que Marvel entame depuis un certain temps un travail de création intense sur le canevas de notre monde actuel. Certes, il y a eu le 11 septembre 2001 (on se souvient d’ailleurs que Spider-Man avait notamment rendu hommage aux victimes de cette catastrophe), mais il y a aussi et surtout la politique intérieure et extérieure menée par George Bush et ses répercussions sur la société américaine. Il est clair que les auteurs de chez Marvel ne cessent d’explorer les paraboles sur le contexte politique américain actuel et la dangerosité de notre monde aujourd’hui. On s’en rend évidemment compte de manière à peine cachée dans Civil War, mais en y lisant d’un peu plus près l’ensemble des productions Marvel, le ton est résolument donné. La logique de Stan Lee qui consiste à intégrer les super-héros dans le monde réel atteint donc en ce moment des paroxysmes. On sent d’ailleurs que chez DC on tente tant bien que mal à se raccrocher au réel, mais cela reste évidemment difficile pour cette maison d’édition qui a pour culture un merveilleux plus symbolique qu’apte à engendrer une réelle identification du lectorat par les ramifications avec le réel – comme je le soulignais déjà plus haut. Bref. Au-delà de l’existence de l’Empire, il y a sa politique totalitaire et égoïste, jouant avec la peur du peuple en l’asservissant par des discours et des actes poujadistes et dangereusement démagogiques. Ainsi, l’Empire est à la base du projet de la « toile » (sic), un super bouclier technologique recouvrant la ville de New York pour parer à toute « menace sérieuse de super-terroristes » extérieure (ça vous rappelle quelque chose ? Mmmh ?).
Au niveau graphique et esthétique, Reign est aussi un ouvrage très intéressant. Graphiquement, le trait simple, clair et souple d’Andrews est très efficace. La facilité voudrait qu’on rapproche ici le style d’Andrews à celui de Miller – tissant ainsi un nouveau lien entre The Dark Knight Returns et Reign. Il serait plus juste de dire que si le style graphique d’Andrews tend vers la simplicité brute de Miller, son intention esthétique est sensiblement différente, plus proche par exemple de celles de Ben Templesmith dans le Fell de Warren Ellis ou de Maleev dans le Daredevil de Bendis, construisant un contraste entre personnages fantasmatiques et paysages urbains ultra réalistes travaillés d’après photos. Ici le procédé est utilisé à la limite de sa viabilité et le contraste est saisissant, puisqu’Andrews a très peu retravaillé ses photos urbaines et que le résultat visuel est souvent étonnant, naviguant au sein d’une même image non pas entre hyper réalisme et fantaise mais bien entre réalité photographique et création graphique. Un peu surprenant au départ, cette esthétique finit par nous hanter au fur et à mesure du récit. La beauté sombre de cette œuvre est aussi due aux très belles couleurs de José Villarrubia, artiste talentueux qui est parfait dans le traité des ambiances urbaines angoissantes (on se souvient de son superbe travail pour Desolation Jones, notamment).
N’oublions pas de mentionner le rôle incroyable que joue le très vieux J. Jonah Jameson dans ce récit unique, véritable perle pour tous les connaisseurs de longue date de l’univers de Spider-Man.
L’ouvrage propose – outre les quatre épisodes – les couvertures originales, des croquis d’Andrews, des recherches de couvertures et une postface de l’auteur. Dans cette postface aussi courte que poignante, Kaare Andrews rend hommage à l’un de ses amis récemment disparu et lui dédie cette œuvre puissante et remplie de questionnements sur ce qui est et ce qui n’est plus. Que dire d’autre ? Je vous envie, vous qui allez découvrir ce magnifique comic… Bonne lecture !
-LES FUGITIFS 1 : HÉROS POUR TOUJOURS (Panini Comics, Marvel Deluxe).
Soyons honnête, au départ je n’étais pas très chaud pour lire cet album. « Encore une équipe de djeun’s dans une série pour djeun’s avec des références que pour les djeun’s », pensai-je comme un vieux con bientôt quarantenaire. Et puis j’ai repensé à la très bonne surprise que j’avais eue en découvrant les grandes qualités de l’univers Ultimate. J’ai donc fini par me plonger dans ce bel album luxueux, en sirotant un soda, un pain au chocolat dans la main. Est-ce grâce à ce goûter ? Je ne sais pas, mais j’ai pris un énorme plaisir à lire cet ouvrage. Sérieusement, avec ou sans pain au chocolat, Les Fugitifs est une très bonne série qu’on dévore (hum) avec une rare délectation. C’est drôle, c’est culotté, c’est trépidant, c’est beau : une vraie réussite. Même le style d’Adrian Alphona, que de prime abord je trouvais peu original et pas forcément démentiel, se révèle être de toute beauté au fil de la lecture. La finesse de son trait et son réalisme simple confinent souvent à une pureté de ligne en tous points remarquable, et la justesse de ses dessins ne peut que forcer l’admiration. Mais tout ceci ne suffirait pas s’il n’y avait pas une bonne histoire.
Il va sans dire que le fait que soit Brian K. Vaughan qui ait signé les scénarios de Runaways est un élément déterminant dans la qualité de cette série. Car l’auteur d’Y The Last Man et d’Ex Machina fait partie des très grands scénaristes actuels avec entre autres Moore, Bendis, Ellis, Morrison ou Millar. Et c’est ce qui frappe en premier en lisant Runaways : son écriture. Une liberté de ton, une causticité souvent irrévérencieuse, un sens du mot qui fait mouche, une construction irréprochable du récit, un humour ravageur et décalé, et une profondeur parcimonieuse font de cette œuvre un vrai petit bijou. Les faits dramatiques côtoient souvent les blagues intelligemment rigolardes, les dialogues sont impeccables, l’histoire est intéressante : bravi bravo brava ! Vaughan et Alphona réussissent aussi à rendre les personnages très très attachants, ce qui est important vous le savez. La mission est même plus que réussie puisque certains personnages sont véritablement craquants et l’on se surprend à fondre littéralement pour l’une ou l’autre membre des Fugitifs (oui, une des grandes qualités de ce groupe est d’être constitué principalement de jeunes femmes, héhé). Personnellement, comment ne pas craquer pour une héroïne comme Molly, ce bout de chou à la force titanesque qui fait preuve d’une ingénuité et d’une impertinence absolument fantastiques. Pour preuve ces quelques mots tirés de la bouche de la jeune fille : « On a croisé Captain America une fois. Il nous a réexpédiés en foyer quand nos parents ont clamsé. Il pue de la gueule. », ou bien la seule parole de réconfort qu’elle donne à l’un de ses amis qui vient d’halluciner, mort de trouille : « Tu t’es pissé dessus ? ». Molly est vraiment terrrrrriblement drôle et attachante, un délice. La voir continuer de hurler comme une sale gosse face à un Wolverine au bord de la crise de nerfs qui la prie de cesser ce vacarme est un pur moment de bonheur. Il y a aussi la belle Nico, qui jette des sorts portant des noms de chansons célèbres : « Shine on, you crazy diamond » lance-t-elle à un méchant en brandissant son sceptre magique pour l’enfermer dans une structure de diamant. Et puis il y a le vaisseau des Fugitifs, une grenouille mécanique appelée pragmatiquement « Crapeau », ou cette association de réinsertion de jeunes super-héros baptisée… « Excelsior » ! Bref, il y aurait encore beaucoup d’exemples épatants à vous citer (le récit en regorge), comme ce début de combat avorté entre deux héroïnes qui découvrent qu’elles se plaisent et qui parlent de leurs cheveux (!), mais je vous laisse les découvrir par vous-même, c’est mieux !
Si l’on rit très souvent en lisant Runaways, cette série est tout sauf une farce légère. Certains moments sont même véritablement dramatiques, émouvants ou saisissants. Et les intrigues de Vaughan nous transportent aisément de surprises en doutes et autres rebondissements calculés avec acuité. Rappelons la base de l’histoire des Fugitifs : nos jeunes héros enfants du Cercle – une organisation de criminels surhumains maintenant décédés – sont devenus non seulement orphelins mais aussi des fugitifs fuyant tous ceux qui veulent les retrouver, tout en se donnant pour mission d’éradiquer une reformation possible du Cercle.
Ce premier volume des Fugitifs dans la collection « Marvel Deluxe » reprend en fait les douze premiers numéros de Runaways vol.2, les épisodes de la première série ayant déjà été édités par Panini dans trois volumes de « Marvel Mini Monster » en 2004 et 2005.
Les six premiers épisodes nous racontent comment les Fugitifs doivent appréhender un jeune surhumain qui représente un immense danger pour le futur : un récit palpitant et très riche en coups de théâtre où l’ombre de plusieurs super-vilains mythiques plane autour de l’équipe. Puis nous avons deux épisodes importants pour la constitution du groupe – dessinés par Takeshi Miyasawa – , et enfin une aventure en quatre épisodes emmenant nos jeunes héros de Los Angeles à New York pour aider leur ami la Cape qui se trouve dans une situation inextricable (« La grosse pomme, demeure de Spider-Man, Daredevil et des putains de Fantastiques ! » clâme Victor en arrivant à Manhattan).
La présente édition nous propose toutes les couvertures originales (et c’est tant mieux car elles sont tout simplement magnifiques), ainsi que de nombreux croquis et recherches réalisés par Alphona. Qu’ajouter à ça, à part que vous croiserez au fil de ces pages les New Avengers, et qu’une BD qui défend si ouvertement Mac contre les PC ne peut pas être une mauvaise bande dessinée ?
Cecil McKinley.