Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 29 OCTOBRE 2007
Notre sélection de la semaine : “ Tramp T.8 : La sale guerre ” par Patrick Jusseaume et Jean-Charles Kraehn, “ Le pont ” par Christian Durieux, et “ Geronimo ” par Joub et Etienne Davodeau
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des albums chroniqués.
“ Tramp T.8 : La sale guerre ” par Patrick Jusseaume et Jean-Charles Kraehn
Editions Dargaud (13 Euros)
Yann Calec a accepté un commandement maritime en Indochine, pays alors en plein conflit, pour se lancer sur les traces du fils d’un de ses voisins engagé dans la Légion étrangère, mais aussi pour éclaircir les derniers moments de vie de son propre père. En effet, vingt ans plus tôt, cet homme, dont il ne sait pas grand-chose, était parti dans cette contrée lointaine, après le décès de sa mère, pour y mourir dans des circonstances pas très claires. Sa rencontre avec le journaliste et écrivain Lucien Bodard (personnage ayant vraiment existé et qui fut, entre autres, correspondant de guerre en Indochine de 1948 à 1955) met notre héros sur la piste de sa dernière compagne : une ancienne entraîneuse du cabaret «L’arc-en-ciel»… La guerre, avec ses douleurs et ses incohérences, s’invite comme l’élément fondamental de cette passionnante quête du passé. Grâce à d’habiles flash-back et à une documentation sans faille, les auteurs dévoilent le fond de leur intrigue par petites touches : ils jettent ainsi quelques pistes pour le troisième et dernier volet de cette passionnante saga exotique, où le lecteur lambda apprendra beaucoup plus de choses que dans bien des livres d’Histoire, avec un grand H. Enfin, ce scénario malin et sensible bénéficie aussi du style «ligne claire réaliste» (qui frôle la perfection) de Patrick Jusseaume et de la narration limpide de Jean-Charles Kraehn, lequel utilise de nombreux récitatifs, à l’instar d’un Jean-Michel Charlier : un maître incontesté de la bande dessinée d’aventure dont le créateur de «Bout d’homme» et de «Gil St-André» est certainement, aujourd’hui, l’héritier le plus convaincant !
“ Le pont ” par Christian Durieux
Editions Futuropolis (18 Euros)
Après son poétique et ludique «Benito Mambo», l’illustrateur d’«Oscar» (avec Denis Lapière), de «Mobilis» (avec Andreas) ou de «Columbia» (avec Jean-Luc Cornette) renoue avec des travaux plus personnels, grâce à cette étonnante fable romantique, sombre et tragique, où un savant incompris et ses assistants, dérivant au milieu de la banquise, se distraient en se racontant des histoires, dans l’attente d’une mort certaine. Aventure et récit intimiste vont s’entremêler dans ce conte métaphorique où la complexité de l’être humain est soumise à la question, et où l’amour aurait pu être le vrai vainqueur de ces débats. Changeant aussi souvent de style graphique que d’univers, l’œuvre de Christian Durieux peut paraître déroutante. Elle est pourtant très cohérente quand on connaît l’inclinaison naturelle de cet auteur pour l’exploration de toutes nouvelles formes et pour les contes décalés et fantastiques. En tout cas, sa maîtrise de la narration lui permet de se creuser une voie originale, entre classicisme et modernité, où de nombreux lecteurs pourront se retrouver…
“ Geronimo ” par Joub et Etienne Davodeau
Editions Dupuis (9,80 Euros)
Délaissant quelque temps les récits engagés qui ont fait sa réputation («Rural», «Un homme est mort» ou «Les mauvaises gens»), Etienne Davodeau renoue avec la délicatesse et la légèreté de son «Chute de vélo», en s’appropriant le mythe du «bon sauvage» : un adolescent, préservé, par son vieil oncle baba cool, de tout contact avec le monde extérieur, va découvrir, peu à peu, les perversions de notre civilisation de consommation. Tout ça par la faute et l’entremise de trois jeunes de son âge, lesquels vont l’entraîner dans d’insouciantes virées en scooters… La fraîcheur et l’intelligence de ce propos sur le passage à l’âge adulte sont d’autant plus évidentes à la lecture qu’elles sont fort bien mises en valeur par un trait semi-réaliste de bon aloi, soutenu par des couleurs aussi jetées que subtiles : voilà qui pourrait s’avérer être une véritable bouffée d’air pur pour des ados qui ne savent plus que se divertir avec la masse des albums «fantasy» qu’on leur assène aujourd’hui !
Gilles RATIER