Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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« Souvenirs de Toussaint T.8 : Bleu au revoir » par Joëlle Savey et Didier Convard, « Tout doit disparaître » par Simon Hureau, « Muchacho T.2″ par Emmanuel Lepage, « Au-delà des nuages T.1 : Duels » par Romain Hugault et Régis Hautière et « Missy » par Hallain Paluku et Benoît Rivière.
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“ Souvenirs de Toussaint T.8 : Bleu au revoir ” par Joëlle Savey et Didier Convard
Editions Glénat (13 Euros)
Voici, certainement, l’ultime album de cette très belle série romanesque, hélas trop mal connue ! Crée en 1990 par Didier Convard et François Dermaut, cette belle BD humaniste fut reprise graphiquement par Joëlle Savey et son trait sensuel (en 1999) et, sur le dernier épisode, Didier Convard avait, furtivement, laissé la place à Jean-Yves Decottignies. Le scénariste du «Triangle secret» nous revient ici en pleine forme, s’occupant principalement des dialogues… Nous sommes en 1932, et nous retrouvons un héros vieilli mais encore séduisant (Toussaint était un photographe itinérant qui parcourait les routes de la France rurale et profonde du siècle précédent). Désormais, la présence du grisonnant et célèbre reporter, bien connu pour son ouvrage montrant l’horreur de la guerre à travers des portraits de poilus, est très recherchée dans les réceptions mondaines. Lors d’une de ces fêtes organisées par un député du Nivernais, le passé et la mort vont surgir pour libérer une perfide vengeance : eh oui, les riches abusent toujours des pauvres… Changeant quelque peu son style élégant (en accentuant l’impression de crayonné), Joëlle Savey a imaginé une histoire inquiétante à souhait où elle nous montre jusqu’où peut aller la folie des hommes. Tous les ingrédients pour un nouveau départ sont réunis mais cela ne suffira certainement pas pour espérer un épisode supplémentaire : aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’affronter les dures réalités économiques !
“ Tout doit disparaître ” par Simon Hureau
Editions Futuropolis (23 Euros)
Le nouvel opus de Simon Hureau (qui nous avait déjà favorablement impressionnés avec son «Colombe et la horde» chez Ego comme X, en 2004) ne comporte pas moins de 207 pages… Alors, bien entendu, il faut prendre son temps pour l’apprécier… Cependant, rassurez-vous, la narration est tellement fluide, et le dessin tellement peaufiné, que l’on ne voit pas passer le temps. Et pourtant, nous allons accompagner, pendant cette lecture passionnante, deux belles et jeunes héroïnes sur lesquelles le temps, justement, s’écoule infiniment lentement, dans leur bled perdu en Basse-Normandie, au bord de la Nationale 13. Le rythme de l’ennui tenace pesait donc sur leur ordinaire (ce constat est d’ailleurs parfaitement saisi dans les 70 premières pages) jusqu’à ce qu’elles rencontrent une ancienne skinhead : Mélusine, la nièce du marchand de journaux, installée ici pour quelques mois. A 17 ans, elle a beaucoup bourlingué, et sa maturité fascine les deux adolescentes paumées ; surtout qu’elles traînent leur mal-être avec de plus en plus de difficultés. Heureusement, avec Mélusine : plus de problème ! Pour le coup, leur vie va vraiment être pimentée… Bien entendu, le quotidien va tourner au drame, que dis-je, plutôt à l’horreur et même au «gore»… ; et c’est, peut-être là, la seule faiblesse de ce roman graphique exceptionnel : même si Hureau nous avait déjà fait le coup avec «Colombe et la horde», sa conclusion, avec ce changement catégorique d’atmosphère, est quand même beaucoup moins convaincante que les 180 pages qui précèdent !
“ Muchacho T.2 ” par Emmanuel Lepage
Editions Dupuis (14 Euros)
Rendant une nouvelle fois hommage à ses maîtres graphiques (Pierre Joubert et René Follet), le virtuose dessinateur de «Névé» et de «La terre sans mal» est au sommet de son art : il n’en finit pas d’être époustouflant, jusque dans le traitement de la couleur ! La deuxième partie de son scénario nous replonge dans l’atmosphère moite et étouffante d’un Nicaragua sous domination militaire, qu’il avait si bien rendue dans le premier tome. Son héros, jeune peintre séminariste tourmenté par la foi, la chair et la recherche picturale, s’engage aux côtés des guérilleros opposés au dictateur en place, alors qu’il est issu de la haute société et qu’il a eu une éducation bourgeoise. Perdu dans le monde des hommes, le jeune défroqué ne sait comment interpréter son attirance irrésistible pour un autre garçon et l’horreur de l’injustice. Emmanuel Lepage, en s’identifiant fortement à son héros, a pris son temps pour faire mûrir cette histoire bouleversante et grinçante, résultat d’un beau voyage introspectif et humaniste !
“ Au-delà des nuages T.1 : Duels ” par Romain Hugault et Régis Hautière
Editions Paquet (12,50 Euros)
Voici le second opus d’un dessinateur talentueux passionné par l’aviation (ses mécaniques volantes sont formidablement restituées et ses couleurs sont fort bien travaillées) et d’un nouveau scénariste talentueux que nous n’avons pas encore mis en exergue : et ce n’est qu’injustice ! En effet, son récit, très professionnel, se lit d’une traite et ravira tous les amateurs d’histoire aérienne… Pendant l’hiver 1933, un jeune pilote de l’Aéropostale survole la Cordillère des Andes. Après un problème technique, son avion s’écrase ; il est heureusement sauvé par un autre pilote qui prend, pour le sortir de là, des risques insensés. Alors que tout pourrait porter à croire qu’il s’agit du début d’une grande amitié, les deux hommes vont très vite devenir rivaux : alors qu’ils se retrouvent à l’occasion d’un meeting aérien, l’un s’aperçoit qu’il n’est pas insensible à la beauté de la fiancée de l’autre…
“ Missy ” par Hallain Paluku et Benoît Rivière
Editions La Boîte à bulles (14 Euros)
Si le dessinateur a un style agréable, tout en courbes, qui met en valeur les corps, il a pris de gros risques en ne représentant que des têtes sans visage… Cependant, ne vous laissez pas décontenancer par cette curieuse expérience graphique, «Missy» est un petit album vraiment charmeur et, finalement, le pari et le parti pris des auteurs fonctionnent à merveille ! C’est l’histoire de la rédemption ratée d’une fille de cabaret, strip-teaseuse de son état. L’originalité de son effeuillage, qui, d’ailleurs, est la clé de son succès et le clou du spectacle, c’est que ses formes sont très généreuses. Mais le matin, malheureusement, elle redevient une grosse femme dont tous les hommes se contrefichent… La narration, envoûtante et touchante, est en totale adéquation avec l’expérimentation du trait, lequel baigne dans des couleurs apaisantes : une BD vraiment étonnante à soutenir chaleureusement !
Gilles RATIER