Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 13 NOVEMBRE 2006
Encore 5 BD à lire d’urgence : “ Paroles de poilus : lettres et carnets du front 1914-1918 ” Collectif, “ Magasin général T.2 : Serge ” par Jean-Louis Tripp et Régis Loisel, “ Les enquêtes du commissaire Raffini T.9 : Le lapin bleu ” par Christian Maucler et Rodolphe, “ Dans les villages T.6 : Une fuite deux horizons ” par Max Cabanes et “ Mac Steel : a real true Hollywood story ” par Jean-Louis Marco.
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“ Paroles de poilus : lettres et carnets du front 1914-1918 ” Collectif
Editions Soleil (14,95 Euros)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’attendait pas les éditions Soleil sur ce terrain-là ! Mourad Boudjellal aurait bien pu confier ce genre de collectif pédagogique sur un sujet terrible (le quotidien de jeunes français, envoyés sur le front pendant la guerre de 14-18, vu au travers des courriers, envoyés à leurs proches, qui décrivent les conditions de vie dans l’horreur des charniers et des tranchées) à sa filiale Futuropolis, laquelle semblait plus propice à accueillir un ouvrage aussi difficile. Il n’empêche que cette adaptation du livre de Jean-Pierre Guéno (qui fut également diffusé sur les ondes radiophoniques) est une totale réussite ! Ces vingt lettres de poilus, mises en images, sont, tour à tour, tendres et touchantes, ou même drôles, parfois… On y retrouve, bien entendu de nombreux auteurs appartenant à l’écurie Soleil comme Thierry Démarez et Jean Wacquet, Denis Bajram, Franck Biancarelli, Adrien Floch, Eric Bourgier, Régis Penet et Frédéric L’Homme, Joël Parnote et Vincent Mallié, Pierre Alary, Marc N’Guessan, Farid Boudjellal… Tous rivalisent de talent et d’originalité, comme pour prouver qu’ils sont à la hauteur des autres participants invités : Lidwine, Juanjo Guardino, Jean-Philippe Bramanti, Christian De Metter, Eric Hérenguel, Cromwell, Emmanuel Lepage, Alec Séverin, Olivier et Jérôme Jouvray ou encore les stars internationales que sont Juan Gimenez ou Teddy Kristiansen. Ce très beau livre nous montre que les travaux de commandes peuvent, quelques fois, aboutir à de vrais purs moments de créativité et de bonheur pour le lecteur…
“ Magasin général T.2 : Serge ” par Jean-Louis Tripp et Régis Loisel
Editions Casterman (13,95 Euros)
Le premier tome nous avait touchés par son ambiance particulière et par la qualité performante du duo graphique. Cette seconde partie prolonge le plaisir, grâce à une accumulation de bonne humeur et de toutes ces petites choses qui nous procurent un bien-être fou. Ces personnages, isolés dans un petit village québécois, pendant les années 1920, sont tous en quête du bonheur et vont, peut-être, finir par le trouver. Dans cette nouvelle chronique intense et savoureuse, il est surtout question de bonne chair : malgré les difficultés, Marie continue à tenir le magasin général que lui a légué feu son époux et, alors qu’elle s’apprête à surmonter son premier hiver toute seule, arrive, avec les premières neiges, un curieux personnage. Ce dernier, hébergé par notre jeune veuve, va faire vivre aux villageois un réveillon gastronomique exceptionnel… Fondée sur la complémentarité de leur savoir-faire (chacun s’occupant de ce qu’il préfère réaliser : Loisel au story-board et Tripp aux finitions), l’association des deux talentueux dessinateurs est particulièrement efficace puisqu’il ne s’est passé que six mois entre ces deux premiers albums peuplés de protagonistes truculents. Enfin, le plaisir ne serait pas complet si les dialogues en québécois n’avaient pas été revus par l’autochtone Jimmy Beaulieu et si l’ambiance générale n’avait pas été enluminée par la merveilleuse et sensible mise en couleurs du non moins québécois François Lapierre…
“ Les enquêtes du commissaire Raffini T.9 : Le lapin bleu ” par Christian Maucler et Rodolphe
Editions Albin Michel (12,50 Euros)
Vous aimez les polars à la Simenon ? Vous aimez les ambiances qui ont un petit côté rétro ? Vous aimez les bons scénarios bien ficelés et les dessins réalistes expressifs ? Alors vous allez aimer les enquêtes de «Raffini», lesquelles se déroulent, la plupart du temps, dans le Paris des années 1950. Dans le 9ème épisode de cette série apparue, dès 1981 (déjà !!!), dans l’hebdomadaire Télérama, le vieux commissaire doit retrouver l’assistante d’un magicien, disparue en plein spectacle, devant les yeux ébahis des clients du cabaret «Le Lapin bleu». Notre héros va vite découvrir que la belle enfant avait une vie bien compliquée et qu’elle a filé, en douce, avec un autre homme. Peu après, le corps de la jeune femme est retrouvé, criblé de deux balles en plein coeur… L’enquête est remplie de rebondissements délectables : le talentueux scénariste Rodolphe prenant, visiblement, un malin plaisir à brouiller les pistes, sans trop embrouiller le lecteur… Ce dernier finira d’ailleurs par être complètement conquis par le trait mature et les couleurs adéquates de Christian Maucler, et refermera cet album passionnant avec regret. Voilà donc une série, trop méconnue, à soutenir absolument !
“ Dans les villages T.6 : Une fuite deux horizons ” par Max Cabanes
Editions Dupuis (9,80 Euros)
Le premier épisode de cette série mythique est paru en 1975, dans l’éphémère revue Tousse Bourin (4 n° où se révélèrent des gens comme Max Cabanes, mais aussi comme Régis Loisel et Serge Le Tendre) et fut redessiné totalement lors de sa publication dans Fluide Glacial, deux ans plus tard. Cette sorte de «Guerre du feu» «lovecraftienne», onirique et déjantée, a beaucoup évolué en 6 épisodes : deux mondes (le nôtre et celui des Merdouzils) s’y mélangeant allégrement ! En effet, le sensible auteur qu’est Max Cabanes essaye de nous démontrer que le rêve fait partie de la réalité, car on vit tous en dormant… En reprenant, pour la collection «Expresso», cette série qui lui tient vraiment à cœur, l’auteur de «Colin-maillard» ne fait pas dans la facilité narrative, continuant à projeter de rêver son devenir, comme une sorte d’auto-psychanalyse. D’autant plus que, dans les villages, les choses se compliquent : des éminents Zymphes (savants de Bézié) découvrent que leur univers n’est qu’à deux dimensions, plat comme une feuille de papier et généré par un son semblable au crissement d’une plume… Pour prouver cette théorie, la construction d’une guimbarde géante capable de reproduire ce fameux bruit semble être logique : cependant, cette expérience pourrait s’avérer catastrophique en altérant la réalité du monde «Maxcabanien»… On comprendra que certains s’y perdent et pourtant, quel talent d’écriture et quel dessin somptueux ! Max Cabanes n’accepte aucune concession,mais cela ne l’empêche pas d’être vraiment un grand du 9ème art !!!
“ Mac Steel : a real true Hollywood story ” par Jean-Louis Marco
Editions Le Cycliste (10 Euros)
Voici certainement l’un des ouvrages les plus drôles du moment : à travers une succession de témoignages pour le moins cyniques, avec des retours images sur la filmographie et la carrière d’un acteur et réalisateur d’Hollywood, Jean Louis Marco (s’éloignant ici, autant graphiquement que narrativement, de son «Rosco le Rouge», chez le même éditeur) s’amuse comme un petit fou ! Il utilise un style illustratif que l’on peut qualifier de «proche des comics et des cartoons» (on sent, en tout cas, qu’il est très influencé par les BD et dessins animés des «Simpson»), et il excelle dans des dialogues rythmés et parodiques à souhait. C’est un peu comme si on regardait les bonus déjantés d’un DVD : en étant admiratif devant les soubresauts et les fluctuations d’une biographie racontée par ceux qui ont côtoyé la star disparue et qui changent d’avis sur lui en fonction des situations ou de leurs propres intérêts. Voici enfin un ouvrage décapant, accessible au plus grand nombre, et qui devrait facilement trouver son public, tout en essayant des voies différentes que celles utilisées habituellement par les éditeurs de «mainstream».
Gilles RATIER