PLUS DE LECTURES DU 6 NOVEMBRE 2006

Et cette semaine, au rayon BD, nous vous proposons : “ Les voyages du docteur Gulliver T.1 ” par Kokor, “ Les sept nains et demi ” par Aurélien Morinière et Tarek, “ Chez Francisque ” par Manu Larcenet et Yan Lindingre, “ Dol ” par Philippe Squarzoni et “ Merci patron ” par Rui Lacas.

Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des albums chroniqués.


Les voyages du docteur Gulliver T.1 ” par Kokor


Editions Vents d’Ouest (13 Euros)


Les auteurs de BD aiment bien revisiter les classiques de la littérature populaire et cela peut, quelques fois, aboutir sur des chefs-d’œuvre. Regardez le «Peter Pan» de Loisel ! En s’attaquant au célèbre roman de Jonathan Swift, Kokor (alias Alain Koch) en propose une  version drôle et fantaisiste, en un mot : jubilatoire ! L’aimable et généreux docteur Gulliver, lequel consulte dans les quartiers pauvres d’une cité portuaire, se contente souvent d’être payé en nature, suivant les possibilités de ses clients, qui sont, pour la plupart, des marins infortunés. Il rêve souvent de voyages et l’air du large, doublé par l’appât du gain, va lui faire quitter la terre ferme, alors que son épouse est enceinte. Il ne se doute pas, alors, que, pour lui, va débuter une épopée mythique où il explorera de nouvelles contrées et découvrira des indigènes minuscules : les Liliputiens ! Après plusieurs albums remarquables comme «Balade, balade» et le trop méconnu «Le commun des mortels», cet auteur attachant nous offre une vision presque réaliste de cette aventure fantastique qu’il sublime avec un trait semi-réaliste tout à fait savoureux !


 


Les sept nains et demi ” par Aurélien Morinière et Tarek


Editions EP (9,10 Euros)


Le scénariste Tarek, avec la complicité du talentueux dessinateur Aurélien Morinière, continue à s’amuser en détournant, avec une imagination débridée, nos plus célèbres contes pour enfants. Après le très réussi «Les 3 petits cochons» paru au début de l’année, voici une réinterprétation de l’histoire de «Blanche Neige» où les 7 nains sont choisis par le comité des jeunes lectrices et lecteurs pour être les membres du jury chargé d’élire la nouvelle Princesse ! Parmi les nombreuses candidates qui montent sur le podium, celle qui remporte tous les suffrages n’est autre que la «trop belle» Amélie Blanche-Neige. Rosemonde, sa dauphine, crie au scandale et commence à fomenter sa vengeance : une pomme empoisonnée est si vite avalée… Voici une BD vraiment drôle, truffée de références accessibles aux plus jeunes, qui nous amène à nous interroger sur les dérives de la télé-réalité. Bravo !


 


Chez Francisque ” par Manu Larcenet et Yan Lindingre


Editions Fluide Glacial (11,95 Euros)


«Chez Francisque» inaugure le nouveau format (plus grand et couverture brochée) de la collection «Fluide Glacial» des éditions AUDIE : de l’humour grand public légèrement décalé. Pourtant, avec ces brèves de comptoir racistes et antisémites, lesquelles sont prononcées, par des clients totalement imbibés, dans un troquet dont l’enseigne rappelle l’emblème du gouvernement de Vichy, Yan Lindingre et Manu Larcenet jouent plutôt la carte provocation. Les discours extrêmes de leurs personnages alcoolisés et fachos partent aussi vers l’absurde grâce à l’utilisation d’un habile second degré s’imposant littéralement dans les dialogues grinçants et hilarants. Manifestement, Lindingre (par ailleurs dessinateur ayant imposé un style humoristique avec des personnages «cochonnesques») s’amuse beaucoup avec les déblatérations navrantes et homophobes, ainsi qu’avec les blagues douteuses et même assez « trash » proférées par ces piliers de comptoir. De son côté, le prolifique Larcenet simplifie extrêmement son dessin, tentant de retrouver le génie d’un Reiser : et on dirait bien que son essai est transformé !


 


Dol ” par Philippe Squarzoni


Editions Les Requins Marteaux (30 Euros)


Philippe Squarzoni est un précurseur ! Il nous a initiés à un nouveau genre de BD : l’essai politique. En effet, ses remarquables «Garduno, en temps de paix» et «Zapata, en temps de guerre» (également publiés chez les Requins Marteaux), consacrés à la mondialisation libérale, n’avaient jamais eu aucun équivalent. Cet auteur militant chez Attac, donc très engagé et partisan, nous revient avec un autre pavé didactique (284 pages en noir et blanc) où il dénonce la politique menée par le gouvernement Raffarin, entre 2002 et 2005. En s’exprimant toujours à la première personne, il mène une véritable enquête enrichie d’interviews inédites «face caméra», d’articles ou photos issus de journaux et d’allusions culturelles cinématographiques ou littéraires. Malgré son trait un peu scolaire et trop photographique, l’auteur réussit à nous captiver, et même à nous amuser, avec un sujet pourtant assez rébarbatif pour certains ou hautement polémique pour d’autres. Evidemment, ce pamphlet économique, où tout est minutieusement décortiqué et analysé, séduira d’emblée le lecteur qui se prononce contre la société libérale, laquelle s’élabore chaque jour un peu plus en France. Si ce dernier est moins convaincu par ces thèses, il aura plus de mal à accepter de suivre Squarzoni dans ses analyses et ses argumentations (quelquefois pontifiantes) sur la baisse des impôts, sur les différentes réformes concernant les retraites, la santé, l’éducation, le travail, le chômage… Sans oublier la politique sécuritaire menée par Nicolas Sarkozy et le relais médiatique dont elle a bénéficié… Reste un ouvrage original et courageux, une démarche exemplaire, et une véritable ouverture pour le 9ème art !


 


Merci patron ” par Rui Lacas


Editions Paquet (15 Euros)


Rui Lacas est un étonnant jeune auteur portugais qui nous raconte l’histoire extrêmement dure d’une famille très pauvre, pendant les années 1980, où une mère oblige sa fille à quitter l’école afin que cette dernière aille travailler pour le propriétaire de leur maison. Ce beau récit, très émouvant, est situé dans l’arrière-pays d’un Portugal qui n’était pas encore ouvert au marché européen, et où on assistait, en effet, très souvent, à ces excès d’un véritable pouvoir patronal, rappelant celui des seigneurs moyenâgeux. On ne peut qu’être touché par le propos dramatique et par l’efficacité de la narration, même si  le dessin, qui est assez simple et épais, peu rebuter les plus exigeants. Il serait pourtant dommage de passer à côté de ce portrait bouleversant qui fait partie des bonnes surprises de cette fin d’année.


 


Gilles RATIER


 

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