Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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L’humour est certainement la forme narrative la plus variée et la moins consensuelle : ce qui fait rire l’un, peut être considéré comme ridicule par l’autre, et vice et versa. Voici 5 albums récents, triés sur le volet, représentatifs des différentes formes d’humour en BD, aujourd’hui : “ Le blog de Frantico ” par Frantico aux éditions Albin Michel, “ Mister I ” par Lewis Trondheim aux éditions Delcourt, “ Les pompiers T.4 ” par Stédo et Christophe Cazenove aux éditions Bamboo, “ Carnets intimes : L’œuvre peint” par Christian Binet aux éditions Fluide Glacial et “ Le Chat T.13 : Le chat a encore frappé ” par Philippe Geluck aux éditions Casterman.
“ Le blog de Frantico ” par Frantico
Editions Albin Michel (19 Euros)
Pour certains, c’est la révélation humoristique de l’année ! Pour d’autres, c’est une escroquerie graphique et narrative. En tout cas, avec son blog où il raconte sa vie au quotidien sur Internet, Frantico aura réussi à se faire rapidement un nom dans le monde, de plus en plus grand, de la bande dessinée. N’étant pas un surfer endiablé, je n’avais aperçu que quelques pages de ce journal intime, d’une indiscrétion totale, dans L’Echo des Savanes et dans le Psikopat. Peu convaincu sur le moment, c’est avec beaucoup d’appréhension que je consultais ce gros pavé regroupant quelques mois d’histoires créées sur son blog et qui vient de sortir chez Albin Michel (l’éditeur de L’Echo des Savanes). Miracle, j’ai ri ! Certes, c’est souvent grossier et pédant, mais cette permanence d’une misère sexuelle, parfaitement assumée par l’auteur, est touchante et on comprend mieux les 8000 connections par jour et les milliers de commentaires que suscite cette autobiographie étonnante. Cette dernière est, d’ailleurs, pas si mal dessinée que l’on pourrait le croire, au premier abord, et elle bénéficie d’une sensible mise en couleur, laquelle met bien en valeur le dessin minimaliste de Frantico.
“ Mister I ” par Lewis Trondheim
Editions Delcourt (8,90 Euros)
Après «Mister O» qui explorait déjà un univers déjanté entre les dessins animés de «BipBip et le Coyote» et les films muets de Buster Keaton, Lewis Trondheim remet ça avec «Mister I», intégrant ces deux titres dans la nouvelle collection «Shampooing» qu’il dirige, désormais, chez Delcourt Jeunesse. Avec la technique du gaufrier présentant 6 cases sur 10 lignes par pages, l’auteur présente des personnages cruels qui ne pensent qu’à trouver à manger. Le dessin en hyper miniature, sans dialogues, accentue le côté absurde de ces histoires où des grands échalas et des petites patates se battent jusqu’à la mort, afin de profiter de la moindre once de nourriture. Le comique de répétition finit par marcher et l’on se surprend à sourire, et même à rire aux éclats, à la lecture de cet album qui n’est peut-être pas autant destiné à la jeunesse que la collection voudrait le faire croire.
“ Les pompiers T.4 ” par Stédo et Christophe Cazenove
Editions Bamboo (9,45 Euros)
Bamboo s’est spécialisé dans les bandes dessinées corporatistes humoristiques et celle axée sur les pompiers se détache nettement du lot, par la qualité de son scénario et l’élégance de ses dessins (tout comme « Les Profs » de Pica et Erroc, d’ailleurs !). Christophe Cazenove, en grand professionnel du scénario, alterne gags grand public et humour plus sophistiqué, et ses historiettes sont fort bien illustrées par le trait léché du Belge Stédo. Si l’originalité n’est pas de mise, l’efficacité est là et bien là ! La caricature est légèrement poussée mais on rit, sans retenue, devant les anecdotes et les interventions mises en scène dans cette petite caserne de pompiers. Bien entendu, les vrais sapeurs se délecteront aussi des mésaventures de cette brigade extrêmement attachante.
“ Carnets intimes : L’œuvre peint” par Christian Binet
Editions Fluide Glacial (19,80 Euros)
«Les Bidochon» ont 25 ans ! Pour fêter cet évènement, les éditions AUDIE/Fluide Glacial sortent un sympathique livre-objet, tout en carton, racontant le passé de Raymonde et de Robert, un coffret-intégrale contenant les 9 volumes disponibles, à ce jour, de la vie intime du célèbre couple de français moyens, et un très beau livre dévoilant la face cachée de l’auteur, dans la collection «Carnets intimes». Parodiant les livres d’art généralistes (style «Tout l’œuvre peint», recueils bien connus des amateurs et édités par Flammarion, dont Fluide Glacial n’est d’ailleurs qu’une filiale), «L’œuvre peint» de Binet permet de découvrir un aspect méconnu de l’artiste : de somptueuses peintures jamais encore exposées au public. Outre l’intérêt de cette œuvre parallèle, laquelle rappelle les tableaux de Schiele ou de Bacon, ce livre-rétrospective amusera le lecteur qui sera pourtant étonné par l’annonce du décès, en novembre 2004, d’un certain Christian Binet qui aurait dominé, pendant près d’un demi-siècle, le monde de la peinture !
“ Le Chat T.13 : Le chat a encore frappé ” par Philippe Geluck
Editions Casterman (9,95 Euros)
Voila typiquement le genre d’humour qui m’éclate ! Bien entendu, je ne suis pas le seul à être conquis par les jeux de mots, pensées profondes et autres bouffonneries de cet homme de télévision fort prisé chez Ruquier ou chez Drucker : le succès de sa BD est à la hauteur de la pertinence des avis prononcés par le personnage principal, un drôle de félin rondouillard mal fagoté dans son éternel manteau. Cette série de gags, qui se présente soit sous la forme de strips, d’un seul dessin ou de scènes en une page, a été créée, en 1983, dans le quotidien belge Le Soir et a su, depuis, conquérir toute la presse francophone. L’effet médiatique pourrait, à lui seul, expliquer ce succès mais ce serait oublier la faculté qu’a le Chat à savoir nous parler de tout et de rien, mais aussi de lui et de nous ! A l’évidence, absurde et non-sens sont encore au rendez-vous dans ce nouvel album, lequel ne déroge pas à la règle : il nous fait vraiment rire, une fois de plus !
Gilles RATIER