PLUS DE LECTURES DU 12 SEPTEMBRE 2005

Cette semaine, voici encore 5 albums à ne pas rater, dont le point commun est d’avoir un graphisme humoristique ; mais tous ne sont pas tous aussi drôles qu’ils en ont l’air : “ Les précieuses ridicules ” par Simon Léturgie [d’après Molière] aux éditions Vents d’Ouest, “ Les Profs T.8 : Fenêtre sur cours ” par Pica et Erroc aux éditions Bamboo, “ Le démon d’après midi…” par Florence Cestac aux éditions Dargaud, “ Le roi cassé ” par Nicolas Dumontheuil aux éditions Casterman et “ Ma vie en l’air” par Tronchet et Anne Sibran aux éditions Dupuis.

 


Les précieuses ridicules ” par Simon Léturgie d’après Molière


Editions Vents d’Ouest (15 Euros)


Le dialogue, c’est certainement le principal point commun entre le théâtre et la BD. Il y en aura désormais un autre : la collection «Commedia» des Editions Vents d’Ouest ! Lancé en pleine rentrée scolaire, ce nouveau label a la vocation d’adapter des œuvres classiques de théâtre, parmi les pièces les plus étudiées au collège et au lycée, afin de les mettre à la portée de tous ! Cette démarche à la fois ludique et pédagogique est due à Simon Léturgie, le dessinateur de «Polstar» et de «Spoon & White», lequel y officie comme directeur de collection et scénariste sur certaines de ces adaptations, dont «Les Précieuses ridicules» de Molière et «La farce du cuvier», comédie anonyme moyenâgeuse, qu’il illustre lui-même. La mise en images, très humoristique, part du texte intégral et, vignette après vignette, les personnages s’animent… Voilà qui risque de redonner le goût de la lecture, et de la découverte du patrimoine littéraire, à une génération plutôt acquise à la civilisation de l’image : c’est donc une initiative à soutenir absolument !


 


Les Profs T.8 : Fenêtre sur cours ” par Pica et Erroc


Editions Bamboo (9,45 Euros)


Lire le nouvel album des «Profs», c’est l’assurance de bien débuter la rentrée scolaire ! Grâce à cette série efficace, qui n’a pas d’autre prétention que de faire rire (ce qu’elle réussie parfaitement), vous allez vous replonger dans le chahut des salles de cours, les interminables réunions de classes, les délassantes cours de récréation… Un univers impitoyable finement observé par Erroc (alias Gilles Corre) et croqué d’un trait sûr et alerte par Pica (alias Pierre Tranchand), les bienheureux scénaristes et dessinateurs de ce mérité «best-seller» de la BD contemporaine (tirage de 200 000 exemplaires pour le nouvel album alors que la série a déjà été diffusée à plus de 1,5 million d’exemplaires !). La quantité de ces gags explosifs (c’est le deuxième recueil de 44 pages paru cette année) ne nuit aucunement à la qualité du contenu : on rit à gorge déployée à chaque chute de ce nouveau classique de la BD d’humour. Ce phénomène de l’édition va de paire avec celui des éditions Bamboo. Ces dernières, en quelques années (elles sont arrivées sur le marché du livre en 1997), se sont propulsées à la sixième place des plus gros éditeurs de BD francophones, représentant 3% du marché global de la BD en France. Une progression qui mérite le respect, d’autant plus que Bamboo a très bien su élargir son champ d’action avec leur collection réaliste («Grand Angle»), les comics (à partir de ce mois-ci) et les mangas (pour 2006) !


 


Le démon d’après midi…” par Florence Cestac


Editions Dargaud (13 Euros)


Après le succès de son «Démon de midi», hilarante tragi-comédie sur son propre divorce, qui fût adapté au théâtre et au cinéma, Florence Cestac nous propose, dix ans après, un irrésistible et touchant portrait de femmes célibataires dans la cinquantaine. Noémie, sympathique quinqua, seule avec deux enfants ados, passe un week-end entre copines au bord de la mer. Hélas, le temps est pourri et, entre un verre de blanc et le café, elles se mettent à discuter, de tout et de rien. Alors que les «hommes» reste quand même leur principal sujet de rigolade, ces charmantes femmes, passant allègrement du coq à l’âne, multiplient les anecdotes et les confessions sur leurs ex-maris ou copains, sur les poils superflus, sur les joies de la ménopause… ; mais aussi sur la libération de la femme, l’éducation des enfants, la mort… Sous couvert de gentillesse et d’humour, le récit de cette chouette journée entre copines nous parle, en fait, de tous nos petits travers quotidiens… Pourtant, certains vous diront que, malgré le dynamisme de ses dialogues spontanés et hilarants, les BD de Cestac c’est toujours la même chose : certes ! Ceci dit, c’est toujours avec le même plaisir que l’on retrouve son habituel regard optimiste, tendre et cynique à la fois, enveloppé d’un style graphique rondouillard aux gros nez caractéristiques : comme si Florence mettait un costume de clown pour cacher ses propres angoisses !


 


Le roi cassé ” par Nicolas Dumontheuil


Editions Casterman (15,75 Euros)


A quelques heures de l’armistice de 14-18, Simon Virjusse va être le dernier poilu victime de la guerre des tranchées, malgré tous ses efforts pour rester vivant. Juste après son décès, il revient malgré tout à lui et se retrouve face à la mort, laquelle est contrariée par cette invraisemblable tuerie et lui propose un étrange marché : remonter le temps, neuf mois en arrière, et faire comme si le conflit se continuait sans pertes humaines… Jusqu’au 11 novembre : fin officielle de cette Première Guerre mondiale ! Une fois de plus, la raison et l’absurde, ainsi que l’humour et la tragédie, s’affrontent dans ce très dense récit de 94 pages où la narration de l’auteur fait encore mouche. Alors que son graphisme évolue de plus en plus vers un style «nouvelle BD» (à la Blain, Sfar et autres Guibert), il est clair que ses scénarios, qui mettent en scène les tréfonds de l’âme humaine, sont de plus en plus carrés et efficaces ; même si le propos, lui, reste complètement surréaliste, dans la lignée de ce que pouvaient faire des gens comme Jean-Claude Forest ou Francis Masse. Après un déroutant diptyque («La femme floue»), Nicolas Dumontheuil renoue ici avec l’onirisme maîtrisé (et légèrement cynique) qui avait fait son succès sur le célèbre «Qui a tué l’idiot».


 


Ma vie en l’air” par Tronchet et Anne Sibran


Editions Dupuis (12,94 Euros)


Ce couple d’auteurs nous avait déjà concocté deux petits joyaux bédéesques assez différents («Le quartier évanoui» en 1994 et «Là-bas» en 2003) : l’occasion, pour le dessinateur de «Raymond Calbuth» et de «Jean-Claude Tergal» d’essayer des modes graphiques un peu plus réalistes, et pour la romancière, Anne Sibran, de confirmer son talent de scénariste de BD hors normes. Comme pour «Là-bas» (issu de la première tentative romanesque d’Anne), c’est Monsieur qui est à l’origine de ce bel album de la collection «Aire libre», prenant en main l’adaptation du deuxième roman légèrement autobiographique de sa compagne (au titre éponyme) : Tronchet a réalisé quelques planches dans un coin et les lui a montrées (pour la Saint-Valentin !!!). Ensuite, il a entièrement découpé l’histoire, en ne dessinant que les cases et les images pour laisser le soin, à Madame, d’écrire les dialogues. Sous la forme d’un journal intime, cette BD, à la fois poétique et horrifique, nous fait le portrait douloureux d’une fillette à l’enfance dévastée. Dans un registre bien éloigné de l’humour qui l’a fait connaître (même si, par l’épaisseur du trait, le style reste fortement caricatural), Tronchet a soigné ses couleurs et ses ambiances, lesquelles lorgnent vers un certain fantastique. Les frontières entre rêveries et réalité deviennent alors difficilement perceptibles dans l’histoire de cette fillette qui découvre qu’elle sait voler, en sautant d’un muret. Comme son environnement familial n’étant guère rassurant (elle considère ses parents comme des sortes de vampires), l’enfant cherche le réconfort dans les nuages : étonnant et bouleversant !


 


Gilles RATIER


 


 

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>