Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 28 FEVRIER 2005
Les jeunes auteurs sont de plus en plus nombreux en BD et certains livrent des ouvrages qui méritent toute votre attention car les grands de demain sont peut-être parmi eux. En tous cas, voici cinq albums dus à des nouveaux venus fort prometteurs
: “ Judith T.2 ” par Eric Godeau et Paul Oliveira aux éditions Bamboo, “ Echec & automates ” par Arnaud Quéré et Philippe Segard aux éditions Carabas, “ Maxime Murène T.1 : La vierge avortée ” par David Nouhaud et Nicolas Jarry aux éditions Delcourt, “ Sir Arthur Benton T.1 : Opération Marmara ” par Stéphane Perger et Tarek aux éditions EP et “ Claus & Simon T.1 : Rois de l’évasion ” par Daniel Acuña et Santiago Arcas aux éditions Albin Michel
“ Judith T.2 ” par Eric Godeau et Paul Oliveira
Editions Bamboo (12,50 Euros)
“ Echec & automates ” par Arnaud Quéré et Philippe Segard
Editions Carabas (11,88 Euros)
Venus du monde du jeu vidéo et de l’audiovisuel, ces deux jeunes auteurs proposent un premier album tout à fait réussi, même s’ils sont encore très influencés par les univers de Fabrice Lebeault («Horologiom») ou de Béatrice Tillier («Fées et tendres automates»). L’histoire a lieu dans une Venise asséchée où un horloger et son fils remontent les horloges de la ville. L’enfant a subit une certaine forme d’autisme qui entraîne une malformation de son visage tandis que le père semble perdu dans ses pensées, évoquant sans cesse son passé. Entre onirisme et fantastique, le récit fonctionne parfaitement et le graphisme, qui est très soigné (surtout en ce qui concerne les architectures et les cadrages), contribue largement au sentiment d’étrangeté ambiant et au plaisir de la lecture ! Ce conte moderne inventif est un prélude à des carrières qu’il va falloir suivre de près ! Merci aux éditions Carabas d’avoir su donner leur chance à ces deux nouveaux créateurs manifestement talentueux !
“ Maxime Murène T.1 : La vierge avortée ” par David Nouhaud et Nicolas Jarry
Editions Delcourt (12,50 Euros)
Comme dans de nombreuses séries TV et films récents où anges et démons s’affrontent indéfiniment sur terre, ce nouveau polar fantastique met en scène un détective de l’enfer qui accepte de retrouver la fille d’un riche industriel. Cependant, la jeune recherchée est une “Vierge en Attente de Sainteté” que l’on ne peut toucher et le patron du fin limier est mêlé étroitement à cette machination infernale. En se concentrant sur les codes du roman noir américain, s’éloignant, par ce fait, des poncifs du fantastique, le prometteur Nicolas Jarry nous donne un récit, certes assez convenu, mais dont l’intrigue est solide et bien narrée. Quant au style photographique encore un peu statique de David Nouhaud (dont c’est la toute première BD), il bénéficie d’une bonne mise en couleurs et d’un encrage discret qui convient bien à l’ambiance glaciale, style “années 1950”, décalée, mais nécessaire au scénario. Ce scénariste (mais aussi romancier de SF) et ce dessinateur ont retenus notre attention avec ce premier volume, espérons qu’ils confirmeront cet essai lors de la prochaine enquête de cet intéressant “Maxime Murène” !
“ Sir Arthur Benton T.1 : Opération Marmara ” par Stéphane Perger et Tarek
Editions EP (13,00 Euros)
A la fin de la seconde guerre mondiale, les services secrets alliés interrogent, de façon assez musclée, Sir Arthur Benton, un anglais qui aurait aidé Hitler à prendre le pouvoir en 1932. Il accepte finalement de parler mais à un seul homme : un colonel français qui le poursuit depuis 1930. A la suite du crack boursier de 1929, alors que les caisses sont vides, ce haut dignitaire de l’armée britannique a en effet manœuvré pour entretenir un climat d’insécurité, ceci afin de contrer l’avancée favorable des gauchistes dans l’opinion et de combattre l’Union Soviétique. Certes, Tarek et Stéphane Perger ne sont pas des inconnus pour les amateurs de BD mais ils sont encore jeunes dans leur pratique et cette première collaboration est aussi l’occasion pour eux de sortir un peu de l’anonymat. Tarek s’était déjà fait remarqué pour ses scénarios avec Aurélien Morinière («Demon Yäk» ou «Irial») et il livre ici une histoire dense et bien documentée. Quant au dessinateur, son style sombre et aquarellé, mis directement en couleurs, peaufine l’ambiance lourde voulue par ce nouvel éclairage de l’Histoire (avec un grand H) de ce début du XXème siècle. Bien entendu, quelques défauts de jeunesse alourdissent encore la narration mais l’ensemble est cependant très convainquant et mérite vraiment le détour.
“ Claus & Simon T.1 : Rois de l’évasion ” par Daniel Acuña et Santiago Arcas
Editions Albin Michel (12,50 Euros)
Due à deux jeunes espagnols déjantés et manifestement très doués, cette BD assez étonnante a été pré-publiée dans L’Echo des Savanes, de mai à décembre 2004. Un clown minable et une espèce de lézard à lunette ont été engagés dans une célèbre troupe qui présente des spectacles d’évasion à hauts risques. Même s’ils ne sont pas très doués, ces deux fils spirituels d’Houdini vont finir par trouver le numéro qui va les faire décoller… Hélas pour eux, tout est pourri au royaume du show-biz ! Entre règlements de comptes et paris truqués, nos deux héros se rendent compte qu’ils sont dans un foutu merdier ! La narration est nickel et le dessin hyper-réaliste rappelle un peu ce que faisait Liberatore sur «Ranxerox», en plus caricatural. Une mise en couleurs explosive permet d’apprécier mieux encore ces jeux du 22ème siècle, bien plus cruels que ceux de la Rome Antique (comme il est précisé en 4ème de couv’). Bref, une première BD à acheter les yeux fermés (ouvrez-les quand même pour trouver votre porte-monnaie…).
Gilles RATIER