Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Après les petits, les moyens et les grands, retrouvez une sélection d’albums jeunesse pour tous, avec Le monde de Franquin – l’album, Cédric n° 19 – On se calme, Petit Père Noël et le cadeau perdu et Que du bonheur, Tensions alimentaires,
4e partie : Pour tous
Le monde de Franquin, l’album, Marsu productions, 64 p, 9,99 euros.
En parallèle de l’exposition qui est consacrée à Franquin à la Cité des sciences et de l’industrie, et sans faire double emploi avec le catalogue proprement dit, les organisateurs publient sous forme d’album une série de planches et de dessins pleine page tirées d’une production multiforme, pour un public plus vaste (notamment les visiteurs de l’exposition), ou moins au fait du travail de Franquin. Reprenant la thématique du catalogue, l’ouvrage se veut davantage et mieux qu’une compilation. Par l’éclairage des temps forts de la création franquinienne (ainsi les exploits du Marsupilami, les siestes de Gaston, les idées les plus noires, etc.), ce recueil présente des extraits précisément référencées qui fonctionnent de manière autonome. Un beau moyen de s’ouvrir à une oeuvre riche et poétique.
Cédric n° 19, On se calme, Laudec, Cauvin, Dupuis, 8,20 euros.
On ne présente plus Cédric, héros des cours de récréation, qui a fait une entrée remarquée sur le petit écran. Or voici déjà 18 ans qu’est né ce gamin inventif et volontaire et 19 album plus tard, il est toujours amoureux de la petite Chen et aussi complice avec son grand-père. Ce coléreux au grand coeur, tour à tour victime ou acteur, ne cesse de provoquer d’incroyables bouleversements autour de lui. Avec ses copains et copines, il incarne bien la vitalité et la finesse naïve des gamins de son âge. Peut-être les raisons d’un succès qui ne se dément pas. Et toujours un agréable moment de lecture.
Petit Père Noël et le cadeau perdu, de Trondheim, Dupuis, 8,20 euros.
Petit Père Noël habite au Pôle nord entouré de ses lutins, et le soir de Noël, il distribue les cadeaux aux enfants. Comme il se doit. Sauf que ces archives sont formelles : un paquet retrouvé par hasard n’a jamais été distribué. Un oubli à réparer d’urgence. Ce livre d’images sans texte, à la lisibilité pourtant parfaite, est une bd accessible aux plus petits, produit du très créatif Trondheim qui ne cesse d’explorer les limites du genre et d’en redéfinir les critères. C’est vif, plein d’humour et adorablement expressif.
Enfin, il faut évoquer l’inclassable Que du bonheur, Tensions alimentaires, de Jannin, paru au Lombard, 12,60 E, qui peut se lire à plusieurs niveaux et parlera autant aux enfants qu’aux parents. Les jeunes communiquent par courriels pendant que leurs parents divorcés s’invectivent au téléphone ; ou comment une famille recomposée affronte les conflits relationnels et les incompréhensions générationnelles. Les années 1970 ont eu Lauzier, les années 1980 Brétecher ; depuis Jannin a pris le relais d’un genre conjuguant réflexion psychosociale et satire doucereuse. Dans cet album drôle, caustique et pertinent, l’auteur dresse avec brio et efficacité, le bilan d’une certaine faillite familiale actuelle. De fait, dans un univers en recomposition où chacun peine à trouver sa juste place sans renoncer à chercher son bonheur, une norme originale s’est imposée de manière rampante, inavouée, à l’encontre de tous les discours amoureux et des attentes individuelles : les familles recomposées sont dorénavant la règle, ou, résumé à la façon de Jannin, quand l’enfant vivant avec ses vrais parents devient un marginal qui inspire la pitié. Avec son sens du raccourci hérité de la caricature, son style en « ligne grasse », un emploi quasiment fauviste de la couleur, le dessin se fait expressionniste pour servir le propos. Non sans finesse, et parce qu’il ne reste bien souvent que l’humour pour décrire une complexité moderne qui, en une ou deux générations, a mis à mal tous les modèles et trompé toutes les espérances, Jannin nous renvoie le reflet de notre condition de nouveau parent, de nouvel enfant, perdu dans les contradictions d’une liberté subie autant que choisie.
BONNEE ANNEE BEDEPHILE A TOUS ET BONNE LECTURE
Joël DUBOS