Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...PLUS DE LECTURES N°57 DU 15 NOVEMBRE 2004
Et comme tous les lundis, voici votre dose de chroniques BD pour vous guider dans la production gigantesque de cette fin d’année 2005 ! Cette semaine, n’hésitez pas à jeter un coup d’œil sur : » Las Chicas T.1 : La main rouge » par Jean-Philippe Kalonji et Baloo aux éditions EP, » Gato Montes T.4 : Laetizia » par Walter Fahrer aux éditions Etoile du sud, » Allan Mac Bride T.1 : L’odyssée de Bahmès » par Patrick A. Dumas et Jean-Yves Brouard aux éditions JYB Aventures, » La petite famille T.1 : Pépé » par Marc Lizano et Loïc Dauvillier aux éditions Carabas et » Otaku » par Ivan Brun et Lionel Tran aux éditions Les Requins Marteaux.
» Las Chicas T.1 : La main rouge » par Jean-Philippe Kalonji et Baloo
Editions EP (12,50 euros)
Après un certain nombre d’albums produits chez l’éditeur suisse Paquet, Jean-Philippe Kalonji s’est associé au prolifique et talentueux Baloo pour un western pas si classique qu’il en a l’air, prévu en trois volets et édités par Emmanuel Proust. Notons que ce dernier vient également de publier un autre scénario délirant de Baloo à mettre d’urgence entre toutes les mains : “Les Couzes”, dessiné par Jürg. Pour “Las Chicas”, une aventure qui se déroule dans le Texas, en 1882, Kalonji adopte un style un peu nouvelle vague dans la lignée de ce que réalise son ami Jérôme Jouvray. Entre caricature et réalisme, il nous dépeint, de façon vive et sensuelle, le destin de deux jeunes femmes (une noire et une chinoise) qui n’avaient aucune raison de se rencontrer. Son trait particulier, fort bien mis en couleur par Anne-Claire Jouvray (qui officie aussi sur “Lincoln”), contribue au plaisir de lecture que l’on ressent dès les premières pages de cet album dont on espère avoir la suite très vite !
» Gato Montes T.4 : Laetizia » par Walter Fahrer
Editions Etoile du sud (12,50 euros)
Le dessinateur d’origine argentine, Walter Fahrer termine de belle façon les aventures de ce séduisant métis qui évolue dans l’Argentine et la Corse du milieu du XIXème siècle. L’adaptation française des trois premiers albums était parus chez Dargaud (entre 1991 et 1996) ; mais ces derniers n’avaient pas dû rencontrer le succès escompté par le tout puissant éditeur. C’est certainement pour cela que cet ultime opus, qui associe toujours les deux pays préférés de l’auteur (qui habite aujourd’hui en Corse), paraît chez un éditeur qui fait ses premiers pas dans le monde torride de la BD ! On y retrouve le style nerveux et puissant de Walter Fahrer, un admirateur du grand Milton Caniff, qui, grâce à ses rendus souples et dynamiques, enlumine superbement le destin funeste de ce héros romantique à la poursuite de sa bien aimée.
» Allan Mac Bride T.1 : L’odyssée de Bahmès » par Patrick A. Dumas et Jean-Yves Brouard
Editions JYB Aventures (12,50 euros)
Cela fait déjà plus de 20 ans que le journaliste et scénariste Jean-Yves Brouard (spécialisé dans l’aviation et la marine) et le dessinateur Patrick A. Dumas (surtout connu pour la série “Maître Berger” avec François Rivière) pensaient faire quelque chose ensemble en BD. Après diverses tentatives sans suites éditoriales, voilà enfin leurs talents respectifs unis avec cette nouvelle série où Dumas nous démontre une fois de plus (après l’excellent “Œil de Shiva” chez Semic) sa maîtrise de la « ligne claire » (en voyant son dessin on pense d’ailleurs beaucoup à Jacobs, et c’est un compliment !). Quant au scénario classique mais dense et fertile en rebondissements de Brouard (qui est également l’éditeur de cet album fort recommandable), il met en scène les aventures de l’archéologue Allan Mac Bride, lequel parcourt le monde à la découverte des traces de civilisations anciennes : une enquête policière palpitante qui flirte avec le surnaturel et fait, bien entendu, appel à l’univers de la marine !
» La petite famille T.1 : Pépé » par Marc Lizano et Loïc Dauvillier
Editions Carabas (10 euros)
Voilà une belle BD pour les enfants qui joue à fond sur la nostalgie des vacances chez les grands-parents, du temps où l’on était gamin. On pense bien sûr au «Petit Nicolas» ou au «Jojo» d ?André Geerts mais le dessin hors normes et les couleurs un peu pastels de Marc Lizano rendent d’emblée le propos original, d’autant plus que Loïc Dauvillier (habituellement responsable des éditions Charrette) se révèle un habile conteur doté d’une narration fluide et efficace. Bref, l’album est une bonne surprise et permet à la collection «Crocodile» des éditions Carabas de se placer sur le terrain de la BD pour les petits qui ne prend pas ses lecteurs pour des idiots (un peu comme ce que fait Delcourt avec son département jeunesse). Il ne reste plus qu’à espérer que ce charmant opus ne se perde pas dans la masse inconséquente des parutions BD de ces derniers mois !
» Otaku » par Ivan Brun et Lionel Tran
Editions Les Requins Marteaux (14 euros)
Dans la même collection (nommée audacieusement «Hors-Collection») que les essais politiques en BD de Philippe Squarzoni, voici un album singulier qui aborde de manière explicite le désinvestissement de toute une génération dans la vie collective. Dans un futur que l’on devine assez proche, un couple de jeunes chômeurs japonais se retrouve coincé dans une France paralysée par les grèves. Pourtant, on annonce la suppression des aides sociales dans l’indifférence générale ! En fait, les gens sont beaucoup plus intéressés par l’apparition d’un jeu vidéo au réalisme troublant comme le prouvent nos deux «héros» qui passent le plus clair de leur temps dans leur chambre, jouant devant un écran ou filmant leurs ébats sexuels : rêves, images numériques et actualités télévisées vont prendre, petit à petit, le pas sur la réalité. Réalisé avec le peintre lyonnais Ivan Brun (au trait fouillé oscillant entre mangas, comics et nouvelle BD), ce récit dérangeant et très bien maîtrisé, signé par le scénariste eurasien Lionel Tran, s’aventure sur le terrain de la satire sociologique sous couvert d’un terrifiant récit d’anticipation.
Gilles RATIER