En ces temps de Tournoi des six nations en rugby et de Ligue des champions de football, les amateurs de sport peuvent prolonger leur plaisir à la lecture deux bandes dessinées finalement complémentaires : le gaguesque 23e volume de la série à succès « Les Rugbymen » et le fort bien documenté « Une histoire populaire du football ». Deux ouvrages qui plairont aussi assurément à ceux que le sport n’intéresse que moyennement.
Lire la suite...Deux bandes dessinées pour se plonger au cœur de la mêlée de rugby et de l’histoire populaire du football…
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En ces temps de Tournoi des six nations en rugby et de Ligue des champions de football, les amateurs de sport peuvent prolonger leur plaisir à la lecture deux bandes dessinées finalement complémentaires : le gaguesque 23e volume de la série à succès « Les Rugbymen » et le fort bien documenté « Une histoire populaire du football ». Deux ouvrages qui plairont aussi assurément à ceux que le sport n’intéresse que moyennement.
Laurent Turpin signalait dans le Zoom sur les meilleures ventes du 12 février que le 23e album de la série « Les Rugbymen » avait fait une entrée remarquée à la 5e place des meilleures ventes de la semaine. Il célébrait ainsi cette réussite éditoriale : « « Allez, les petits ! » : la célèbre phrase du non moins célèbre commentateur sportif Roger Couderc, décédé en 1984, résonne tous les ans au moment du tournoi des six nations (130 millions de téléspectateurs, tout de même !), période habituelle de sortie du nouvel opus des « Rugbymen » : la très humoristique série du scénariste BeKa (Bertrand Escaich et Caroline Roque) et du dessinateur Poupard consacrée à la passion du ballon ovale. Dans leur 23e recueil, intitulé « Cet après-midi, vous avez carte bleue ! », on retrouve l’amusant quotidien des joueurs de Paillar et notamment leur virée en montagne pour un séjour de ski. Tiré à 60 000 exemplaires par les éditions Bamboo, le titre s’empare de la 5e place du « Top 20 BD ».
Le 23e tome reprend les mêmes recettes que les précédents. À Paillar, petit village du Sud-Ouest, la vie continue de tourner autour du ballon ovale. Les anciens en parlent, les jeunes s’entrainent la semaine et tout le monde se retrouve au stade le dimanche en famille, car tout le village apprécie le rugby et ici même les mémés « aiment la castagne » comme le chantait Claude Nougaro.
L’équipe du PAC est composé d’une joyeuse bande d’amis. On distingue les très gourmands premières lignes Jeannot Lepilar (dit la Couâne) et Jérôme Lenclume (dit Loupiote), les massifs Frédéric Castagne (dit l’Anesthésiste) et Jonas Frilung (dit le Sécateur), le demi de mêlée Hervé Gueulard (dit la Teigne) est souvent victime de blessures, alors que les beaux garçons se retrouvent dans la ligne de trois-quarts : Thomas Laguibole (dit Bourrichon) ou Hugues Cap (dit l’Ingénieur). Les jeunes filles ne sont pas oubliées, elles ont intégré depuis quelques volumes l’équipe des Paillettes.
Les gags sont évidemment inégaux, les clichés parfois très appuyés, mais le dessin plaisant de Poupard donne vie à un petit groupe sympathique. La pratique du rugby permet de développer une complicité bon enfant entre joueurs costauds et l’ensemble de la communauté villageoise. Cette série satirique jamais méchante, toujours savoureuse, rencontre un succès mérité, d’autant que chaque vignette est riche en détails parodiques et ironiques pour qui connaît un peu les fondamentaux de ce sport pour brutes pratiqué par des gentlemen : publicités pour les pompes à vélo Moscato ou BAAF assurances, les livres « Tiens voilà du Blondin » ou « Herrero rocher », sans oublier le café L’Albala-Digeo. Les amateurs apprécieront.
Si vous vous voulez en savoir davantage sur les secrets de fabrication de la série, nous vous renvoyons à l’interview des scénaristes, les BeKa, « Be » pour Bertrand Escaich, « Ka » pour Caroline Roque, sur notre site ici.
Concernant le sport collectif rival du rugby en France : le football, et dans un style complétement différent, nous vous conseillons la lecture de « Une histoire populaire du football ». Une bande dessinée de 144 pages qui retrace une histoire des hommes et des femmes du peuple qui ont diffusé et fait aimer ce sport, devenu le plus populaire au monde au XXe siècle. L’ouvrage est une adaptation de l’essai éponyme de 2018 du journaliste à Mediapart Mickaël Correia.
Spécialiste des classes populaires et de leurs cultures, il rappelait que le football ne se résume pas au foot-business, mais que, depuis son origine, c’est un puissant instrument d’émancipation pour les ouvriers, les femmes, les jeunes des quartiers populaires ou les protestataires du monde entier.
Scénarisée par Jean-Christophe Deveney, la bande dessinée est divisée en huit chapitres qui abordent la thématique par ordre chronologique : « Origines », sur la naissance médiévale de ce sport de balle, « Réappropriation », sur son développement dans la classe ouvrière anglaise au XIXe siècle, « Internationalisation » sur son extension mondiale au XXe siècle, « Emancipations » ou les débuts du football féminin en Angleterre et en France et les premiers pas de ce sport dans les colonies européennes, « Résistances » autour des actes d’oppositions dans les stades aux régimes totalitaires nazi et soviétique, « Indépendances » sur les débuts du football au Cameroun et les premiers sacres du Brésil au tournant des années 1950-1960, « Ferveurs », le mot qui convient pour la carrière de Diego Maradona, et « Révolutions » qui détaille le rôle du football lors du printemps révolutionnaire de 2011 en Egypte et le développement actuel du football féminin.
L’ouvrage se lit d’une traite, le propos est clair, mis en images de manière lisible et dynamique par Lelio Bonaccorso. Même le passionné de football apprendra énormément de faits sur son sport de prédilection. Les auteurs contextualisent sans lourdeur chaque chapitre. De quoi se passionner pour cette contre-culture footballistique : des vers de Ronsard dans « Le Bocage royal » en 1584 : « Faire d’un pied léger poudroyer les sablons, Voir bondir par les près l’enflure des ballons » aux actes de résistance contre le nazisme du Mozart du football, le Viennois Matthias Sindelar, ou de la citation ironique d’Oscar Wilde : « Le football est un jeu pour jeunes filles rugueuses, mais peu recommandé aux garçons délicats » à l’action émancipatrice d’Alice Milliat pour le football féminin dans les années 1920.
Les auteurs rappellent que loin des débordements des hooligans, le football peut être généreux, subversif et émancipateur.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Rugbymen T 23 : Cet après-midi, vous avez carte bleue ! » par Poupard et Beka
Éditions Bamboo (11,90 €) – EAN : 9791041109319
Parution 29 janvier 2025
« Une histoire populaire du football » par Lelio Bonaccorso et Jean-Christophe Deveney, d’après Mickaël Correia
Éditions Delcourt (23,75 €) – EAN : 9782413080305
Parution 22 janvier 2025