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Rodolphe et Griffo tentent de revendre la main du diable !

29/01/2025
Par Gilles Ratier

Joli coup pour le « jeune » éditeur belge Nicolas Anspach qui vient d’ajouter, à son catalogue, son trentième album produit : et ce dernier est signé de deux auteurs majeurs du 9^e art, garants d’une bande dessinée traditionnelle de qualité, comme nous l’aimons sur BDzoom.com ! « La Main du diable » est inspirée d’une ancienne légende allemande, reprise entre autres par le grand écrivain écossais Robert Louis Stevenson, lequel est l’un des protagonistes de ce brillant one-shot teinté d’ésotérisme où un homme, manifestement très fortuné, et admirateur de son œuvre, lui raconte comment il a vu tous ses vœux s’exaucer, après avoir acheté pour rien la main du diable. Seulement, voilà, avec Satan, rien n’est jamais gratuit !

En cette année 1892, l’auteur de « LÎle au trésor » ou de « L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde » rencontre donc un certain Charles Dawson, à bord du bateau vapeur Caldonia qui fait route vers San Francisco. L’homme, qui réside à Honolulu, ne se fait pas prier pour lui raconter comment il a étrangement pu devenir aussi riche, alors, qu’à peine un an auparavant, c’était un joueur ruiné, poursuivi par les créanciers. Même si le nouveau Crésus en ignore encore la conclusion, cette incroyable histoire attise la curiosité de Stevenson…

En effet, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, Dawson n’a pas fait d’héritage et ne s’est pas non plus tué à la tâche pour accumuler son immense richesse : il a simplement acheté, pour une somme dérisoire (qu’il a récupérée aussitôt l’accord conclu), une main momifiée qui serait celle du diable et qui réalise le moindre des vœux de quiconque la possède. Or, si la relique lui a apporté santé, fortune et amour, il doit toutefois la revendre moins cher qu’elle n’a été acquise avant son décès, sinon il sera bon pour la damnation éternelle…

C’est donc le thème d’un récit légendaire germanique repris par le dramaturge anglais Richard Brinsley Peake, puis par Stevenson dans l’une de ses nouvelles publiées en 1891, sous le titre « The Bottle Imp » : traduit en français « Le Diable dans la bouteille » ou « La Bouteille du diable », voire « Le Diable en bouteille » pour la version cinématographique de 1935.

Ce n’est pas la première fois que le prolifique et toujours intéressant scénariste Rodolphe (1) représente en BD le célèbre écrivain britannique dont il est, lui aussi, un inconditionnel : notamment dans l’excellent « Stevenson, le pirate intérieur » mis en images avec maestria par René Follet pour un album remarqué de la collection Aire libre chez Dupuis. Ce n’est pas non plus sa première collaboration avec le Belge Griffo (2), Werner Goelen de son vrai nom, dont le trait caractérisé par sa précision et son dynamisme a pu, par exemple, s’illustrer sur leurs séries communes (« L’Oracle della luna » en 2012, « Dickens & Dickens » en 2017, « Iruène » en 2022 ou « Utopie » en 2023), ou encore sur de mémorables bandes dessinées comme « S.O.S. Bonheur », « Beatifica Blues », « Giacomo C. », « Samba Bugatti »…

Tout semble donc réuni pour que cette subtile adaptation romancée aux accents faustiens soit une réussite, ce qui est effectivement le cas, comme si nos deux auteurs y avaient mis le meilleur d’eux-mêmes : la narration et le graphisme étant exemplaire de lisibilité !

Gilles RATIER