« 1629 » : Jéronimus Cornélius, un psychopathe aux tréfonds de l’horreur…

Deux ans après la publication remarquée en 2022 du premier opus de « 1629 : l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (1), voici la seconde partie : laquelle devrait combler ceux qui se sont passionnés pour ce formidable thriller maritime. Un huis clos éprouvant — inspiré aux auteurs par une histoire vraie déjà adaptée en BD par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch (2) — qui renoue avec les grandes séries d’aventures exotiques…

Le 28 octobre 1628, le Jakarta, le navire amiral de la Vereenigde Oost Indische Compagnie (Compagnie hollandaise des Indes orientales) quitte Amsterdam en direction de Java. Plus de 300 personnes, passagers et membres d’équipage, sont à bord du navire, qui transporte la plus grosse quantité d’or jamais convoyée par la compagnie. Francisco Pelsaert, le capitaine du Jakarta, est secondé par Jéronimus Cornélius : un apothicaire ruiné dont le seul but est de s’emparer de l’or. Le 4 juin 1629, le navire sombre après avoir heurté des récifs au large des îles Abrolhos : au milieu de nulle part et à des milliers de kilomètres de Java. Réfugiés avec le trésor sur un îlot désertique, les naufragés tentent de survivre,alors que Pelsaert fait route vers Java à bord de la grande chaloupe du Jakarta, afin de chercher de l’aide. Devenu seul maître de l’îlot, Jéronimus n’a qu’un seul but : se débarrasser un à un des survivants et attendre avec ses fidèles l’arrivée des secours. Face aux atrocités imaginées par le psychopathe, seule résiste Lucrétia Hans — une riche passagère —, avec l’aide du gabier Wiebbe Hayes. Amoureux de la blonde Lucrétia, Jéronimus est prêt à toutes les perversions pour obtenir sa reddition. Tenaillés par la faim et la soif, les survivants hésitent entre combattre aux côtés de la jeune femme ou rallier les adeptes du bourreau. Le retour de Pelsaert à bord du Sardam annonce la fin des hostilités, mais aussi le début d’un long procès orchestré par la puissante VOC, qui exige des aveux. Sur les 322 âmes embarquées sur le Jakarta, seules 86 survivront, dont cinq femmes et trois enfants… et 6 000 florins en or et bijoux.

Respectant les faits réels tout en s’accordant quelques libertés avec l’horreur des crimes commis par Jéronimus Cornélius, Xavier Dorison propose un récit impressionnant de réalisme, aux protagonistes malheureusement crédibles dans leur atrocité. Ses dialogues — d’une rare justesse — sont magnifiés par les dessins lumineux de Thimothée Montaigne qui fleurent bon le grand large. Ses personnages aux trognes impeccables accentuent les scènes dramatiques qui jalonnent cette histoire. Quelque 136 pages intenses pour un album hors norme ! Les couleurs soignées de Clara Tessier ajoutent une note d’exotisme aux superbes noirs et blancs du dessinateur virtuose.

Né à Paris le 8 octobre 1972, Xavier Dorison est diplômé de l’École supérieure libre de sciences commercialesappliquées. C’est en 1997 qu’il signe « Le Troisième Testament » avec Alex Alice, aux éditions Glénat. Ce succès lui permet d’enchaîner les projets : « Prophet » en 2000, puis « Long John Silver » en 2007, avec Mathieu Lauffray ; « Sanctuaire » en 2001 avec Christophe Bec ; « W.E.S.T. » avec Christian Rossi ; « Undertaker » avec Ralph Meyer et « Aristophania » avec Joël Parnotte en 2017 ; « Le Château des animaux » avec Félix Delep en 2019… On lui doit aussi l’adaptation pour le cinéma des « Brigades du Tigre » et il participe brièvement à « Thorgal » avec Fred Vignaux. Script doctor pour le cinéma, Xavier Dorison est un scénariste de premier plan dont la production demeure raisonnable et toujours de qualité.

Né à Roubaix le 14 juillet 1982, Thimothée Montaigne étudie le dessin à l’institut Saint-Luc de Tournai, puis aux cours Pivaut de Nantes. Il publie ses premiers albums aux éditions Soleil : « Le Cinquième Évangile » avec Jean-Luc Istin, puis « Malicorne » avec Jérôme Le Gris. Il reprend « Julius » (le préquel du « Troisième Testament »), ainsi que « Le Prince de la nuit » d’Yves Swolfs, à partir du huitième volume. Depuis 2020, il travaille sur « 1629 » avec Xavier Dorison.

Le prix de cet ouvrage de 146 pages pourra sembler élevé. Mais il faut tenir compte de l’investissement représenté — pour des auteurs — par une production de plus de 300 pages demandant trois années de travail acharné, mais aussi pour l’éditeur qui fait le pari osé de la création de deux albums luxueux au dos toilé, offrant le meilleur écrin possible à l’œuvre. On ne peut que saluer !

Henri FILIPPINI

(1)  Voir sur BDzoom.com : « 1629, ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » : voyage au bout de l’amer….

(2)  Voir sur BDzoom.com : Noël 2024 : quelques beaux ouvrages pour les fêtes de fin d’année…« Jeronimus » T3Encore plus de lectures BD, juin 2009, Plus de lectures BD du 27 avril 2009Plus de lectures BD du 21 avril 2008 et Jean-Denis Pendanx, la révélation graphique.

« 1629 T2 L’Île rouge » par Thimothée Montaigne et Xavier Dorison

Éditions Glénat (35 €) — EAN : 9 782 344 058 138

Parution 13 novembre 2024

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