Pour ses 39 ans, le festival de Colomiers offre des rencontres incontournables avec la bande dessinée indépendante, notamment avec Jérémie Moreau…

Du 15 au 17 novembre, se déroule le très attendu festival de Colomiers, près de Toulouse. Près de 20 000 visiteurs sont attendus lors ce lieu de rencontre essentiel de la bande dessinée indépendante : un festival connecté au monde, engagé qui combat le racisme, l’antisémitisme et toute forme de discriminations. BD Colomiers est aussi l’occasion de mettre en avant le travail de jeunes auteurs qui, comme Jérémie Moreau, entendent témoigner de la transition écologique. Nous vous parlerons donc aussi de la dernière bande dessinée de l’auteur primé à Angoulême : « Alyte » : un touchant récit d’initiation animalier.

Dans la banlieue toulousaine, en ce mois de novembre, a lieu depuis près de 40 ans le festival de bande dessinée de Colomiers. Primé, il y a peu du Prix de l’action littéraire organisé par la SOFIA (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit) dans la catégorie engagement, BD Colomiers entend mettre en valeur la bande dessinée indépendante dans toute sa diversité. Sa programmation est éclectique et innovante, et ce avec une politique tarifaire accessible à tous : 3 € l’entrée au hall Comminges avec de nombreuses possibilités de gratuité, la culture y est donc à portée de tous.

Pendant trois jours, vous avez ainsi accès à des expositions, notamment celle consacrée à l’éditeur canadien Drawn & Quaterly (qui propose, dès les années 1990, des livres d’auteurs aux regards critiques sur le monde comme Julie Doucet, Joe Matt, Seth ou Chester Brown), des spectacles, des ateliers créatifs, des séances de cinéma et évidemment de nombreuses rencontres.

Un invité à particulièrement retenu l’attention des organisateurs et la nôtre par voie de conséquence : Jérémie Moreau.

Vous pouvez voir une partie de ses œuvres dans l’exposition Cohabiter avec le vivant au pavillon blanc Henri Molina, assister au BD-concert autour de son œuvre primée au FIBD d’Angoulême (« La Saga de Grimr ») ou venir à la rencontre organisée dimanche à 11 h avec l’autrice Marine Schneider autour de la thématique de la transformation des représentations de l’écologie. Tous les renseignements utiles sont disponibles sur le site dédié bdcolomiers.com.

Nous profitons de cette mise en avant à Colomiers pour nous intéresser à « Alyte »  la dernière bande dessinée publiée de Jérémie Moreau. L’auteur, né en 1987, s’est fait remarquer très jeune par la qualité de son œuvre. Nous le suivons attentivement depuis « Le Singe de Hartlepool » sur un scénario de Wilfrid Lupano. Suivent les publications de « Max Winson », « Tempête au haras », « La Saga de Grimr » (Fauve d’or au FIBD d’Angoulême 2018), « Penss ou les plis du monde », « Le Discours de la panthère », « Les Pizzlys », « La Chambre de Warren » et donc « Alyte ».

« Alyte » est une bande dessinée de plus de 300 pages superbement éditée par les éditions 2024. C’est une fable animalière autour de la vie d’un jeune têtard, puis crapaud nommé Alyte. Alyte c’est l’autre nom du crapaud accoucheur ainsi nommé, car c’est le mâle qui entortille les œufs produits par la femelle autour de ses pattes arrière pendant la ponte, cela signifie aussi « qui ne peut être délié » en grec ancien. Tout fait sens dans ce récit initiatique poétique et philosophique. Cela commence quand un crapaud qui porte son chapelet d’œufs est écrasé en traversant une route. Il poursuit mourant sa route vers la rivière la plus proche où un seul œuf, indemne, éclot. Alyte est ce têtard survivant qui doit se battre pour survivre. Son premier ami, Iode le saumon, lui prodigue de judicieux conseils qui lui sont utiles tout au long du périple qu’il entame. Il multiplie par la suite les rencontres : lézard, chevreau, aigle, hibou, corbeau et enfin Axon le plus vieil arbre de la forêt.

Nous retrouvons, dans « Alyte », les thématiques chères à Jérémie Moreau autour de l’écologie : du danger mortifère de la présence des hommes à un engagement pour la survie des espèces et de la beauté du vivant sous toutes ses formes à la nécessaire protection de celui-ci. Ce puissant hymne à la vie tire sa force du fait qu’il procède du point de vue animal.

Le candide têtard confronté à un monde dangereux, mais protégé par des amis de toutes espèces entame au fur et à mesure de ses expériences des réflexions de plus en plus poussées sur sa raison d’être, le sens à donner à toute existence et, in-fine, sur l’acceptation de la mort et  la finitude de toute chose.

Le propos ainsi présenté peut apparaitre un peu abscons, il est pourtant accessible aux plus jeunes par la linéarité du récit et un trait rond aux couleurs douces et fluo. L’artiste s’en explique ainsi : « Le parti pris fluo, ce choix de couleurs numériques, ultra synthétiques peut paraitre paradoxal pour une BD écolo. Mais si on réfléchit, la vision des insectes est complètement psychédéliques et se rapproche sans doute plus de ce que je montre, que notre vision naturaliste. »

Alors que l’auteur s’est inspiré de nombreux textes philosophiques (Deleuze, Jakob Johann von Uexküll ou Nietzsche), son message peut se lire avec une grande facilité à partir notamment de belles séquences métaphoriques. « Alyte » est, s’il en était encore besoin, l’affirmation d’un véritable auteur au message clair, au dessin et à la narration virtuoses.

Laurent LESSOUS (l@bd)

Festival BD Colomiers du 15 au 17 novembre 2024

« Alyte » par Jérémie Moreau

Éditions 2024 (28,00 €) – EAN :  978-2-383871-02-6

Parution 5 novembre 2024

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