Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Capitaine Flam est de retour dans notre galaxie…
Avis aux nostalgiques : après Albator, Saint Seiya et Goldorak, c’est le capitaine Flam qui nous revient en bande dessinée au sein de la collection Classics des éditions Kana. Le héros du dessin animé culte est le personnage central d’un album inédit et cependant respectueux de l’œuvre originale. Sylvain Runberg et Alexis Tallone nous permettent de goûter de nouveau aux délices de ce space opera intemporel.
Dans un futur plus ou moins lointain, un célèbre couple de scientifiques revient d’une mission sur la station de recherche stellaire pour présenter leur dernière découverte. Elaine Newton et William Carton Newton dévoilent, devant une foule de journalistes, deux androïdes dotés d’une puissante intelligence artificielle : Crag, qui dispose d’une force surhumaine en étant doté de patience et d’empathie, et Mala, dont la chair synthétique lui permet de changer de forme et d’apparence à volonté. Pour tous les présents, c’est une étape importante vers un monde meilleur, notamment pour le professeur Simon Wright qui, atteint d’une maladie dégénérative, a transféré son cerveau dans un module antigravité.
Mais cela déplait à certains politiciens démagogues comme l’intégriste Victor Corvo. Celui-ci décide de détruire les scientifiques et les androïdes à coup de missiles anti-G. La station détruite, les époux Newton morts, seuls leur survivent leur fils Curtis, le professeur Wright et les deux robots humanoïdes. Crag et Mala ont juré à sa mère que l’enfant grandira dans ses valeurs : la soif de connaissance et la justice.
25 ans plus tard, Curtis est devenu un beau jeune homme doté d’un tempérament calme et réfléchi. Il se distingue par ses connaissances scientifiques, son courage et sa détermination. Sa chevelure rousse lui a valu le surnom de Capitaine Flam. L’action ne le rebute pas, ainsi est-il tout de suite partant pour une mission difficile sur la planète Dénef. La planète qui accueille une prison de haute-sécurité est ravagée par une terrible épidémie. Les hommes subissent d’effroyables mutations provoquées, d’après certains témoins, par un mystérieux Empereur éternel.
Le président du gouvernement intersidéral lui adjoint Johann Landor. Elle est l’une de leurs meilleurs agents, mais se méfie du Capitaine Flam qu’elle considère comme un paria incontrôlable. Sur Dénef, le Capitaine Flam et sa petite équipe trouvent une situation tendue : des humains terrorisés par des mutations incontrôlées et les Mégariens : une race autochtone méprisée, qui semble prête à se rebeller. Toujours hanté par le traumatisme de la perte de ses parents, Curtis Newton entame une mission périlleuse au risque de perdre son âme…
À l’origine, il y a une série de romans et nouvelles d’Edmond Hamilton. Cet écrivain américain est le fondateur d’un sous-genre de la science-fiction appelé à un grand avenir : le space opera. À partir de 1940, il publie les aventures de Capitaine Futur. Son héros connait une deuxième jeunesse à partir de 1978, quand le studio japonais Toei Animation adapte ses aventures en dessin animé sous le titre de Capitaine Flam. Dès 1981, la série connait un énorme succès en France, en étant diffusée toutes les semaines dans l’émission « Les Visiteurs du mercredi ». Le texte d’accroche a marqué toute une génération : « Au fin fond de l’Univers, à des années et des années-lumière de la Terre, veille celui que le gouvernement intersidéral appelle quand il n’est plus capable de trouver une solution à ses problèmes, quand il ne reste plus aucun espoir : le Capitaine Flam ! » Sans oublier la célèbre chanson du générique qui commence par ces fortes paroles : « Capitaine Flam, tu n’es pas de notre galaxie, mais du fond de la nuit, d’aussi loin que l’infini, tu descends jusqu’ici pour sauver tous les hommes. Capitaine Flam, tu n’es pas de notre voie lactée, mais tu as traversé cent mille millions d’années pour sauver de ton bras les gens de Mégara… »
Les éditions Kana ont pris l’excellente habitude d’adapter en bande dessinée les classiques des animés japonais des années 1970/1980 dans la bien nommée collection Classics ! Après « Albator », « Saint Seiya » et le remarquable « Goldorak » (dont nous vous avons vanté la qualité dans cet article), ils ont demandé au duo Sylvain Runberg-Alexis Tallone de travailler au retour de la vedette des mercredis après-midi des jeunes dans les années 1980 : le sage et courageux Capitaine Flam. Après réflexion, ils n’ont pas créé un nouveau récit, mais ont actualisé le début de la série en en respectant les codes. Ils s’adressent ainsi à un large public, selon le scénariste : « Des enfants qui ont découvert la série dans les années 1980 et sont devenus depuis des adultes à une génération plus jeune, qui a grandi avec les mangas et les animés, mais qui n’a pas forcément connu le Capitaine Flam » Objectif atteint avec ce bel album de 165 pages en couleurs qui reprend le premier épisode de la série en le modernisant sans le dénaturer.
Sylvain Runberg réussit son pari avec une nostalgie revigorante. Les scènes d’action succèdent à des séquences dialoguées avec justesse, dans lesquelles sont abordées de belles thématiques : de l’apport de l’intelligence artificielle aux dangers du génie génétique, de l’ambivalence de la notion d’humanité avec des androïdes sentimentaux aux dangers d’un intégrisme populiste ou des rapports entre le corps physique et la conscience aux conséquences nauséabondes d’un colonialisme qui ne s’assume pas. La partie graphique est du même niveau. Le concepteur graphique et storyboarder Alexis Tallone a un trait efficace, proche de la série qui a marqué son enfance, mais plus actuel, réhaussé par toute une gamme de couleurs numériques. Un travail efficace, assurément.
La nostalgie est toujours ce qu’elle était : un bon moyen de doper la créativité des auteurs et de raviver de doux souvenirs pour les lecteurs les moins jeunes et des plaisirs nouveaux pour les plus jeunes.
Laurent LESSOUS (l@bd)Â
« Capitaine Flam T1 : L’Empereur éternel » par Alexis Tallone et Sylvain Runberg
Éditions Kana, collection Classics (24,90 €) – EAN :  978-2-5051-1222-8
« Capitaine Flam T1 : L’Empereur éternel » édition collector, par Alexis Tallone et Sylvain Runberg
Éditions Kana, collection Classics (33,00 €) – EAN : 978-2-5051-2943-1
Parution 27 septembre 2024