La 8^e symphonie inachevée de Schubert en images avec « L’Onde »…

Il y a de belles initiatives culturelles aujourd’hui pour réunir différents domaines artistiques, avec des réussites indéniables concernant le 9^e art associé à la musique. Ainsi, les éditions de la Gouttière réitère leur travail avec l’orchestre national de Picardie. Après « Les Vies dansent » à partir de la 7^e symphonie de Beethoven, « À l’unisson » et « Le Chemin vers Pépé » – inspirés par les 40^e et 35^e symphonies de Mozart – « L’Onde » est une bande dessinée muette inspirée de la 8^e symphonie de Schubert. L’album peut se lire en silence, mais on peut aussi en partager la lecture avec ses enfants ou, mieux encore, le feuilleter en musique.

Dans le monde du silence des fonds marins, la quiétude des poissons est troublée par la survenue d’une scaphandrière agressive. Avec son harpon lance-filet, elle capture un maximum d’animaux marins dans un but lucratif. Elle recherche la prise qui lui rapporterait une belle somme d’argent frais : un être mi-poisson mi-homme : le légendaire triton.

Quant elle le voit qui glisse dans l’onde, elle n’hésite pas et entame une course poursuite effrénée. Celle-ci se termine quand les deux protagonistes sont happés, tel Jonas, par une gigantesque baleine. Pour s’extraire du mammifère marin, ils sont bien obligés de coopérer. Une entente qui se poursuit, une fois libérés, pour défendre les fonds océaniques de différentes pollutions humaines.

« L’Onde » page 4.

Ce petit album muet est le quatrième de la collection Do ré mi chat aux éditions de la Gouttière. À son origine, il y a l’initiative du directeur de l’orchestre de Picardie Pierre Brouchoud. Il a imaginé des BD-concerts pour faciliter l’écoute des grandes œuvres du répertoire par les enfants. Spécialisée dans la bande dessinée jeunesse et la médiation autour du 9^e art, les éditions de la Gouttière ont demandé à des duos d’auteurs de travailler sur le sujet. Après Dawid et Delphine Cuveele sur « À l’unisson », Dominique Zay et Damien Cuvillier sur « Les Vies dansent », Guillaume Carayol et Stéphane Sénégas avec « Le Chemin vers Pépé », c’est Frédéric Maupomé qui a écrit un scénario pour le dessin de Léa Mazé.

« L’Onde » page 6.

Le projet est une véritable création partagée. Tout part de nombreuses écoutes de l’œuvre symphonique, puis le scénariste imagine une histoire pour une BD muette. La dessinatrice entre alors en action pour la création de planches suivant un time code très précis, car les visuels seront projetées lors de concerts dessinés. Au-delà de l’album, à lire dès le plus jeune âge, ce travail d’équipe a pour finalité d’être présenté à un large public. L’orchestre symphonique joue l’œuvre musicale devant l’œuvre dessinée projetée sur grand écran. Le chef d’orchestre doit suivre un tempo bien défini, pour être synchrone avec les images. Une très belle expérience à vivre au moins une fois par an à Amiens, car les deux médiums, visuel et musical se complètent, s’enrichissent mutuellement pour des émotions partagées dans le même temps.

Le récit est écrit par Frédéric Maupomé, scénariste à succès de séries pour la jeunesse aux éditions de la Gouttière : « Anuki », « Supers » et « Sixtine ». Il construit ici une histoire simple, mais inventive, autour de belles valeurs : sur la nécessité du vivre ensemble, de l’acceptation de l’autre, de l’importance de l’amitié et de la protection de la nature. Le trait souple de Léa Mazé donne vie à des fonds marins à la fois paisibles et en danger. Elle oppose des personnages aux formes rondes à d’autres aux traits plus anguleux. Avec elle, les courants ondulatoires océaniques prennent vie pour mieux emporter les personnages vers des rives qu’ils ignoraient au début de leur aventure.

Le triton ...

L’autrice de « Les Croques », « Nora » et « Elma, une vie d’ours » réussit à donner le tempo voulu par les deux auteurs à l’écoute de la musique du compositeur viennois. Plus que la puissance de cette œuvre symphonique, ils ont retenu l’émotion qu’elle dégage, les rêveries qu’elle impose. Pour Frédéric Maupomé : « Dès les premières mesures, le thème (sous-)marin s’impose. Il y a là quelque chose de caché, profond, dangereux, qui va se poursuivre par un premier mouvement plein de dynamisme, puis un deuxième mouvement qui inspire (respire ?) la découverte et l’émerveillement. Action puis découverte, le structure de la symphonie Inachevée invite à une histoire dans laquelle l’action est la cause plutôt que la conséquence. Dans laquelle on peut réfléchir sur nos actions humaines. Et peut-être agir autrement ? »

Si vous n’avez pu assister au BD-concert de l’orchestre de Picardie le 23 juin dernier à Amiens, un QR code présent dans l’ouvrage vous donne la possibilité de regarder ce spectacle vidéo. On ne transige pas avec la qualité des BD jeunesse aux éditions de la Gouttière, « L’Onde » en est l’exemple le plus récent. C’est une bande dessinée qui fonctionne très bien d’elle-même, mais qui prend une dimension supplémentaire à l’écoute des deux mouvements au lieu des quatre prévus de la 8^e symphonie de Schubert, dite « Inachevée » à cause de cela. Le compositeur romantique a écrit une 9^e symphonie avant son décès brutal, à 31 ans seulement, en 1828.

Avalés par la baleine ...

Laurent LESSOUS (l@bd) 

« L’Onde » par Léa Mazé et Frédéric Maupomé

Éditions de la Gouttière (11,70 €) – EAN :  978-2-3579-6106-7

Parution 7 juin 2024

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