Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Wayne Shelton : un dernier tour de piste pour Christian Denayer !
C’est en 2001 que paraît le premier album des aventures de Wayne Shelton, aux éditions Dargaud. Jean Van Hamme — alors au sommet de son succès — en écrit le scénario pour son ami Christian Denayer qui traverse, lui, une passe difficile, après plusieurs essais malheureux. Il lui aura fallu sept ans pour réaliser la dernière aventure de ce sympathique baroudeur aux tempes grisonnantes, dont les ventes d’albums dépassent le million d’exemplaires. Un ultime album pour lui aussi, qui annonce sa retraite du monde de la bande dessinée, à 78 ans.
Quelque 50 ans après avoir combattu dans les Bérets verts pendant la guerre du Vietnam, Wayne Shelton revient dans la baie d’Along en compagnie de sa jeune compagne et future épouse : la belle Honesty Goodness. Le 30 avril 1975, le jour de l’arrivée des troupes du Vietcong dans Saïgon, le jeune lieutenant Shelton se voit confier une étrange mission par un colonel américain qu’il ne connaît pas : évacuer — avant l’arrivée des vainqueurs — les réserves de la banque centrale du Sud-Vietnam à bord d’un vieux fourgon blindé. Soit 20 tonnes d’or de 24 carats en lingots d’un kilo. L’expédition hasardeuse prend fin au Cambodge, lorsque l’avion transportant le fourgon et son trésor termine sa course dans les eaux tumultueuses d’un fleuve. Capturé par le Vietcong, notre héros passera trois années d’enfer dans un campde prisonniers au Vietnam avant de recouvrer la liberté. C’est la réception d’une lettre anonyme contenant une clé destinée à ouvrir le fourgon qui incite Wayne à revenir — en compagnie d’Honesty — sur les lieux du drame. Lee Kwan Yun, une nièce d’un ami de Wayne exécuté pour trahison, lui demande de l’aider à  retrouver l’or qui repose toujours dans l’épave du C-130, au fond d’un fleuve de la jungle cambodgienne : notre héros est le seul à en connaître l’emplacement. Un joli magot qui permettrait aux futurs mariés de couler des jours heureux…
Mais c’est un parcours semé d’embûches qui attend le vieux baroudeur et qui réveillera des souvenirs douloureux, faisant ressurgir des personnages oubliés… jusqu’à dévoiler la véritable destination de l’or de Saïgon. Un baroud d’honneur pour le duo Van Hamme et Denayer — c’est certain ! —, mais peut-être pas pour leur héros, pour lequel on n’imagine pas une retraite paisible sous les cocotiers.
On ne peut pas dire que Jean Van Hamme fasse dans l’innovation avec ce scénario classique de chez classique, mais son immense talent tient le lecteur haletant de la première à la dernière page. Créateur en 2001 du personnage — dont il a confié l’écriture le temps de cinq albums (tome 4 à 8) au regretté Thierry Cailleteau (1) —, il signe les tomes suivants pour le plus grand plaisir des lecteurs : une série passionnante qui ne décevra pas les amoureux de « XIII ».
Né le 8 septembre 1945 à Ixelles en Belgique, Christian Denayer abandonne ses études d’enseignant pour se consacrer à la bande dessinée.
Il apprend le métier en assistant Jean Graton sur « Michel Vaillant », puis Tibet sur « Ric Hochet ».
Avec André-Paul Duchateau, parfois sous la signature collective de Cap, il réalise une centaine d’albums : « Yalek » en 1969, « Alain Chevallier » en 1971 pour Le Soir jeunesse, puis Tintin, « Les Casseurs » pour Tintin, où il anime aussi « Gord » avec Franz.
Avec les années 1990, victime de l’évolution de la bande dessinée classique, il débute sans succès « TNT » chez Lefrancq, puis « Génération collège » aux éditions du Lombard en 1994.
Christian Denayer laisse ces années difficiles derrière lui avec la création de « Wayne Shelton », auprès de Jean Van Hamme. Il décide de mettre un terme à sa longue carrière avec la publication de cette quatorzième histoire de son séduisant aventurier, qui — contrairement à son dessinateur, espérons-le ! — n’a pas dit son dernier mot.
Nous souhaitons une longue et belle retraite à ce dessinateur méticuleux dont les personnages dynamiques ont enchanté plusieurs générations de lecteurs.
Henri FILIPPINI
(1)  Voir Thierry Cailleteau : un scénariste visionnaire….
« Wayne Shelton T14 : L’Or de Saïgon » par Christian Denayer et Jean Van Hamme
Éditions Dargaud (13,95 €) — EAN : 978-2-5051-1685-1
Parution 7Â juin 2024
Christian Denayer vient d’annoncer sa retraite sur Facebook… On le regrettera mais on ne peut que le remercier pour tant de beaux albums !
Christian c’est avant tout un auteur d’une extrême gentillesse qui a un gros coeur comme ça. Il nous a tant fait rêver avec ses histoires dans le journal de Tintin avec ses courses poursuites, et ses très jolies cylindrées (tout confondu). C’est un dessinateur hors pair. Les Casseurs, Alain Chevalier, Gord, Génération Collège mais aussi Wayne Shelton resteront des séries mythiques. Nous ne pouvons que lui souhaiter une belle retraite qu’il a amplement mérité.
Tant de gentillesse et de compliments de la part des deux personnes citées ici ( Michael et Grappin ) me laissent encore plus désolé de devoir déposer les pinceaux. Cela m’aurait bien plu de continuer encore 20 ou 30 ans… (!)
Christian Denayer est pour moi associé aux Casseurs, que j’ai découvert dans Tintin dans les années 80. Je me dois d’avouer que je ne connais pas vraiment ses autres séries. Adolescent, j’ai été subjugué par son dessin, son rythme et ses cadrages. Quelle ambiance dans Les Casseurs ! Sans oublier les notes d’humour. Je me joins aux autres commentaires pour marquer ma reconnaissance pour tous ces beaux albums et ces souvenirs, et je voudrais aussi souligner (respectueusement) toujours l’incroyable qualité du dessin à 78 ans ! Une maîtrise que peu de jeunes auteurs atteignent. Merci encore, et profitez bien de cette retraite.