Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Christophe Quillien signe l’ouvrage de référence sur Jean Giraud alias Mœbius !
Avec « Jean Giraud alias Mœbius », Christophe Quillien propose la synthèse de ses nombreuses interviews avec le dessinateur du western « Blueberry » et créateur des bandes dessinées de science-fiction que sont « Arzach », « Le Garage hermétique », « L’Incal » ou « Le Monde d’Edena », mais également de tous les livres et articles parus sur cet artiste d’exception. Ainsi, il s’essaye — et réussit ! — à cerner la personnalité complexe d’un homme qui n’a jamais cessé de se réinventer, en perpétuelle recherche de lui-même : un ouvrage formidable, de quasiment 600 pages, passionnant de bout en bout !
Cette œuvre de longue haleine, qui a nécessité plus de trois années de travail acharné, est écrite de façon très vivante ; mais il faut bien préciser que ce spécialiste es-BD – qu’est Christophe Quillien — n’en est pas à son coup d’essai. (1) Il alterne, ici, les fruits de sa laborieuse quête et les témoignages, aussi variés que profitables, de ceux qui ont côtoyé de près Jean Giraud/Mœbius (1938-2012) : de sa première épouse Claudine Giraud ou de ses enfants à ses amis Jean Claude Mézières, Alejandro Jodorowsky, Jean-Pierre Dionnet, Jean Annestay, Jean-Luc Coudray… sans oublier les dessinateurs Michel Rouge, Christian Rossi, François Boucq, Patrice Pellerin, Philippe Druillet, André Juillard, Gaetano Libératore… ou tous les éditeurs qui l’ont bien connu.
Si le grand public sera conquis par la verve du biographe et par le parcours aventurier — qui nous fait voyager de la banlieue parisienne au Mexique, en passant par Tahiti ou Los Angeles — de cet homme qui largement contribué à renouveler le 9e art, ses amateurs inconditionnels y trouveront également leur compte… et même les plus pointus connaisseurs de l’œuvre de ce génial auteur protéiforme — pilier de Pilote ou de Métal hurlant et source d’inspirations pour plusieurs générations de scénaristes et de dessinateurs, ou encore de cinéastes comme George Lucas, Ridley Scott et Hayao Miyazaki — découvrirons nombre d’informations qu’ils ignorent certainement.
En effet, Quillien s’est penché sur une pléiade de documents inédits (archives, correspondances, photographies…) et sur les meilleures sources (monographies, articles de presse, archives audiovisuelles, sites spécialisés…) (2) et a su en extraire le nec ultra pour évoquer les multiples facettes de l’œuvre foisonnante de ce jalon essentiel de la BD contemporaine.
Même si certains pourront regretter l’absence d’illustrations — hormis un cahier final d’une quarantaine de photos — (mais c’est le concept de la collection Biographie au Seuil) et du témoignage de la seconde épouse du maître (qui envisage de consacrer son propre ouvrage à leur relation personnelle et professionnelle), ne passez pas à côté de ce livre dense, intense, qui nous permet de mieux appréhender et comprendre l’un des plus grands auteurs de bande dessinée du XXe siècle : un créateur exceptionnel qui s’est toujours efforcé d’explorer de nouvelles formes graphiques — ayant aussi laissé une trace indélébile dans d’autres domaines artistiques comme le dessin, le cinéma, l’animation… —, afin de repousser les limites de notre imaginaire.
Gilles RATIER
Christophe Quillien.
(1) Sur Christophe Quillien, voir sur BDzoom.com : Jean-Claude Mézières : son ultime livre !, Quand je m’étale, hurlant sur mon passé et mes souvenirs… Je suis Dionnet !, Pif Gadget : Grandeur et décadence…,Franquin : le vrai visage de Spirou et Fantasio…, Sous les pavés, la passion : deuxième !!!, 100 bandes dessinées incontournables, La Bande dessinée à Paris…
(2) Notamment sur BDzoom.com où Christophe Quillien a pu consulter : Pour se souvenir de Jean Giraud (alias Gir ou Moebius)…, Et Gir redevint Moebius… : genèse !, Pour se souvenir de Moebius…, « De Gir à Moebius » : naissance d’une légende…, Giraud-Moebius pour le disque : 33 tours et plus dans les étoiles, Le rôle de Jean-Michel Charlier dans les premiers numéros de Pilote…, « Marshal Blueberry : l’Intégrale » par William Vance, Michel Rouge, Jean Giraud et Thierry Smolderen, « Blueberry l’intégrale » T1 par Jean Giraud et Jean-Michel Charlier…
« Jean Giraud alias Mœbius » par Christophe Quillien
Éditions Seuil (26 €) — EAN : 9 782 02 147 719 1
Parution 17 mai 2024
La différence entre un excellent dessinateur et un génie absolu : admirer l’épisode de XIII qu’il a réalisé en 2007 « La version irlandaise ». Tout y est : assurance du trait, alternance et justesse des cadrages et surtout fausse simplicité du dessin par l’abandon des hachures qui avaient fait sa renommée pendant longtemps.
Où est le Giraud d’aujourd’hui ?
On a perdu le phare.
Heureusement il y a quelques cracks comme, Beuriot, Blutch, Bodart ou Bonhomme… (pour prendre une série de B prestigieux !), arriveront-ils à tout donner au dessin et à atteindre le sommet absolu ? C’est le challenge ouvert par Moebius. Une ascèse passionnante.
A ce niveau, il y en a peu par génération : à la fois virtuose, inventant codes, styles et intelligence graphique, créateur de mondes très personnels, et ceci pour chaque face de ses deux signatures Gir et Moebius.
Les « B » ayant été cités, je continue avec les « R » : Rossi, tout aussi hyper-doué mais hélas avec moins d’occasion d’exploser au public. Il a aussi une facette « autre », décalée, que ce soit humoristique ou onirique , finalement peu commentée. Et puis, en jeune génération, Corentin Rouge, avec tellement de talent et de maestria que c’en est incroyable. Sans trop de risque, on peut voir en lui un des héritiers de Giraud.
Ceux-ci sont assez faciles à détecter, avec le style réaliste, western ou non : outre Rouge cité, Meyer, Cuzor, Paul Gastine (« impressionnant « Jusqu’au dernier » !), …
Pour Moebius, c’est beaucoup plus compliqué car la démarche est très personnelle, intime, au-delà d’une certaine ligne claire, le trait devient « spirituel » en tout cas habité.
Le livre de Quillien est très utile, pour revenir sur la carrière (et la vie de ce géant du dessin, qui a abordé tous les styles et genres, jusqu’à la peinture, la publicité et les OVNI graphiques.
Pratiquement d’accord avec les auteurs cités et certainement pour Rossi.
Rossi me semble aussi complet et virtuose que Giraud (ce qui est incroyable !).
Comme vous dites c’est la « spiritualité » qui fait la différence avec les autres pour Moebius.
Le dessin est comme irradié d’une puissance spirituelle qui pousse le lecteur à une contemplation immédiate.
C’est aussi ce qui fait la différence chez Giraud, finalement, dans le western. On voyage comme jamais et on est pris dans une quasi hypnose.
Lors d’une courte discussion il m’avait dit: « Il faut donner le maximum, tout le temps »… « Je voulais épater Charlier en permanence ». A mon ami Bruno Marchand il avait dit: « Il faut dessiner chaque caillou du désert pour lui-même, chaque caillou doit avoir sa forme propre, on doit croire à chaque pierre ».
Avec ça on reste admiratif de tant d’implication et d’énergie et finalement de génie.
Bonjour,
Très bel article et belle bibliographie.
Je recherche depuis des mois des informations sur les éditions Aedena et surtout sur la collection Portable, regroupant 13 portfolio.
Malheureusement, les ayant tous, un numéro n’est pas attribué et je n’arrive pas à trouver à quoi il correspond.
Et j’ai vu dans l’article cité Jean Amnestay, partie prenante de ces éditions. Si l’auteur ou Jean Amnestay pouvait résoudre ce mystère, j’en serais très heureux