Le Renard doré : une nouvelle collection de mangas pour la jeunesse…

Les éditions Rue de Sèvres publient, depuis quelques années, des œuvres de qualité venues d’Asie : comme celles de Kazuo Iwamura ou de Jiro Taniguchi. Une nouvelle collection vient de voir le jour : Le Renard doré, laquelle proposera dix titres par an à destination d’un lectorat jeunesse et adolescent (8/15 ans). Les trois premiers ouvrages parus nous ont touchés par leurs qualités narrative et graphique : voilà une nouvelle collection fort bien née.

Le renard est vénéré dans l’archipel nippon, depuis fort longtemps. Kitsune est l’incarnation de l’esprit du riz ; un symbole de fertilité et de bonne fortune. Dans la mythologie, quand il gagne sa neuvième queue, sa fourrure devient blanche ou dorée : il acquiert alors une sagesse infinie. C’est donc sous sa protection que Mickaël Brun-Arnaud a fondé, en 2018, une librairie consacrée au manga et à la culture asiatique dans le Varrondissement de Paris. Il a quitté la direction du Renard doré, il y a peu, pour conseiller Rémi Inghilterra à la tête de la nouvelle collection des éditions Rue de Sèvres qui reprend le nom de ce lieu de rencontres autour des univers d’Extrême-Orient : Le Renard doré.

Ce sont deux amoureux des livres et fins connaisseurs de la bande dessinée asiatique qui dirigent une collection qui entend proposer des ouvrages : « aux univers inattendus, aux narrations originales et aux formats inhabituels avec des trésors de poésie et d’humour. » En effet, Mickaël Brun-Arnaud, après avoir quitté la direction de sa librairie, est devenu l’auteur de « Mémoires de la forêt » : une série de romans pour la jeunesse déjà vendue à plus de 100 000 exemplaires et Rémi Inghilterra est le coauteur des « 50 Titres cultes de la bande dessinée asiatique » dans la collection 9e Art panorama. Ensemble, ils entendent construire un catalogue : « Avec une offre d’une dizaine de titres par an qui s’adressent aux enfants et adolescents d’aujourd’hui, capables de lire en tous sens, toutes formes et de toutes influences. » Les trois premiers titres publiés répondent parfaitement aux exigences de cette ambitieuse déclaration d’intention.

Commençons par un titre qui s’adresse aux jeunes lecteurs, dès l’école primaire. « Ma Mamie adorée » de Junko Honma est une autofiction solaire et bienveillante toute en couleurs.

L’autrice y relate la relation complice entre Koume, une petite fille de 8 ans, et Ume, sa grand-mère.

L’ouvrage s’articule selon les quatre saisons dans de courts récits de bande dessinée entrecoupées de pages en deux grandes cases avec un texte explicatif sur un moment partagé entre la petite fille et son aïeule par exemples sur les délices de la pâte à pancakes crue ou sur Hina Matsuri : la fête des petites filles durant laquelle les poupées de la maison sont exposées sur un petit présentoir à plusieurs niveaux.

En fin d’ouvrage, avant un lexique fort instructif sur les termes croisés dans le manga, l’autrice explique sa démarche dans une postface éclairante : « J’ai perdu ma grand-mère, il y a quelques années de cela, alors que je me dévouais corps et âme à mon travail dans un cabinet de design, sacrifiant ce que j’ai de plus précieux au monde : ma vie de famille. Sa disparition m’a fait prendre conscience que les moments perdus ne peuvent jamais être retrouvés, et j’en ai versé d’intarissables larmes de regret. C’est cette prise de conscience qui m’a poussée à quitter mon emploi l’année suivante, pour travailler en freelance, et passer ainsi plus de temps avec ceux que j’aime. Par ailleurs, j’ai commencé à publier des illustrations sur les réseaux sociaux. Cette histoire est une semi-fiction, composée de souvenirs réels et d’événements fantasmés que j’aurais aimé voir se réaliser. »

« Ma mamie adorée » s’adresse à un vaste lectorat qui sera touché par ses personnages complices et des petits moments magiques du quotidien, transcrits avec une douce nostalgie bienveillante.

« Le Voyage d’ours-lune » s’adresse à un lectorat un peu plus âgé : c’est le récit de la rencontre d’une corneille et d’un ours noir du Japon, ou ours à cercle de lune en raison de la tache plus claire en forme de croissant de lune sur sa poitrine.

Cet ours solitaire aimerait retrouver ses semblables, dont il est séparé depuis son plus jeune âge. Il survit un peu amer dans une forêt d’une île du Japon contemporain, jusqu’à sa rencontre avec une corneille bavarde venue de la ville. Ils décident de voyager ensemble pour retrouver une ville pleine de nourriture pour l’oiseau ou d’autres plantigrades pour l’ursidé.

Ce road-trip poétique est l’occasion de découvrir les paysages montagneux et forestiers de l’archipel, voire volcaniques ; mais aussi sa riche faune : cerfs, hiboux, sangliers… Le dessin précis et chaleureux de l’autrice, spécialiste des mangas animaliers, nous permet de nous plonger au cœur d’une amitié inattendue et poignante entre deux animaux esseulés. Un périple initiatique animalier qui ravira de jeunes lecteurs, dès 12 ans.

Le troisième album qui inaugure la collection Le Renard doré est le premier des cinq volumes de la série « La Forêt magique de Hoshigahara ». Au numéro 29 de la première circonscription de la ville de Hoshigahara, se trouve une forêt à l’abandon entouré d’un mur d’enceinte décrépit. Un beau matin, un coq s’y réfugie, car poursuivi par un garçon facétieux. Il trouve refuge dans une habitation dans laquelle demeure Sôichi : un jeune homme aimable qui cohabite en harmonie avec les esprits et qui vient en aide aux âmes égarées. Dans cette forêt, hors du quotidien des humains, la magie des esprits est à l’œuvre : les animaux parlent et le surnaturel est omniprésent.

Cet album est destiné à un lectorat plus âgé que les deux premiers dont nous vous avons parlé : après une introduction douce et apaisante, des thèmes plus lourds sont abordés, tels l’abandon d’un animal de compagnie, la perte de ses parents ou le suicide.

Huit courts récits s’entrecroisent sur plus de 200 pages sans jamais lasser le lecteur qui peut se perdre sous les frondaisons d’une forêt dessinée avec soin et précision par Hisae Iwaoka.

Un conte fantastique, poétique et tendre, d’une très grande humanité.

Les trois premiers albums publiés dans la collection Le Renard doré sont, tous les trois, d’une grande qualité. Selon la charte des éditions Rue de Sèvres, ces trois mangas pour la jeunesse nous font connaitre l’univers d’auteurs, encore peu connus en Europe, par des ouvrages originaux empreints de poésie et d’humour. Nous suivrons donc attentivement cette collection commencée sous les meilleurs auspices.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Ma Mamie adorée » T1 par Junko Honma

Éditions Rue de Sèvres, collection Le Renard doré (12,90 €) – EAN :  978-2-8102-0791-6

Parution 24 avril 2024

« Le Voyage d’ours-lune » par Ho

Éditions Rue de Sèvres, collection Le Renard doré (9,90 €) –  EAN :  978-2-81020-775-6

Parution 24 avril 2024

« La Forêt magique d’Hoshigahara » T1 par Hisae Iwaoka

Éditions Rue de Sèvres, collection Le Renard doré (9,90 €) – EAN :  978-2-8102-0774-9

Parution 24 avril 2024

Galerie

Une réponse à Le Renard doré : une nouvelle collection de mangas pour la jeunesse…

  1. Laurent Lessous dit :

    Le Prix Jeunesse ACBD de la critique 2024 est allé à « Le Voyage d’ours-lune ». C’est la première fois qu’un manga reçoit ce prix. Le jury a ainsi justifié son choix : « Dans Le voyage d’Ours-lune, l’autrice met en scène la rencontre d’une corneille et d’un ours. Elle construit son récit comme un conte philosophique pour les jeunes lecteurs. Leurs conversations sont motivées par des raisonnements sur le monde qui les entoure et leurs rapports aux êtres humains. La nature, douce et belle, tient un rôle central dans ce premier volume de la série. C’est donc un voyage initiatique que l’ACBD a choisi de récompenser aujourd’hui avec Le voyage d’Ours-lune »

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