Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Âge tendre et tête en l’air : les débuts spectaculaires des Pestaculaires !
Tout n’est pas rose dans le Paris de la Belle Époque. Par exemple, dans le quartier populaire de Montmartre, c’est la zone : des enfants trainent toute la journée dans les rues et la nuit, des parents dévoyés utilisent leurs petites tailles pour qu’ils pénètrent et cambriolent de riches demeures… Mais ces enfants ont une éthique et décident de s’associer pour empêcher un crime : la bande des futurs Spectaculaires est née. « Les Pestaculaires » est la préquelle, amusée et amusante, de la série à succès « Les Spectaculaires ». À découvrir…
1888, la petite Pétronille, six ans, a un caractère bien affirmé. Elle sait se défendre de ses camarades mal intentionnées, au sein de l’orphelinat Sainte-Thérèse. Pourtant, elle quitte presque à regret l’établissement, quand elle est adoptée par un couple de Parisiens dont elle ignore tout. Elle se retrouve, toute étonnée, dans une baraque misérable de Montmartre, tenue par le couple Fulberte et Ignace Roublot. Ils la trouvent moins maigrichonne que prévue, mais en meilleure santé que la dernière ! Pourquoi ? tout simplement, parce qu’ils la destinent à pénétrer par d’étroits conduits dans les maisons bourgeoises, pour détrousser de riches familles. Si, la nuit, Pétronille s’acquitte de ses coupables activités, la journée, les Roublot la laissent livrée à elle-même. Ils ne veulent pas l’avoir dans leurs pattes !
De nature curieuse, Pétronille part donc à la découverte de la butte Montmartre et des environs. Elle y fait la connaissance d’une petite troupe de saltimbanques cornaquée par la bienveillante Léonie. Elle sympathise vite avec trois jeunes garçons un peu plus âgés qu’elle : Évariste, Félix et Eustache.
Moqueurs au début, les garçons tombent rapidement sous le charme de l’énergique fillette. Enchanté par la prestation de la troupe, un jeune spectateur s’écrit qu’ils les trouvent : « pestaculaires ». Ce sera donc le nom de la petite bande. Les quatre acolytes se sentent investis d’une mission, car Pétronille leur apprend que les Roublot veulent estourbir un inventeur pour lui dérober sa dernière découverte. Ils se chargent d’empêcher ce crime et de sauver ainsi la vie du fantasque professeur Pipolet.
Vous l’aurez compris, cette nouvelle série est la préquelle des six volumes de la série à succès « Les Spectaculaires ».
On y retrouve tous les membres de la joyeuse bande de saltimbanques réunis, par le plus grand des hasards, 20 ans avant leurs aventures du début du XXe siècle.
Pas besoin de connaitre la série d’origine pour apprécier cet album qui s’adresse à un lectorat plus jeune. Le dessin vif, expressif, à mi-chemin entre réalisme et caricature, d’Arnaud Poitevin dynamise un récit dans le ton des feuilletons du XIXe siècle. Il s’amuse ici à dessiner dans leurs primes jeunesses des personnages qu’il connait bien, sans leurs ornements habituels de l’âge adulte.
Nous vantions ainsi, dans cet article, les qualités de la série d’origine dans laquelle les héros croisent Sarah Bernhardt ou Jules Verne : « Rocambole, Rouletabille et Fantômas sont les cousins aînés des Spectaculaires. Sous des auspices aussi vénérables, la série des « Aventures des Spectaculaires » ne peut connaître qu’un succès durable. Ce serait amplement mérité pour une bande dessinée intelligente, lisible et amusante pour tes les âges, dès huit/neuf ans. »
Nous étions déjà enthousiasmés par le travail scénaristique de Régis Hautière : « Régis Hautière a réussi à inventer un Paris Belle Époque réaliste, mais un peu steampunk par l’intrusion inefficace des inventions de Prosper Pipolet. Il conduit sa comédie policière de main de maître avec une intrigue prenante, des rebondissements, des séquences d’action, dont une mémorable poursuite, dans et sur un train, le tout mâtiné d’un humour omniprésent, de dialogues ciselés à la verve amusée aux références plus ou moins cachés dans de nombreuses cases : du couple d’asiatiques s’essayant au selfie devant la tour Eiffel avec un appareil photographique à soufflet au dénouement devant un parterre de suspects digne d’un roman d’Agatha Christie. »
Il est toujours amusant de découvrir la jeunesse de héros de bande dessinée. Après celles de Spirou, Blueberry ou Barbe-Rouge, celle des Spectaculaires ne dérogent pas à cette règle. De jeunes lecteurs, dès l’école primaire se passionneront pour les aventure d’un groupe d’enfants de leur âge, dans un Paris où la tour Eiffel est en construction. Les plus grands s’amuseront de dialogues divertissants et d’un scénario à rebondissements, tout comme dans les six volumes de la série mère qu’il est toujours agréable de relire à l’occasion.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Pestaculaires T1 : Âge tendre » par Arnaud Poitevin et Régis Hautière
Éditions Rue-de-Sèvres (13,00 €) – EAN :  978-2-81020-422-9
Parution 13 mars 2024