Le souffle régénérateur d’adaptations de classiques littéraires avec « Au cœur de la Terre » et « Jungle Book » …

L’adaptation de classiques de la littérature d’aventure tombés dans le domaine public pourrait paraitre comme une aubaine pour auteurs de bandes dessinées en mal d’inspiration et nous offrir des albums convenus. Cela c’est vu et se reverra sans nul doute. Mais certaines adaptations offrent un souffle nouveau à des œuvres du siècle dernier ou une réécriture innovante. C’est le cas pour « Au cœur de la Terre », le roman d’Edgar Rice Burroughs adapté par Jean-David Morvan pour le dessinateur argentin Rafael Ortiz et pour « Jungle Book », une relecture intéressante du « Livre de la Jungle » de Rudyard Kipling par Anne Quenton.

Commençons par vous entretenir de la bonne surprise que fut, pour nous, la lecture du premier volume du diptyque « Au cœur de la Terre ». Le récit commence par l’irruption de deux hommes hors d’un curieux extracteur de minerai. Le prospecteur David Innes et l’inventeur Abner Perry sont surpris de découvrir 830 Km sous le sol un nouveau continent au cœur de notre planète.

À peine sortis de leur excavatrice, ils sont pris en chasse par de monstrueuses créatures préhistoriques : des tricératops, puis des hyènes géantes. Réfugiés dans la canopée, ils sont enlevés par de grands hommes-singes munis d’une queue qui les mènent dans un amphithéâtre végétal, pour les livrer en pâture à un carnivore gigantesque. Ce n’est que le début de leur dangereuse odyssée.

Les deux Américains sont ensuite réduits en esclavage par une tribus de primates aux ordres de mystérieux reptiles volants. Ils font la connaissance d’autres humains, eux aussi en fâcheuse posture, dont la belle et troublante Diane qui n’est pas insensible aux charmes de l’avenant David. Dans ce monde antédiluvien – dans lequel la hiérarchie entre espèces est uniquement basée sur le rapport de force, l’oppression et la violence -, les rusés intrus arrivent à s’échapper de leur geôle pour partir à la découverte des ressources de Pellucidar : ce continent au centre de la Terre.

« Au cœur de la Terre » T1 page 12.

Ce volume est le premier d’un diptyque annoncé, adaptation du premier roman de la saga « Au cœur de la Terre » écrit par Edgar Rice Burroughs en 1914.

Un dossier critique de Patrice Louinet compète l’album. Il rappelle la carrière de l’emblématique créateur de Tarzan, écrivain vedette des pulp magazines du début du XXsiècle ainsi que le contexte historique : « La carrière littéraire de Burroughs débute à une époque où le monde a été entièrement exploré. Ses romans sont, à maints égards, le chainon manquant entre la grande époque de la littérature populaire de voyage et d’exploration, dont les grands représentants auront été Sir Henry Rider Haggard et Jules Verne et l’avènement de l’Âge Hyborien (Robert E. Howard) et de la Terre du milieu (J.R.R. Tolkien) quelques décennies plus tard. »

Jean-David Morvan a parfaitement saisi l’esprit de l’une des sagas pionnières de la science-fiction littéraire. Aucun temps mort dans le périple des deux aventuriers ; les péripéties s’enchaînent au rythme rapide de trouvailles scénaristiques débridées.

Mais l’enchainement des séquences d’actions n’empêchent pas le lecteur de comprendre les tenants et aboutissants d’un monde souterrain soumis aux affrontements entre peuples fort dissemblables. Le dessin réaliste et virtuose de Rafael Ortiz donne un souffle épique à cet haletant récit d’aventures fantastiques préhistoriques.

« Au cœur de la Terre » T1 page 35.

En conclusion du dossier sur l’œuvre et son auteur, Patrice Louinet affirme l’intérêt de la lire encore aujourd’hui : « Le héros de Burroughs est donc le parfait avatar des idéaux masculins de son époque et de son auteur (dans ses aspirations), dans lesquelles un lecteur moderne – et plus encore une lectrice – aura du mal à se projeter. Pourtant, avec le passage du temps, son œuvre s’est peu à peu détachée de l’époque qui l’a vu naitre et des idéaux qui l’accompagnaient. Les romans de Burroughs sont devenus, telles les aventures de Sherlock Holmes de Conan Doyle, non plus les commentaires du monde présent qu’ils étaient pour les lecteurs contemporains de l’auteur, mais, pour nous, des capsules temporelles, des curiosités exotiques, fascinantes, parce que totalement coupées de notre réalité. »

Autre curiosité, le relecture toute personnelle du « Livre de la Jungle » de Rudyard Kipling par Anne Quenton. Jugez-en plutôt : dans un monde où les animaux ont pris le dessus sur les hommes, Moogli est une jeune orpheline élevée par une famille de loups anthropomorphes au sein de laquelle elle a du mal à trouver sa place.

Sa famille humaine a été massacrée par le terrible Shere Khan : un tigre, lui aussi anthropomorphe, tueur d’humains. Owen et Raksha, un couple de loups, qui vit à l’écart de la meute dans une ferme isolée, la recueille au péril de leur vie et l’élève avec leurs deux fils.

« Jungle Book T1 : La Meute » page 6.

Une dizaine d’années plus tard, devenue adolescente, Moogli affirme son caractère et cherche à comprendre d’où elle vient. Mais l’ombre du tigre Shere Khan et la menace qu’il fait courir sur Raksha et les siens l’obligent à se confronter à son passé : quels événements ont provoqué la disparition des hommes ? Qui fabrique de macabres totems avec des os humains et pourquoi ?

Beaucoup de questions en suspens dont le lecteur patient aura les réponses dans les deux derniers tomes de la trilogie annoncée.

« Jungle book T1 : La meute » page 10.

La jeune autrice Anne Quenton propose, dans ce triptyque, une relecture intéressante et audacieuse du « Livre de la Jungle » de Kipling. Des animaux anthropomorphisés s’affrontent dans un monde apocalyptique, dont les humains ont été pratiquement tous chassés. Loin de l’adaptation de Disney, les aventures de la jeune Moogli ont de quoi captiver un jeune lectorat avide de sensations fortes et de récits originaux.

On retrouve Share Khan, mais aussi le vieil ours un peu misanthrope Baloo dans ce décalque postapocalyptique des aventures du jeune Mowgli devenu ici un Moogli féminin.

La première bande dessinée publiée d’Anne Quenton est une véritable réussite.

La trame narrative serrée tient le lecteur en haleine en présentant une dizaine de personnages principaux bien caractérisés dans univers presque contemporain : ne manque qu’une humanité dont les animaux ne veulent plus. Son graphisme numérique lumineux permet de nuancer les expressions de ses héros, tout en créant parfois par des contrastes de couleurs des séquences anxiogènes.

Vivement le tome 2 que l’on voit grandir Moogli et que l’on en apprenne davantage sur son origine et son devenir.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Au cœur de la Terre T1 : Première Partie » par Rafaël Ortiz et Jean-David Morvan, d’après Edgar Rice Burroughs

Éditions Glénat (15,50 €) – EAN : 978-2-3440-3327-2

Parution 3 janvier 2024

« Jungle Book T1 : La Meute » par Anne Quenton, librement inspiré de Rudyard Kipling

Éditions Dupuis (14,50 €) – EAN : 979-1-0347-6707-6

Parution 5 janvier 2024

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3 réponses à Le souffle régénérateur d’adaptations de classiques littéraires avec « Au cœur de la Terre » et « Jungle Book » …

  1. drift boss dit :

    les péripéties s’enchainent au rythme rapide de trouvailles scénaristiques débridées.

  2. laurent dit :

    Bonjour
    ATTENTION
    vous avez un probléme d’affichage sur votre site

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