Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Enfant soldat, pour toujours ?
Quel est ce ciel qui hante les gamins embrigadés, manipulés ou instrumentalisés, jusqu’à devenir des enfant soldats tueurs ? Pour le découvrir, il faut accepter de partager le parcours tourmenté, torturé, de Nivek qui, fuyant les mines de Kivu au Congo, n’aura de cesse que d’atteindre les rives de la Méditerranée, puis l’Europe…
Des six chapitres qui découpent cette errance, cette itinérance, c’est le premier qui est le plus long, le plus terrible aussi. On peut même parler d’horreurs tant ce que vivent les enfants embauchés, esclavagisés, dans les mines sous la menace de fusils mitrailleurs est insupportable. Pourtant le pire est à venir…
Antonio Altarriba ne nous épargne rien des maltraitances, des massacres entre tribus. Heureusement Nivek se fait un ami : Joseph, très bon cuisinier ce qui le sauvera, comme Nivel est sauvé par son talent de tireur. L’un va nourrir les tortionnaires, l’autre les aider à tuer. Ainsi, quittent-ils tous deux l‘enfer de la mine.
Le plus terrible est d’observer Nivek devenir un tueur et l’entendre s’avouer qu’il « aime bien tuer ». Autant dire que la désintoxication militaire et barbare ne se fait pas d’un coup, qu’il faudra du temps et des drames pour décider les deux enfants à fuir cette situation : traverser la jungle où de nouvelles rencontres les aident à se reconstruire, peu à peu et tant bien que mal.
Après la forêt où Nivek perd son ami, Joseph traverse la savane et suit bientôt un étonnant sorcier-guérisseur. Autre monde, autres enjeux et conflits de pouvoir… toujours. Direction le Tchad et le désert, ses épouvantables chaleur et manque d’eau. Encore des rencontres et une femme salvatrice, mais très bientôt pour Nivek qui se dit toujours « guerrier », c’est la découverte des trafiquants d’humains. La Lybie devient une terre esclavagiste. Alors, traverser la Méditerranée et atteindre l’Espagne sera-t-il synonyme de liberté ? Rien de moins sûr…
Le scénario d’Altarriba retrace l’effroyable parcours de tous ces miséreux, ces exilés, ces humiliés – des enfants, qui plus est – qui tentent, coûte que coûte de s’en sortir, de sauver leur vie, faute de pouvoir la réussir. Il s’est adjoint, pour nous faire vivre cette suite d’épreuves ininterrompue, le talent de Sergio Garcia Sanchez, lequel nous offre des découpages incroyables. Jouant de silhouettes dégingandées et filiformes, de décors stylisés, il force l’attention (et l’admiration) du lecteur, le tout sous les couleurs efficaces de Lola Moral.
On atteint là , indiscutablement, un chef d’œuvre !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Le Ciel dans la tête » par Sergio Garcia Sanchez et Antonio Altarriba
Éditions Denoël Graphic (28 €) – EAN : 9782207164860
Parution 20 septembre 2023
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