Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Petit Gibus est un ado débrouillard au Moyen Âge…
Des parents agaçants, une petite sœur envahissante, la corvée d’aller au collège, une bonne bande de copains avec qui faire des bêtises… : la vie de Gibus ressemble à celle de beaucoup d’adolescents d’une douzaine d’années. Mais lui vit au Moyen Âge, au mitan du XIVe siècle avec des Anglois qui cherchent querelle à son seigneur de père. Anachronismes, bonne humeur et gags en tous genres sont au programme des 20 courtes histoires de « Gibus T1 : Mouton et dragon ».
Dans une seigneurie du beau royaume de France, Gibus vit paisiblement dans le château de son père : le seigneur Drogon de Puygras. La famille est assez restreinte pour l’époque, avec Francine (sa mère), sa sœur Giboulette et son espiègle grand-mère Pâquerette. Ah si ! Il faut y ajouter Sicord : un tout minuscule mouton qui se prend pour un chien.
Pour échapper aux débordements de l’hyperactive Giboulette, Gibus retrouve, dès qu’il le peut, ses copains Malbroute et Tranchelar pour des jeux plus ou moins licites. Il se fait beaucoup plus timide quand il côtoie la jolie Brunissende et ses amies.
Nous sommes presque au mitan du XIVesiècle, la guerre de 100 ans a bel et bien commencé et l’Anglois, perfide et querelleur, rode dans les alentours. Il faut aussi se méfier quand on joue dans les bois des sorts et de l’humeur chafouine de Prédestine (une sorcière qu’il faut savoir amadouer), ainsi que des ours ou des loups toujours affamés. Tous ces dangers n’effraient pas outre mesure Gibus et ses camarades qui trouvent, dans la nature, de quoi renouveler leurs jeux quand ils sortent du collège du village.
Ce gros album de plus de 200 pages se composent de 20 courts récits d’une dizaine de planches. Le premier marque le retour au château de Giboulette. Retour qui réjouit les parents, mais qui effraie autant les animaux – les pigeons sont prêts à déménager -, que son aîné qui craint son caractère extraverti.
Gibus enterre ainsi ses jouets dans la sol du donjon pour les préserver de la furia de Giboulette : prudence justifiée par la note salée que présente la nonne déléguée par la pension où étudiait la jeune fille débordante de vie. Après un banquet festif, le seigneur de Puygras propose une chasse pour fêter le retour de sa fille. Écologistes avant l’heure, Gibus et ses amis manifestent contre cette pratique.
Ils proposent à la jeune fille un jeu plus amusant : une chasse au trésor. Malicieux, il cache une poupée disgracieuse sous un tas de fumier. Que croyez-vous qu’il arriva ? Partie en trombe, Giboulette va finir par déterrer les jouets du pauvre Gibus, bien attrapé pour l’occasion.
Suivent 19 autres histoires aux sujets variés : du sauvetage du mouton Sicorde en période de famine à celui de mémé Pâquerette injustement placée dans la maison de retraite de la Souris verte ou d’une rentrée scolaire ratée à cause de classes de 5e mal répartie (Gibus n’est pas dans la même classe que ses copains) à l’invention intempestive, lors de la venue du monarque, de la galette du roi avec un bouclier miniature en or gravé du dragon des Puygras caché dans le gâteau : en fait une simple fausse-dent perdue par le seigneur du lieu.
Nous avons été conquis par les aventures de ce petit Gibus médiéval faites d’anachronismes assumés, d’un tempo rapide et d’une grande bienveillance pour tous les personnages. Ainsi, ces parodies de récits de chevaliers et de princesses nous amusent par un humour omniprésent, mais elles nous émeuvent aussi parfois, tant les jeunes héros sont bien caractérisés par leurs envies, leurs sentiments ou leurs désarrois sincères face aux injustices.
Les scénarios d’Olivier Lhote abordent avec légèreté des thématiques bien contemporaines autour des préoccupations adolescentes comme l’amitié, les premiers émois, les relations avec les parents ou la fratrie et l’importance des liens développés au collège, mais aussi de sujets variés : l’écologie, la chasse ou le sort réservé aux plus anciens.
Sylvain Frécon, l’auteur de la série « Oggy et les cafards » apporte son trait vif, moderne et chaleureux, à des récits cocasses et toujours bienveillants.
C’est une version augmentée avec des histoires inédites que nous offrent les éditions BD kids. La série vedette du magazine J’aime lire Max est ainsi valorisée à sa juste valeur. C’est l’occasion de (re)découvrir l’un des fleurons du riche catalogue de cet éditeur exigeant, dont nous avons vanté, dans cette rubrique, les qualités de séries comme « Glouton », « Anatole Latuile » ou « La Cantoche ».
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Gibus T1 : Mouton et dragon » par Sylvain Frécon et Olivier Lhote
Éditions BD Kids (11,50 €) – EAN : 979-10-363-3307-1
Parution 5 avril 2023