Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...La vieille Chaussette de l’ado Merlin veille sur lui…
Loïc Clément impose, album après album, son univers tendre et mélancolique dans une collection originale et inventive : Les Contes de cœurs perdus. « Merlin », le septième volume, est un nouveau petit bijou d’intelligence narrative, de véritable tendresse intergénérationnelle ; le tout sans mièvrerie et avec beaucoup de poésie au quotidien. Deux dernières raisons de lire cet album jeunesse sans afféteries superflues : on y retrouve deux des personnages centraux des albums précédents ; les retraités bougons Jeannot et Josette dit Chaussette.
Dans une banlieue pavillonnaire ordinaire, les joies et les drames se vivent en petit comité ; en famille et parfois avec les voisins. C’est ainsi qu’il y a une dizaine d’années la retraitée Josette a sympathisé avec Esther et Pierre, ses voisins. Le tout jeune Merlin, alors dans les bras de sa maman, n’a pu articuler correctement son prénom et l’a appelée Chaussette. Depuis, le surnom lui est resté. Josette vit maintenant avec Jeannot (un jardinier souvent taciturne), alors que Merlin est devenu un adolescent solaire, grand frère du petit Perceval.
Chaussette et Jeannot emmènent souvent la fratrie en excursion dans la nature voisine de leur cité. L’occasion de s’aérer avec sa famille de cœur : Jeannot et Perceval pêchent à la ligne, mais sans volonté réelle de faire du mal aux poissons pendant que les deux autres se défient aux ricochets.
Une belle parenthèse dans la vie des garçons, car leur quotidien est plombé par la maladie de leur mère. On a diagnostiqué un cancer à Esther et si Perceval est trop jeune pour se rendre compte de la gravité de la situation, Merlin lui en est gravement affecté.
L’adolescent a du mal à gérer ses émotions ; profondément affecté par la maladie de sa mère, il est dans le même temps pour la première fois amoureux d’une jeune fille.
La situation est complexe, car Merlin se sent coupable des doux moments qu’il passe avec Mina : ce qui le rend susceptible et irascible.
Il rejette, dans un moment de tension, la main tendue de Josette. Tous les deux s’en trouvent malheureux.
Leur réconciliation est au cœur de l’intrigue de cet album tendre et profond traversé de thématiques d’une grande humanité.
C’est avec un petit pincement au cœur que l’on retrouve dans cet album Merlin, Josette et Jeannot : héros attachants des albums précédents de la série « Chaussette » et « Jeannot ». On peut bien évidemment lire « Merlin » sans avoir connaissance des deux ouvrages précédents, mais ce dernier volume clôt subtilement le récit commencé auparavant.
Sur BDZoom.com, nous vous entretenons du remarquable travail de scénariste pour la jeunesse de Loïc Clément.
Les éditions Delcourt lui dédient la collection : Les Contes des cœurs perdus. Ainsi après « Chaussette », « Le Voleur de souhaits », « Chaque jour Dracula », « Jeannot », « Le Silence est d’ombre » et « Mauvais Sang », le septième volume « Merlin » démontre une nouvelle fois le savoir-faire et l’intelligence narrative du Bordelais.
Il traite ici avec pudeur et sensibilité de la maladie, de l’ambivalence mal vécue des sentiments pour un adolescent pourtant bien dans sa peau et de l’amitié transgénérationnelle au sein d’une : « famille de cœur ».
Comme souvent au sein des titres de la collection, on retrouve dans « Merlin » des personnages tels Josette et Jeannot et des lieux des volumes précédents, comme le pavillon familial de Merlin.
Déjà remarqué pour son travail sur « Jeannot », c’est Carole Maurel qui est au dessin. Ses aquarelles apportent du mouvement et une douceur bienveillante à ce récit émouvant.
Nous avions déjà remarqué son travail élégant sur le diptyque « Eden » dans cet article.
Notons enfin que le dossier fort instructif « La Genèse de Chaussette, Merlin et Jeannot » clôt l’album. Loïc Clément y relate ses débuts précoces de scénariste : « J’exerce le métier de scénariste depuis toujours : la seule différence, c’est que désormais on me paie pour ça. Longtemps, j’ai donc écrit des petites histoires, scénarisé et dessiné mes BD pour le seul plaisir des copains qui me payaient en éventuels rires et sourires. C’est ainsi qu’est née Chaussette. »
.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Merlin » par Carole Maurel et Loïc Clément
Éditions Delcourt, collection Les Contes des cœurs perdus (11,50 €) – EAN : 978-2-4130-3884-9
Parution 5 octobre 2022