Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Attention, titre trompeur ! Si l’urbex désigne bien l’activité des chasseurs d’images dans des lieux abandonnés, la série éponyme écrite par Vincent Dugommier et illustrée par Clarke s’engouffre dans les fantasmes de la pratique, entre fantastique et mysticisme. Entretien avec le dessinateur, alors qu’une exposition vente vient de lui être consacrée à la galerie parisienne Huberty et Breyne.
Alex et Julie pratiquent l’urbex. Depuis qu’ils ont franchi la porte de la villa Pandora, à chacune de leurs explorations urbaines, les deux adolescents sont accueillis par des visions de vies d’inconnus et se sont découverts une arrière grand-mère en commun. Tourmentés dans leur quotidien, ils poussent les portes les plus recluses de la villa pour en finir avec cet héritage maudit…
Parlez nous de la villa Pandora où se déroule l’intrigue, pratiquez-vous vous même l’urbex ?
Clarke : « J’en ai pratiqué. À l’époque où ça ne s’appelait pas encore comme ça… On était étudiants en arts et faire des photos insolites dans des endroits insolites nous amusait beaucoup. J’ai arrêté le jour où une centaine de rats m’est passée dessus dans un couloir. »
Quelle est la gageure graphique de cette série multi-temporelle et fantastique ?
Clarke : « Je ne suis pas certain qu’on puisse parler, pour moi, de gageure. Dans la mesure où Vincent m’a apporté un scénario sur mesure, qui me permet de « jouer dans ma cour » et me sentir à l’aise… Travailler les décors comme ça est quelque chose que j’adore faire. »
Votre éditeur qualifie la série de thriller psychiatrique, êtes-vous en accord avec cette définition, ou sinon comment aimeriez-vous qu’on la qualifie ?
Clarke : « Ce n’est pas à moi qu’il faudrait poser cette question. Les choix de l’éditeur en termes de communication sont des choses qui me dépassent un peu, à vrai dire. Il sait mieux que moi comment vendre un bouquin et je m’en mêle rarement… Je n’ai pas de nom pour cette série. Vincent a apporté un tel mille-feuille, plein de digressions, de chausse-trappe et de préoccupations personnelles que ça ne correspond qu’à lui, vraiment. Et je suis fier de faire partie de ça…»
Vous avez beaucoup produit sur les illusions, les faux semblants ou le coté obscur, mais en solo. Pourquoi avez vous choisi (ou été convaincu) de travailler avec un scénariste, Dugomier en l’occurrence ? Quel est le sens de votre collaboration et quel est votre apport narratif ?
Clarke : « Ça fait quelques années qu’on se reniflait, Vincent et moi. Et qu’on s’entendait bien. Je crois qu’il a voulu travailler avec moi après avoir lu les « Réalités obliques » qui lui ont beaucoup plu. Et ce qu’il m’a amené a le double avantage d’utiliser ma grammaire graphique et d’être, pour lui, hautement personnel… Je n’aurais pas accepté de dessiner un bouquin que tout le monde a déjà lu mille fois. Alors qu’ici, je suis plus que comblé »
J’aimerai qualifier votre travail d’exigeant, envers vous même et les lecteurs, demandant une lecture totalement active et ne supportant pas la paresse intellectuelle. Est-ce votre ambition ?
Clarke : « Je n’ai pas d’ambition. Du moins au sens carriériste du terme. En revanche, oui, j’ai horreur de la paresse intellectuelle et je déteste qu’on me prenne pour un idiot. Comme je suis mon premier lecteur, la moindre des faveurs que je puisse me faire est de me respecter… Je ne sais pas si mon travail est exigeant pour le lecteur, parce que celui-ci n’intervient jamais dans l’équation pour moi. Désolé, mais je dessine pour moi avant tout. Parce que c’est ma vie, que j’aime mon métier, qu’il me remplit et me nourrit… A contrario, recevoir des retours est toujours bienvenu. Et si ces retours sont le fait de gens avec les mêmes idéaux que moi, tout le monde est gagnant… »
Une question nostalgie pour finir : reverra-t-on un jour Mélusine, même sous une autre forme ? Retrouver l’univers des fées et des sorcières est-il dans vos projets ?
Clarke : « Pour être franc, je ne pense pas… Je sais qu’il ne faut jamais dire jamais, mais je suis ailleurs pour le moment. Et je suis très bien là où je suis. J’ai adoré travailler sur « Mélusine ». Surtout les sept derniers albums que j’ai pu faire seul. Mais la série a eu, à mon sens, une jolie conclusion, et forme un bel ensemble… Pourquoi revenir dessus ? »
Propos recueillis par Laurent TURPIN
« Urbex T2 : Douleurs fantômes » par Clarke et Vincent Dugommier
Éditions Le Lombard (12,95€) – EAN : 9782808203616
Parution 26 août 2022