Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« L’Assommoir » : Zola contemporain !
En écrivant l’histoire tragique des « Rougon-Macquart », Émile Zola a dressé un portrait féroce des fastes de la France bourgeoise face au prolétariat, sous le Second Empire. Mathieu Solal et Xavier Bernoud transportent en ce début de troisième millénaire les protagonistes inoubliables de cette œuvre monumentale. Ils s’attachent plus particulièrement à « L’Assommoir », septième roman de ce témoignage intemporel publié en 1877.
Ayant quitté la province avec leurs deux fils pour le quartier de la porte de la Chapelle à Paris, Gervaise Macquart et Auguste Lantier mènent une vie de misère. Courageuse, la jeune mère, hôtesse d’accueil, puis esthéticienne, finit par ouvrir à crédit un modeste salon de coiffure. Auguste, employé par Deleveroo, se casse une jambe. Paresseux, infidèle, l’homme sombre dans l’alcool. Gervaise, qu’il rudoie, finit par le quitter pour épouser Coupeau : livreur à vélo portugais à qui elle donne une fille, Anna, surnommée Nana. Courageuse, elle cherche à conserver la tête hors de l’eau. Malgré ses efforts, dépassée par les dettes, les crédits qui s’accumulent et la précarité de ses compagnons, Gervaise se noie dans l’alcool à l’Assommoir du père Colombe. Elle retrouve la rue et la misère…
Un trio contemporain, proche de celui que formaient Gervaise la blanchisseuse de la Goutte d’or, son amant Lantier et Coupeau le zingueur, est né de l’imagination de Mathieu Solal et Xavier Bernoud. Le Paris des miséreux du Second Empire, habitués au travail journalier, n’est pas si éloigné de celui des travailleurs précaires d’aujourd’hui. La lutte du prolétariat face au luxe clinquant des nantis est éternelle. Un beau portrait de femme, à la fois mère et travailleuse,résistant avec courage aux épreuves, finissant par plonger dans l’abomination.
Publié en 1877, « L’Assommoir » est le septième roman de la série des « Rougon-Macquart » qui en compte 20, écrits de 1870 à 1893 par Émile Zola. Cette transposition moderne, dont les textes sonnent juste, est signée par deux auteurs nouveaux venus dans le monde de la bande dessinée : Mathieu Soral, journaliste au quotidien L’Opinion et Xavier Bernoud, ingénieur du son, producteur musical… et barman.
Emmanuel Moynot, dessinateur aux multiples casquettes, dont on connaît l’amour particulier pour le polar sous toutes ses formes, notamment successeur de Jacques Tardi pour la mise en images des « Nestor Burma », se révèle le dessinateur idéal. Il campe une belle galerie de personnages aux trognes tour à tour délirantes, pathétiques etattachantes, évoluant avec aisance dans les rues grouillantes du Paris populaire qu’il connaît bien. Les textes situés en ouverture des chapitres de cet ouvrage de 184 pages en couleurs, ainsi que les cartouches, sont tous extraits de l’œuvreoriginale.
« L’Assommoir » par Emmanuel Moynot, Mathieu Solal et Xavier Bernoud, d’après Émile Zola
Éditions Les Arènes BD (22 €) — EAN : 978-1-0375-0692-4