Fin du « Boiseleur » et de « Ténébreuse » : le scénariste Hubert est encore parmi nous !

Les ultimes tomes des très beaux diptyques « Le Boiseleur » (dessiné par Gaëlle Hersent) et « Ténébreuse » (mis en images par Vincent Mallié) paraissent coup sur coup, en cette rentrée éditoriale très — trop ? — chargée (1). Ils confirment, une fois de plus, combien le scénariste et coloriste Hubert Boulard, qui signait de son seul prénom, va nous manquer. Ce narrateur aussi sensible que cultivé, disparu tragiquement en février 2020 à l’âge de 49 ans, était l’un des meilleurs créateurs de sa génération : la preuve par deux, avec ces deux nouveaux indispensables bédéesques !

En dehors de quelques collectifs et du « Boiseleur », la talentueuse illustratrice Gaëlle Hersent n’a, en fait, œuvré en bande dessinée que sur deux one shots historiques : « Sauvage » (une biographie de Marie-Angélique Leblanc écrite par Jean-David Morvan et Aurélie Bévière, publiée chez Delcourt en 2015) et « Rutile » (le deuxième volume de la collection Dans les cuisines de l’Histoire au Lombard, en 2017, qu’elle a scénarisé elle-même). Il faut dire que, diplômée des Beaux-Arts et de l’École des métiers du cinéma d’animation d’Angoulême, elle se consacre également à l’image animée et à l’édition jeunesse. 

Comme elle partageait le même atelier que fréquentait Hubert, ce dernier l’avait encouragée à écrire. Le regretté et habile conteur a été alors inspiré par un petit texte ébauché par Gaëlle. Il prend ainsi diverses notes et se met, peu à peu, à composer quelques dialogues : ceci pour lui montrer ce que pourrait devenir son histoire. 

Gaëlle Hersent.

C’est ainsi qu’est né « Le Boiseleur », désormais phagocyté par un Hubert qui n’aura de cesse d’intégrer les suggestions de dame Gaëlle. Cette dernière décide toutefois de se vouer maintenant, principalement, à la constitution graphique de ce superbe et poétique conte social et sociétal dédié au métier d’artiste et à l’art en général. Cette sensible illustratrice, dévastée par la disparition de son ami coauteur qui avait mis beaucoup de lui-même dans cette histoire (notamment dans ce tome 2 consacré à l’apprentissage et dans lequel il s’est souvenu de ses études aux Beaux-Arts d’Angers), a préféré réduire l’aventure à deux tomes, alors que trois étaient prévus au départ.

Cependant, avec l’aide de Fabien Vehlmann (autre célèbre scénariste) et en hommage à Hubert, elle s’est attelée à la confection d’un épilogue de six pages, basé sur les idées et envies que les deux auteurs d’origine souhaitaient développer dans un troisième opus qui aurait dû s’appeler « L’Œil de Flora ».

Ce second et dernier opus — peut-être un peu moins onirique que le précédent, mais dont l’atmosphère reste toujours magique et prenante — nous permet donc de retrouver le candide sculpteur Illian dont la renommée a franchi les frontières de Solidor ; jusqu’à susciter l’intérêt d’un couple de grands maîtres de Bélizonde, seule cité dirigée par des artistes, qui parvient à convaincre le jeune d’homme d’intégrer leur prestigieux atelier… 

Quant au final de « Ténébreuse », flamboyante fantasy épique enluminée par l’un des complices graphiques de l’exigeant Régis Loisel sur « Le Grand Mort » et sur deux tomes de la mythique « Quête de l’oiseau du temps », il ne fait, lui aussi que nous faire regretter le décès prématuré d’Hubert.

En effet, cela nous prive des nombreux chefs-d’œuvre que cet habile narrateur devait avoir encore certainement en tête.

Comme à son habitude, Hubert excelle dans le style contes et légendes, dont il usait avec délices (ne serait-ce qu’avec son célèbre et féministe « Peau d’homme »), prenant une nouvelle fois le lecteur à contre-pied.

En effet, il joue ici une fois de plus avec les stéréotypes, en nous racontant l’amour tragique de la douce princesse Islen, aux terribles pouvoirs qui lui viennent de sa puissante et toxique mère, et du chevalier déchu Arzhur, au passé torturé : deux âmes blessées qui cherchent à échapper au poids de leur hérédité…. 

Pendant ce temps-là, trois dangereuses vieilles harpies les surveillent dans l’ombre et ne perdent pas une miette de cette romantique et dramatique aventure : de la BD grand spectacle minutieusement fouillée et réfléchie, tant dans le graphisme que dans la narration…

Gilles RATIER

Couverture du tirage en noir et blanc.

(1)  Voir aussi nos chroniques de chacun des premiers tomes : « Le Boiseleur » : une belle réflexion écologique… et « Ténébreuse » : l’ode à la rédemption de Vincent Mallié et du regretté Hubert !.

(2)  Sur Hubert, voir Hubert : disparition d’un esthète… ou nos diverses chroniques sur BDzoom.com : « Joe la pirate » : encore un remarquable album posthume du regretté scénariste Hubert…, « Les Ogres-Dieux » : l’ultime opus de la fabuleuse saga dark fantasy d’Hubert et Bertrand Gatignol !, La quête folle et ardente de l’amour, sans contrefaçon, dans l’ultime scénario d’Hubert…, « Les Ogres-dieux T3 : Le Grand Homme » par Bertrand Gatignol et Hubert, « Monsieur désire ? » par Virginie Augustin et Hubert, « Les Ogres-dieux T2 : Demi-Sang » par Bertrand Gatignol et Hubert, « Petit, les Ogres-Dieux » par Bertrand Gatignol et Hubert, « Le Temple du passé » par Étienne Le Roux et Hubert, « Ma vie posthume » T1 (« Ne m’enterrez pas trop vite ») par Zanzim et Hubert, « Beauté » T1 par Kerascoët et Hubert ou Hubert et Tanquerelle, auteurs du Legs de l’alchimiste.

Couverture du tirage de luxe.

« Le Boiseleur T2 : L’Esprit d’atelier » par Gaëlle Hersent et Hubert

Éditions Soleil (18,50 €) — ISBN : 978-2-302-09848-0

Parution 31 août 2022

« Ténébreuse T2 : Livre second » par Vincent Mallié et Hubert 

Éditions Dupuis (20,95 €) — EAN : 979-1-0347-5964-4

Parution 2 septembre 2022

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