Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Samantha a de l’esprit pour sauver des esprits vagabonds…
Dans nos sociétés contemporaines, nous effaçons le plus possible la mort de notre quotidien. Pourtant, nous portons au plus profond de nous le souvenir de nos chers disparus. Ces souvenirs peuvent nous aider à surmonter bien des peines ; le travail de deuil est une affaire personnelle et collective, personne n’y échappe. Pour la petite Samantha, le deuil prend une tournure bien singulière, car elle peut dialoguer avec certains disparus et les aider. Comment ? Pour le savoir il faut lire « Les Sauveurs d’esprits ».
Tim est un jeune garçon volontaire, mais un peu dépassé par les événements qu’il subit. Il vient de perdre son travail et, orphelin, doit s’occuper de sa petite sœur Samantha que tout le monde appelle Sam. Il craint la venue d’une assistante sociale qui peut lui retirer sa garde si elle considère qu’il s’occupe mal d’elle dans le pavillon de banlieue dont ils ont hérité à la mort de leurs parents. Le comportement de Sam l’inquiète aussi : elle révise ses leçons dans le caveau familial, sis dans le cimetière en face de leur maison. Elle ne fait rien de mal, certes, mais elle espère que son défunt père lui réponde un jour. Tim est dubitatif, il ne veut pas que l’on dise qu’il néglige son éducation. Il ne faut donc pas que les services sociaux apprennent les penchants morbides de sa petite sœur.
Si Sam ne peut pas engager un dialogue avec l’esprit de son père, un beau jour dans une allée du cimetière, elle capte la discussion très animée entre Philéas, un fantôme élégant, et Louise, une ancienne retraitée qui ne veut pas danser avec lui.
D’abord très surprise, d’autant que Tim ne voit pas et n’entend pas les spectres se disputer, Sam entreprend très vite d’aider la pauvre Louise : esprit bien perdu depuis son trépas.
Il faut la comprendre : elle est morte en traversant une rue dans un anonymat complet. Enterrée dans le carré des indigents, elle voudrait plus que tout prévenir son mari de son décès et de l’endroit où elle a été inhumée.
Commence pour la jeune fille un parcours semé d’embûches pour retrouver le mari de Louise : lequel habite forcément une rue proche de sa maison. Elle est fort heureusement aidée dans ses recherches par son grand frère qui craint que l’assistante sociale, qui passe sous peu visiter leur logement, juge utile de séparer une fratrie dont la plus jeune a un comportement bizarre et affirme dialoguer avec l’esprit d’une vieille dame qui perd la mémoire.
Nous ne nous lassons pas, dans la rubrique jeunesse de BDzoom.com, du travail de Bénédicte Carboneill, alias Carbone. Après « La Boite à musique » « Dans les yeux de Lya », « La Brigade des souvenirs », « Rainbow Girls » ou « La Sentinelle du petit peuple », « Les Sauveurs d’esprits » – sa nouvelle saga jeunesse – a su nous captiver.
Toujours proche de ses personnages, elle développe une intrigue intéressante teintée d’un humour bienveillant.
Son récit, comme souvent un peu nostalgique, se construit autour de thématiques fortes : les liens nécessaires entre générations, la force d’une action commune, la protection d’une famille aimante ou la puissance d’un passé qui forge notre identité.
L’ancienne professeur des écoles et directrice de maternelle a le chic pour bâtir des récits émouvants autour de jeunes héroïnes ; jamais parfaites, doutant toujours d’elles-mêmes, mais volontaires, qui s’affirment en surmontant différentes épreuves. Ce sont des feel good BD, comme on parle de feel good movie pour des films à l’issue desquels on se sent bien, rasséréné par le bien être retrouvé des personnages. On se sent forcément bien à la fin de la lecture d’un album scénarisé par Carbone, séduit par leurs charmes et la bienveillance qui s’en dégage.
Le récit est bien servi par le dessin de Julien Monier : souple, mais précis dans ses perspectives urbaines et inventifs dans ses cadrages. Il donne une gamme étendue d’émotions à tous les personnages et sait, par une utilisation judicieuse de la couleur, faire ressentir les liens entre le monde des vivants et celui des esprits. Le premier volume des « Sauveurs d’esprits » annonce une belle saga jeunesse autour de fantômes en détresse et de la quête d’une jeune fratrie pour dénouer des secrets de famille. Prochainement sortie du tome 2 : « Guy ».
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Sauveurs d’esprits T1 : Louise » par Julien Monier et Carbone
Éditions Dupuis (12,50 €) – EAN : 979-1-0347-57473
Parution 8 avril 2022