Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Direction Ouagadougou pour rencontrer Roukiata qui va rejoindre le Burkina Faso, sa famille et ses amis. Elle vit dans le XVIIIe, quartier Château rouge, le Little Africa parisien, mais l’album « Ouagadougou pressé » est d’abord une jolie virée africaine, nourrie d’échanges, aux expressions locales surprenantes et séduisantes.
Á Ouagadougou, dans la famille de Roukiata, frères et sœurs se battent pour décrocher le téléphone. La mère est évidemment un peu dépassée face aux progrés technologiques et quand son fils doit passer sur RFI, cela nous vaut une séquence haute en couleurs sur les radios photovoltaïques qui n’ont pas de piles et que le mécanicien ne sait pas réparer !
Á Paris, Roukiata, après s’être fait coiffer dans un salon où ça ne manque pas de dialogues échauffés, réfléchit à la robe qu’elle voudra porter en arrivant à Ouaga et qui rendront ses amies folles de jalousie. Pour le moment, il lui faut résister à tout ce que là-bas on lui demande de rapporter et à tout ce qu’ici on lui demande d’emporter. Et c’est bientôt l’arrivée sur place, la famille qui l’accueille, la redécouverte des faubourgs ouagalais où vit sa mère, les amis, les voisins, tout ce petit monde aux aguets, leurs attentes, leurs rituels…
La galerie de personnages présentée au fil des planches ne manque pas d’individus pittoresques, sympathiques ou non, d’autant que Roukiata se rappelle aussi sa jeunesse et plus particulièrement son adolescence et les ruses pour échapper à la vigilance paternelle. Mais la richesse de cette histoire tient en grande partie au choix de conserver le langage local, de lui donner sa place naturelle.
La scénariste Roukiata Ouedraogo, par ailleurs comédienne et chroniqueuse sur France Inter, n’a pas traduit (sauf en notes de bas de page) toutes ces expressions qui font le charme indiscutable de ces dialogues populaires : « cadavérer », être « versé » quelque part, être « moisi », « kataclando » et tant d’autres. L’ambiance enjouée qui en ressort vient aussi du dessin d’Aude Massot, décontracté et caricatural qui va très bien à cette chronique en partie autobiographique.
C’est évidemment l’occasion de rappeler l’album « Ting Tang Sap Sap » commenté ici même il y a un an. Il s’agissait là encore d’une chronique chaleureuse et optimiste sur la vie des jeunes burkinabés, leurs doutes et leurs désirs, pour « ambiancer » au maximum un quotidien souvent décourageant où de grands rêves côtoient les petits boulots, un Burkina Faso où l’on pratique de « la parenté à plaisanterie », autant dire le jeu de moqueries que s’autorisent des ethnies différentes, est coutumier, voire ritualisé.
Alors, bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Ouagadougou pressé » par Aude Massot et Roukiata Ouedraogo
Éditions Sarbacane (24 €) – EAN : 9782377317752
Parution 6 octobre 2021